Le page de droite…

par C’est Nabum
lundi 15 avril 2024

 

De la marge au pilon.

 

Grand émoi en terre Johannique, l'un des pages désigné, pardon adoubé pour servir de chevalier fervent à la demoiselle qui incarnera Jeanne le temps des traditionnelles tout autant qu'immuables fêtes johanniques de notre bonne cité, est invité à retirer sa tunique. Le pauvre garçon aurait commis curieux crime de lèse sainteté en affichant ouvertement des propos outrancièrement marqués à droite. Du pain pas vraiment béni pour nos culs éponymes mais merveilleusement plaisant pour les rares mécréants de l'endroit qui aiment fouiller l'envers des coulisses ...

C'est ainsi que l'équilibre serait rompu avec son collègue, le page de gauche, si tant soit peu que dans la place, ce positionnement puisse convenir à la curie et aux édiles. C'est donc à la marge qu'il convient de choisir le page qui ne débordera pas de son rôle, laissant la position centrale à la Pucelle qui servira de reliure pour écrire un nouvel épisode à ce rituel cavalier.

Mais que faire alors de ce page révoqué ? Le pilon semble lui être réservé mais à qui confier la lourde tâche de lui octroyer légitime châtiment ? Du côté de l’évêché, l'instrument ne peut être mis sur le même plan que le goupillon. Il y a manifestement une volonté d'échapper à toute critique pouvant réveiller les vieux démons sous la soutane. Du côté de la municipalité, la main de fer dans le gant de velours n'aimerait pas que ce pilon remplace la matraque dans l'esprit des électeurs.

Reste donc les fidèles compagnons de la bergère et parmi eux, c'est une fois encore Gilles de Rais, qui brûlent d'impatience de montrer à ce vilain page de quel bois il se chauffe. Sa conception toute personnelle du pilon fait frémir les rares personnes dans la ville qui se soucient encore du sort de ce pauvre garçon voué aux gémonies et au bannissement de la place.

Une page sombre de l'histoire risque à nouveau d'être écrite après cette excommunication qui peut surprendre les plus lucides annalistes de la commémoration. Ceux-là découvrent avec un étonnement sans borne que se situer à droite de l'échiquier poserait soudainement problème lors d'une commémoration ou la calotte n'a jamais passé la main.

La confusion des termes pourrait permettre de sortir la tête haute si je puis dire de ce terrible dilemme. Si la claque qu'a déjà reçu ce vilain garçon, coupable de dire tout haut ce que beaucoup pensent ici tout bas n'est pas suffisante après une confirmation cinglante des autorités ecclésiastiques, la fessée constituerait la plus agréable manière de clore le débat, pourvu qu'elle se déroule en place des martyres, le jour du grand défilé.

Mais une fois encore, des voix s'élèvent, phénomène assez récurent dès qu'il s'agit d'évoquer l'héroïne locale. Si le page montre ses fesses à la fête, la messe risque d'être dite de manière fort confuse. Il ne faudrait pas troubler les esprits pour une sortie de route somme toute assez dérisoire. L'extrême onction des propos incriminés eut égard à ce qui peut se dire dans les coulisses de la cité vaudrait componction générale ? Il y a de l'hypocrisie dans l'air y compris du côté du marque-page.

Tout ceci ne serait qu'un feu de paille au pays de la Pucelle si justement la moindre étincelle ne risquait d'allumer le bûcher de manière quelque peu anticipée. Mettre la charrue avant les bœufs n'est pas la meilleure manière d'honorer une pucelle. Il convient tout simplement de contourner le page afin de mieux tourner cette déplorable page.

Le jeune garçon n'aura pas son heure de gloire. Il l'a sans doute bien cherché. Laissons-le ruminer son aigreur, maintenant qu'il vient d'être mis à l'index et pointons sur lui un doigt inquisiteur qui restera dans les annales de la cité. Gilles de Rais le prendra sous son aile et tout ira une nouvelle fois pour le mieux dans la belle cité catholique.

 


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