Tourisme alternatif : les blogueurs-voyageurs se questionnent

par Mike@VDN
vendredi 12 décembre 2014

Tourisme alternatif : l'expression est évidemment très contestable, mais elle a le mérite d'interroger : quelles alternatives de voyage existe-t-il au tourisme, qu'il soit de masse ou consommation liée à un imaginaire préfabriqué. Nous avions mobilisé des blogueurs-voyageurs voilà un peu plus d'un an et demi ; nous revenons ici sur les réflexions et pistes qui ressortaient de cette opération collective de la blogosphère française du voyage.

Il y a un an et demi, nous avions sollicité divers blogueurs du voyage pour causer « tourisme alternatif ». Se posait bien sûr la question : alternatif à quoi ? Et puis, tout aussi bien : une certaine forme de tourisme (serait-elle dite « alternative ») peut-elle représenter une alternative au tourisme de masse, les deux relevant de l'activité commerciale et donc du rapport marchand ? À ces questions, sous-jacentes, certains ont voulu apporter des réponses en exposant des conseils et suggestions pour un voyage responsable, c'est-à-dire respectueux de l'environnement social et écologique.

Vue du Full Moon Party
Une vue de la Full Moon Party (Thaïlande), un des nombreux exemples du tourisme de masse qui ravagent la planète.

 

Fred et Fanny ont ainsi publié sur Actisphère un « Manifeste pour un tourisme alternatif », invitant à chérir les imprévus, à vivre au plus près de la population. Car, écrivaient-ils, « Le folklore qu’on nous montre est souvent caricatural et uniquement destiné à la prise de clichés, au sens propre comme au figuré. Découvrir la vie des locaux, l’expérimenter, demande plus de temps mais marque le voyageur au fer rouge ».

Fabrice, auteur bien connu d'Instinct Voyageur a lui aussi soumis à ses lecteurs une série de conseils, sous le titre « Voyager responsable : le guide ». Comme le résume Julien dans un commentaire, le contenu « parait évident mais malheureusement ce n’est pas le cas de tout le monde ». Pareillement, Martin (du blog Candix), invitant à « Voyager de façon responsable », dénonçant les effets nocifs du tourisme de masse (« (...)enfants préférant mendier auprès de riches touristes plutôt que d’aller à l’école, rites traditionnels (...) qui se trouvent Disneylandisés »), livrant à ses lecteurs, lui aussi, quelques conseils en cinq parties :

  1. Limitez votre impact environnemental (il y mentionne notamment une initiative de compensation des émissions de dioxyde de carbone),

  2. Voyagez par vous-même,

  3. Renseignez vous sur la culture locale,

  4. Soyez tolérants,

  5. Conseils divers (sur le pourboire, la négociation, les enfants et la mendicité).

L'une des participations les plus intéressantes dans cette thématique, était venue d'Aurélie sur son blog En terre andine, qui a le mérite d'articuler le tourisme – considéré souvent comme une « parenthèse » et une « déconnexion », souvent pour le pire – et les choix de vie plus généraux. Il est vrai qu'il est absurde de parler de responsabilité et d'écologie s'il ne s'agit pas d'un choix de vie quotidien. « J'exerce une profession tournée vers l'humain, qui me confronte chaque jour à l'altérité, je tends vers une alimentation exclusivement biologique et végétarienne, je consomme peu et de manière réfléchie préférant l'occasion au neuf, l'échange à l'achat. Très logiquement, je tente de voyager selon ces principes (...) ». De ses expériences de voyageuse, elle expose : « Dans chaque pays, mon engagement s'est exprimé d'une façon différente, parfois par un geste très ponctuel, d'autres fois à travers une action un peu plus ambitieuse :

Enfin, le blog Vivre en Islande, dans l'un des plus intéressants articles de ces trois mois, intitulé « Islande : berceau du tourisme alternatif », exposait l'évolution historique du tourisme en Islande, rendant compte d'une variété d'initiatives, du voyage à pied à l'immersion grâce au WWOOF, du slow travel et de la slow food à l'écotourisme (exploration de parcs naturels et aires protégées).

Le Lagon bleu
Vue du Lagon bleu, en Islande (source : Commons Wikimedia)

 

Au total, se dessine une conscience des enjeux sociaux et environnementaux du voyage et du tourisme et un panorama d'initiatives diverses. Nous avons, depuis lors, sur Voyageurs du Net, eu l'occasion de présenter des intiatives diverses de cyclotourisme (notamment un couple voyageant de l'Alaska jusqu'à la Terre de Feu à vélo), en voilier, à pied, à la découverte de lieux insolites non touristiques, etc. Comme le résumait Darmon Richter, voyageur de l'insolite qui documente sur l'excellent TheBohemianBlog.com (en anglais) ses découvertes hors des sentiers battus, « Si vous voulez ressentir le monde dans toute sa gloire, embrasser la philosophie du voyage alternatif et moissonner les vastes récompenses qu’il implique, vous n’avez besoin de suivre que ces trois simples règles : préparez-vous, mais ne planifiez pas ; soyez prêt à prendre des risques ; et, peut-être le plus important, cessez de penser comme un touriste » (« Voir ce que personne ne va voir : conseils pour un tourisme (très) alternatif »).

Virgile Charlot, à vélo
L’écrivain-voyageur Virgile Charlot parcourt avec sa compagne Marion Martineau l’Amérique depuis l’Alaska jusqu’à la Terre de Feu... à vélo.

 

Sans entrer dans le stérile débat « touriste ou voyageur ? » (car dans l'œil des autochtones du pays d'accueil, dont la majorité n'a souvent pas l'opportunité de jouir de congés payés et d'un salaire décent, l'étranger quel que soit son mode de voyage est toujours un touriste), voyager autrement ou faire du tourisme « alternatif », si tant est que l'expression soit défendable, c'est d'abord prendre son temps et non pas sauter en hâte de lieu en lieu, c'est porter sa curiosité autant que faire se peut là où ce n'est pas touristique. C'est surtout s'efforcer à être un individu authentiquement singulier, avec imaginaire et des désirs propres et non pas un « consommateur de voyages, [qui est] consommateur de clichés », comme l'énonçait Paul Ariès en intervioù.


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