Aveugles & voyants

par Piere CHALORY
lundi 29 octobre 2012

---- '' Vous les voyants, êtes trop tournés vers l'extérieur ! ''
 
Il y a quelque temps, je suis tombé sur une émission de télé dans laquelle Gilbert Montagné était invité. À une question posée par un animateur, interrogation dont j'ai perdu la formule, Gilbert a répondu comme ça.

---- '' Vous les voyants, êtes trop tournés vers l'extérieur. ''

La profondeur du sens de ces quelques mots est étonnante. Ici, les voyants c'est nous, pas les médiums ou les devins. Dans la bouche d'un aveugle, le mot voyant désigne tout le monde, pas Nostradamus, Madame Soleil ou Autre.
 
C'est clair, limpide et sans jeu de mot. Pour un aveugle, le mot voyant ne signifie pas la même chose que pour nous, les '' voyants ''.
 
Essayez de vous imaginer un instant l'univers extérieur d'un aveugle de naissance ! Impossible ! à part l'ouïe et le toucher, identiques pour nous, l'aveugle vit dans un monde strictement personnel ; Le monde extérieur il l'imagine. Avec ses mots, ses couleurs, sa sensibilité. Même le goût et l'odorat lui évoqueront des ''images'' strictement personnelles, inimaginables pour nous.
 
Mais là encore, on pourrait objecter que finalement, chez les ''voyants'', toujours nous, la
situation reste proche par l'isolement dans lequel nous sommes tous. Chacun dans nos bulles. Condition presque identique à celle des aveugles, quoique agrémentée d'images parfois agréables.
 
Quelque part et pardon pour eux, les aveugles ont presque de la chance. La '' réalité '' ne s'impose pas à leurs yeux éblouis. Il est vrai que les commentaires en voix off ou on du Jt de 20 heures de Tf.zéro sont suffisamment évocateurs, même pour un aveugle.
 
Gilbert Montagné ne verra jamais les massacres retransmis en direct, les villes dévastées par un tremblement de terre, les ''frappes chirurgicales'' de la guerre du golfe. Rappelez vous, comme dans un jeu video, on pouvait presque s'imaginer pilote de F16 en train d'abattre nos ennemis, en live.
 
Je dis ça je dis rien, c'est vous qui voyez. Mais on peut dire que les ''voyants'' ne voient pas grand chose. Même pas eux. Comme le définit si bien la Parabole de la paille et de la poutre. Obnubilés par nos graves ''problèmes'', soucis souvent d'ordre matériel, jaloux et envieux, nous en avons perdu l'empathie jusque envers nous mêmes.
 
Conditionnés jusqu'au bout des ongles, l'extérieur nous apparaît différent pour chacun. Adapté, fabriqué juste pour nous. Selon l'épaisseur de notre portefeuille, les vitrines des magasins nous apparaissent comme un rêve inaccessible ou comme un lieu commun.
 
C'est comme quand vous lisez un roman. Le film de l'histoire, c'est vous qui le fabriquez. Sur un million de lecteurs ; un million de films différents. Votre sémantique visuelle crée au fur et à mesure de la lecture, des mots au sens précis, puis des phrases, puis des pages.
 
Un scénario avec des images à votre mesure.
 
Personnel.
 
Et si un jour, le succès du roman que vous avez tant aimé intéresse des producteurs et qu'un vrai film en est tiré, la subjectivité du réalisateur dominera l'adaptation du livre au cinéma. La vision du réalisateur étant forcément différente de la votre, vous serez déçu.
 
---- Non, Moa, je voyais pas ça comme ça.
 
Eh oui mon gars, mais tous les spectateurs pensent la même chose. Et dans la vie c'est pareil. Face à un événement quelconque, devant tout et n'importe quoi, on voit pas les choses pareil, merde.

 
Ps : Merci Gilbert pour ta réflexion lumineuse.

 

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