Incivilité asiatique dans le métro parisien
par Krokodilo
lundi 28 avril 2025
Foin de théorie, je vous fais part d’un exemple vécu.
Alors que nous étions, ma femme et moi, tranquillement perdus dans nos pensées, debout dans le métro, un peu essoufflés après une marche à vitesse parisienne dans le dédale des couloirs souterrains, une femme d’âge moyen, assise près de nous, a osé nous déranger en proposant sa place à mon épouse ! Quel sans-gêne ! Ma femme a dû sortir de sa rêverie pour lui répondre que non, ça allait bien, merci, tâchant de rester polie devant cette agression verbale incongrue. Pour ma part, j’en restai muet de surprise tant la chose était nouvelle.
Vous me pardonnerez un délit de faciès, mais son accent a confirmé ce que nous soupçonnions : cette importune, quoique parlant un bon français, était d’origine asiatique. Je le dis tout net : durant notre séjour parisien, jamais un Français, blanc, noir ou de tout autre couleur du spectre, ne nous a ainsi dérangés. Pas un seul jeune ne nous a proposé sa place, au prétexte vexant que nous aurions l’apparence d’une personne d’un certain âge – je n’ose dire vieux. C’est une question de respect. Comment pourrait-on davantage faire sentir son âge à quelqu’un qu’en insinuant qu’il semble à peine tenir sur ses guibolles ? C’est insultant. Bien au contraire, les jeunes et moins jeunes Parisiens nous ont parus d’une politesse et d’une courtoisie irréprochables, quel que soit l'arrondissement. En fait, je doute qu’ils se soient seulement aperçus de notre présence, perdus dans leurs smartphones et leurs bulles virtuelles.
Du coup, outrés par cette inconvenante intrusion dans notre espace personnel (au demeurant assez limité dans le métro), nous nous mîmes à réfléchir à la question, et remarquâmes qu’au-dessus des portes (au fonctionnement étrange), rivé au plafond de certaines rames se trouvait une plaque de cuivre, usée par le temps, où quelques antiques idéogrammes prétendent convaincre les gens de céder leur place à toute femme enceinte, ou avec enfants en bas âge, ou à une silhouette non genrée portant un plâtre, ou marchant avec une canne, etc. Faudrait-il s'effacer devant toutes sortes de voyageurs présumés handicapés (ça ne se dit plus, d'où les idéogrammes), céder une place assise parfois obtenue de haute lutte après une bousculade ? Alors, toute personne de moins de cinquante ans, en bonne santé et sans bébé sur les bras, passerait son temps à déranger les autres d’une phrase rituelle et surannée : « Je vous en prie » !
« Tu me pries de quoi, petit con ? » aurait-on envie de répondre, mais je me garderai bien de le dire à voix haute dans le métro si j’en juge par un article récent de Marianne...
Je pense que cette plaque rouillée, que vraisemblablement seuls des touristes lisent, vestige d’une époque révolue, ne sera plus installée dans les nouvelles rames - nous n’avons pas eu l’occasion de le vérifier. La RATP a dû comprendre que ce serait de la discrimination, et qu'avec tant de handicapés temporaires, on ne pourrait tout simplement jamais s’asseoir ! Le bons sens a prévalu sur une bienséance d’un autre âge, hormis, semble-t-il, dans quelques lointaines contrées asiatiques.
Et, de fait, dans les séries coréennes de Netflix, on peut effectivement voir les gens s’aborder pour céder leur place, sans que personne ne s’en offusque. Peut-être font-ils du troc, genre : « Eh, la vieille, pour deux wons, je te file ma place ! » Ils s’inclinent également un nombre incalculable de fois ; peut-être ont-ils appris que les mains, même lavées, sont en général des nids à microbes ?
Quoi qu’il en soit, o tempora, o mores, l’urbanité a déserté l’urbs !