Harcèlement téléphonique

par Pale Rider
mardi 27 février 2024

L’usage du téléphone fixe tombe en désuétude. Et cela est largement la faute des harceleurs qui, sous couvert de primes étatiques pour ceci ou cela ou de souci de votre santé, envahissent les appels que vous recevez avec une fréquence exaspérante.

Quelques trucs pour résister

Faut-il préciser que Bloctel et les filtres promis par Orange et autres, ne fonctionnent absolument pas. Le fixe est devenu à peu près inutilisable au niveau de la réception. Comme les numéros des importuns changent tout le temps, allant désormais jusqu’à revêtir des préfixes en 06- et 07-, vous décrochez en croyant que c’est un parent ou un ami, et vous tombez sur une voix exotique qui vous parle de mutuelle-santé ou d’isolation de votre maison et qui, parfois, vous insulte carrément quand vous osez dire que vous en avez marre d’être constamment dérangé et violé dans votre intimité. Alors, à force de ne plus répondre et de laisser des harceleurs écouter le message anti-eux que vous avez enregistré sur votre répondeur, vous ratez des appels parfois importants de quelques connaissances – ringardes – qui vous appellent sur votre ligne fixe. C’est invivable. Certains jours, on en arrive à dix appels.

On peut toutefois profiter de ces envahisseurs pour se distraire : draguer la personne qui appelle, répondre avec un sifflet particulièrement aigu, roter ou faire des bruits de vomi (très efficace), proférer des menaces de plaintes, citer des versets apocalyptiques, des sourates du Coran ou le livre de Mormon, leur faire écouter la radio, et, dans le cas des mutuelles-santé, dire que de toutes façons, on est atteint d’une grave maladie et qu’on n’en a plus pour longtemps (et là, changement de ton garanti à l’autre bout du fil). On peut aussi se fâcher : ça défoule. Il y en a parfois qui, comme Louis XVI, payent pour leurs prédécesseurs en fin de journée.

 Il arrive aussi que s’engage un vrai dialogue. Un monsieur très gentil à qui je conseillais de changer de métier et que j’accusais de me téléphoner depuis l’île Maurice me répondit un jour :

–Mais non, monsieur, je vous appelle de banlieue parisienne. Et je fais ce boulot pour nourrir mes enfants.

Nous avions parlé un quart d’heure, c’était quasiment une cure d’âme, au terme de laquelle nous nous étions quittés presque émus.

Nous avons les moyens de vous faire parler

 Mais puisqu’ils ont tellement envie de vous parler, faites-les parler. Surtout s’il s’agit de votre maison. Demandez ce que sait, ou prétend savoir, votre interlocuteur. Exemple reconstitué avec « Benoît », dont l’accent trahissait un prénom d’emprunt (on voit la perversité des donneurs d’ordre) :

–Bonjour, c’est bien Monsieur Pale Rider ?

–Oui…

–Vous habitez bien au 1942 chemin des Persécutés ?

–Oui…

–Nous voudrions vous envoyer un certificat de conformité pour votre maison, concernant l’isolation. C’est en lien avec la Région, c’est entièrement gratuit.

–Ah oui ? Et que savez-vous de ma maison ?

–…Euh, eh bien elle fait plus de 100 m2, elle a plus de 20 ans.

 (Cela est vrai, mais imprécis. C’est 120 m2 et 100 ans. On continue.)

–Et vous savez quoi encore ?

–Vous avez isolé les combles avec de la laine de verre, et vous avez mis des fenêtres en PVC.

–Perdu ! Ce n’est pas comme ça que nous avons isolé les combles ; quant aux fenêtres, nous en avons changé certaines, pas toutes, et comme nous sommes contre le PVC, nous les avons fait faire en chêne.

 Là, l’appelant commence à se sentir mal à l’aise. Puis quelque chose m’alerte :

–Au fait, vous m’avez indiqué mon adresse mais, me semble-t-il, seulement le début. Dites-moi dans quelle ville j’habite.

 Et là, révélation, ou plutôt non-révélation : il ne le sait pas, à moins qu’il ait reçu des consignes pour ne pas me dire qu’il le sait.

–Et de quelle Région est-ce que je dépends ?

 Même mutisme ; Benoît est très embêté.

–Et vous m’appelez d’où ?

–De Vannes.

–Alors çà ! Eh bien, cher Monsieur, je vous annonce que vous êtes à environ 550 km de chez moi et donc que je ne dépends absolument pas de « la Région », comme vous dites sans la nommer, d’où vous m’appelez ! Et nous sommes constamment harcelés par des gens comme vous (même si je n’en ai pas après vous personnellement) qui ne savent rien ou font semblant de ne pas savoir certaines choses pour nous vendre on ne sait quoi. Car vous ne prenez pas toute cette peine pour me refiler un truc gratuit dont je n'ai pas envie. C’est pas mal essayé, le nom, le début d’adresse, le coup des 100m2 et de la maison de plus de 20 ans. C’est comme l’horoscope : avec des généralités pareilles, vous êtes quasiment assuré de tomber juste. Mais dès qu’on creuse, il n’y a plus rien.

 Le pauvre homme est achevé :

–Vous savez, moi aussi je suis harcelé chez moi au téléphone. On ne cherche pas à vous embêter. J’ai les mêmes problèmes que vous.

 Etc., etc. Il me fait presque pitié : l’agresseur devient victime. Je ne saurai pas ce qu’il cherche à me vendre – car bien évidemment, il est (sans doute mal) payé pour finir par me faire acheter quelque chose au profit d’entreprises du bâtiment qui cherchent à s’engouffrer dans des niches fiscales de l’État pour transformer ma demeure en bouteille thermos, et non pour me fournir gracieusement un certificat que je n’ai pas demandé, dont je me fous intégralement, sur une maison dont il ne sait rien et qui, par endroits, est une passoire thermique. (Notons qu’il est arrivé qu’on veuille me convertir à la pompe à chaleur alors que j’en ai une qui fonctionne parfaitement bien depuis quatorze ans.)

Le fond du désespoir

La situation est hélas désespérée, et la Macronie ne fera absolument rien pour nous délivrer du mal dont elle est l’instigatrice. Notre bon vieux téléphone à fil est en train de devenir un enfer, et sur mon portable ça commence à sévir, bien que je diffuse peu mon numéro. L’impunité est totale puisque l’État sert de parapluie à ces harceleurs.

 Il reste peut-être une solution que je vous propose ici :

–Madame/ Monsieur, je me suis promis que j’allais me suicider si le prochain appel ne venait pas d’un de mes proches. Alors… adieu…

 Puis faites péter un sac en papier, ou un pistolet à amorces. Peut-être réussirez-vous à provoquer d’atroces remords chez votre harceleur/ harceleuse… s’il lui reste un peu de conscience…

« Goodbye… »

 


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