Le football argentin face à la violence libérale

par Yves Alvarez
mardi 27 novembre 2018

Samedi dernier alors que les nombreux supporteurs du club argentin de River Plate convergeaient vers le stade Monumental, fief de leur club en vue de la finale retour comptant pour la Copa Libertadores, une petite bande composée de délinquants à agresser le bus qui transportait l’équipe du club de Boca Junior. Résultat, des joueurs ont reçu des projectiles en pleine figure, occasionnant l’hospitalisation de certains éléments de la formation Xeineze. Les responsables de la Conmebol ont préféré reporter la rencontre.

Nos médias hexagonaux qui traitent de l’actualité sportive et du football ont dénoncé ses violences mettant le tout sur le compte de la passion malsaine qu’ont les Argentins pour le football. Une habitude quand il s’agit du football sud-américain. On retrouve la même dialectique faite d’ineptie, d’ignorance et de propos qui frôle la ligne rouge.

 

Le football devenu un trésor national

Pour comprendre et décrypter l’hyper violence qui gangrène le football argentin, il faut remonter à la source. À la création du football dans ce pays.

À l’orée du XX siècle, sous l’impulsion de nombreuses communautés immigrées en provenance d’Europe, des associations de type omnisports apparaissent et se répandent à travers le pays. Les clubs arborent tous le patronyme de Club Atletico. Ces associations sportives sont administrées et détenues par les supporteurs. Les socios. Ce système qui régule les clubs va perdurer durablement. Il est même renforcé sous le péronisme. Le football argentin vit son âge d’or. Les clubs se dotent de cité sportive et de stade adapté à un public, toujours plus nombreux. Pour leur malheur, les Argentins ont créé avec leur football et leur club, un géant culturel qui ne trouve que le football anglais et son socle d’origine pour rivaliser avec lui.

 

Vent libéral

Vers le milieu des années soixante, le football argentin se retrouve confronté à la question libérale. Les généraux qui ont pris le pouvoir – installée par Washington – ont ordre de « déperoniser » la société argentine et son football avec. C’est le début d’une lente déconstruction. Bien que le pays navigue à vue sous la férule de militaires et de régimes répressifs, la violence s’installe peu à peu dans les stades.

Nous l’avons vu plus haut. Les clubs sont des associations sportives qui appartiennent à leurs supporteurs. Le pouvoir de nature libérale ne peut tolérer cette entrave qui empêche des fonds privés de toute sorte de mettre la main sur le football. Certains joueurs et pas des moindres quittent le pays pour l’Espagne et la France. Les libéraux veulent un football basé sur l’exportation. En situation d’incapacité à destituer les socios de leur droit au profit d’investisseurs douteux, le pouvoir décide d’avoir recours à la violence pour mettre les tribunes au pas.

C’est un procédé simple, efficace qui marche à tous les coups. Des voyous créer des petits groupes et se fonde dans les virages tenus par les « barra ». Peu à peu, ils installent la terreur. Intimidation, trafic de drogue, racket, le tout sous l’œil bienveillant du pouvoir et du grand capital qui attend son heure. Face à une telle dévastation, des clubs – les socios – ont fini par déposer les armes. Certains clubs étant pillé et menés à la faillite par des dirigeants corrompus couverts par le pouvoir. Le football sombre à l’image de la société argentine dans l’abîme.

 

 Boca Junior, le meilleur exemple

Le très populaire Boca Junior fut le premier visé par les libéraux. Le club miné par les dettes et la violence finit par changer de statut. Un certain Mauricio Macri, homme d’affaires met la main sur la vénérable institution sportive. La résistance s’organise au sein des supporteurs, mais la lutte est inégale. À force d’intimidation et de menaces, le club change de peau. Le populaire Boca mute. Le club devient une attraction touristique pour des gens en mal de sensation. Les abonnements à prix d’or sont délivrés au camp qui accepte cette mutation et la barra tenu par des gens qu’il ne fait pas bon de croiser.

Le club de River a mieux résisté à cet entrisme des libéraux. Il y a quelques années, un groupe de voyous qui voulaient mettre la main sur la tribune a fini par être chassé du stade par les supporteurs. Vous l’aurez compris. Pas par les dirigeants !

Les clubs de football argentin qui par l’action de leurs supporteurs essayent de résister au pouvoir libéral sont aux prises avec cette hyper violence, institutionnalisée par divers gouvernements de tendance libérale……..et aujourd’hui, Macri est au pouvoir.

 

Prévisible

Ce qui s’est produit en marge de la rencontre devant opposer les formations de River Plate et Boca Junior était prévisible. Macri avait annoncé la couleur déclarant que cette joute entre les deux clubs rivaux était «  Une opportunité de démontrer la maturité de notre pays ». Une manière, une fois de plus, de montrer à quel point, les clubs administrés par des gens élus par les supporteurs ne génèrent que violence et désordre. Un joli coup monté, mais qui marche encore et encore…

Vous pouvez être certains. Les voyous arrêtés suite à l’attaque du bus des joueurs de Boca Junior seront condamnés à de petites peines ou relaxés.

Récemment, le président élu de River Plate, Rodolfo D’Onofrio a remis sur le tapis la possibilité de construire un nouveau stade à la place du mythique Monumental. Les socios se sont montrés hostiles à cette éventualité. Le club de River Plate est sous pression de toute part.

Face à cette nouvelle attaque d’un système qui ne désarme pas, la grande majorité des supporteurs de River Plate vont devoir faire preuve d’une forte détermination, s’ils veulent voir leur club rester tant bien que mal indépendant. Loin de la possession de groupes privés, liés à des mafias en tout genre…


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