Soutien à l’Ukraine : la conférence de l’Élysée pour une défense européenne

par Sylvain Rakotoarison
mardi 27 février 2024

« La Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre, non seulement pour permettre à l'Ukraine de continuer d'exister, mais aussi pour assurer la sécurité collective en Europe. » (Emmanuel Macron, le 26 février 2024 à l'Élysée).

À l'occasion du deuxième anniversaire du début de la guerre en Ukraine voulue par Vladimir Poutine, le Président français Emmanuel Macron a pris l'initiative de réunir les représentants de vingt-sept États dont vingt et un chefs d'État et de gouvernement européens ce lundi 26 février 2024 à partir de 17 heures au Palais de l'Élysée à Paris pour confirmer le soutien à l'Ukraine dans une conférence internationale dont l'enjeu va bien au-delà de l'Ukraine. De Kiev, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky est intervenu au début par visioconférence.

Parmi les invités principalement européens, il y avait Olaf Scholz (Allemagne), Andrzej Duda (Pologne), Kaja Kallas (Estonie), Kyriakos Mitsotakis (Grèce), Mark Rutte (Pays-Bas), Petr Fiala (République tchèque), Todor Tagarev (Bulgarie), David Cameron (Royaume-Uni), etc., et aussi des représentants des États-Unis et du Canada.

Petit à petit, les dirigeants européens s'aperçoivent que la situation confortable de l'après-guerre commence sérieusement à s'effondrer : d'un côté, une Russie belliqueuse qui ne comprend que les rapports de force et qui profitera de la moindre faiblesse ; de l'autre côté, des États-Unis en proie à l'isolationnisme, au point que la perspective éventuelle d'un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche inquiète sérieusement la plupart des pays européens.

C'est donc une très bonne initiative du Président Emmanuel Macron et seule la France pouvait la prendre dans une Europe où le Royaume-Uni a quitté l'Union Européenne et où la France est le seul pays de l'Union Européenne à bénéficier d'une force de frappe nucléaire. Pendant une trentaine d'années (entre 1990 et 2020), le budget de la défense a été une variable d'ajustement des budgets de l'État en plein déficit. C'est seulement sous Emmanuel Macron que le secteur de la défense, avec une loi de programmation ambitieuse, se retrouve doté d'un budget à la hauteur des enjeux.

Car le premier enjeu, ce qui se passe depuis l'agression militaire russe en Ukraine, c'est que la guerre est de nouveau possible sur le sol européen, et une guerre "sale" (toutes les guerres sont sales). C'était une hypothèse que nous, Européens, nous avions sortie du cerveau depuis trois générations même si la guerre civile en ex-Yougoslavie avait déjà servi d'avertissement. C'est pourquoi ce sujet est le sujet essentiel de la décennie. Et c'est ridicule de considérer les alliés de l'Ukraine comme des partisans de la guerre : c'est Vladimir Poutine qui a déclaré la guerre, pas l'Ukraine, et aucune négociation n'est possible avec lui, il veut bien négocier si l'Ukraine se couche totalement. La réponse de l'Europe est simple : voulons-nous de nouveaux Accords de Munich ou voulons-nous arrêter la folie poutinienne qui aujourd'hui met en péril la paix internationale ?

Pour cela, il faut montrer à Vladimir Poutine que toute escalade russe sera suivie d'une réponse équivalente de l'Europe. C'est le sens de l'engagement d'Emmanuel Macron qui a réussi à s'extraire des préoccupations intérieures pour aller à l'essentiel et voir l'essentiel, c'est vouloir dire anticiper le pire. Englué dans nos problèmes franco-français assortis d'arrière-pensées politiciennes et de petits dénigrements à la petite semaine, les Français (comme du reste les citoyens d'autres nations) ont du mal à voir le voyant rouge gros comme un retour de l'histoire. Ceux qui protestent pour les 3 milliards d'euros d'aide à l'Ukraine en 2024 (soit moins de 0,7% du budget de l'État) auraient des réveils douloureux si l'agression russe s'étendait en Europe.

Peut-être est-ce pour cette raison qu'Emmanuel Macron, devant ses homologues, a choisi de choquer, choquer pour réveiller, pour amorcer ce qu'il appelle un sursaut européen. Ses mots font mouche car il évoque ce que, depuis deux ans, toutes les chancelleries avaient soigneusement évité d'évoquer : « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. ». Après la livraison d'avions, la perspective de troupes au sol devrait donner à réagir.
 

 

En propos introductifs, Emmanuel Macron a mis en garde : « Nous sommes sans doute à un moment qui nécessite notre sursaut à tous [et qui] implique des décisions fortes. (…) Notre sécurité à tous est aujourd’hui en jeu. (…) Nous voyons, et tout particulièrement ces derniers mois, un durcissement de la Russie (…), qui s’est malheureusement cruellement illustré avec la mort d’Alexeï Navalny. (…) Sur le front ukrainien, les positions sont de plus en plus dures et nous savons aussi que la Russie prépare des attaques nouvelles, en particulier pour sidérer l’opinion ukrainienne. ».

Les participants à la conférence de l'Élysée ont d'abord réaffirmé leur unité et leur détermination à faire échec à la guerre d'agression menée par la Russie en Ukraine. Ils ont fait le constat que cette guerre a provoqué une profonde déstabilisation contre Europe et contre la paix. Leur objectif, c'est d'éviter l'extension du conflit ukrainien : « Ensemble, nous devons nous assurer que Poutine ne pourra étendre son agression à d'autres nations. ». C'est l'inquiétude de la Moldavie, mais aussi des Pays Baltes et même de la Pologne.

Plus concrètement, ils ont défini cinq catégories d'actions pour venir en aide à l'Ukraine : « le cyberdéfensif ; la coproduction d'armement en Ukraine ; la défense de pays menacés directement par l'offensive russe en Ukraine, notamment la Moldavie ; la capacité de soutenir l'Ukraine à sa frontière avec la Biélorussie avec des forces non militaires ; les opérations de déminage ». Un effort soutenu devra se faire dans la fourniture de munitions, de système sol-air et de missiles de moyenne et longue portée.


Dans sa conférence de presse de conclusion, le Président de la République a insisté sur les risques pour la paix : « La Russie a adopté une agressivité non seulement contre l’Ukraine, mais contre nous en général. », mais a martelé que l'Europe n'était absolument pas en guerre contre le peuple russe.

Deux jours auparavant, dans un tweet, le Président Macron avait rappelé ce sinistre anniversaire : « Deux ans de guerre. Frappée et meurtrie, mais toujours debout. L’Ukraine se bat pour elle, pour ses idéaux, pour notre Europe. Notre engagement à ses côtés ne faiblira pas. ».
 

Et de rappeler ce qu'ont fait l'Europe et la France pour soutenir l'Ukraine depuis deux ans.

L'Union Européenne et ses États membres ont accueilli plus de 7,6 millions de réfugiés ukrainiens. L'Ukraine et la Moldavie ont reçu le statut de candidats à l'adhésion à l'Union Européenne. Une aide européenne de 50 milliards d'euros sur quatre ans a été décidée pour soutenir l'Ukraine (dont 3 milliards d'euros de la France en 2024 ; c'étaient 1,7 milliard d'euros en 2022 et 2,1 milliards d'euros en 2023) avec ce message : Vladimir Poutine ne doit pas compter sur une éventuelle lassitude des Européens à soutenir l'Ukraine. Depuis 2022, ce sont environ 88 milliards d'euros qui ont été mobilisés par l'Union Européenne et ses États membres.

La France joue un rôle important dans ce soutien européen. En particulier, dans la fourniture de matériel, dans la formation, en France, de 10 000 soldats ukrainiens, et dans l'aide humanitaire à raison de 300 millions d'euros, avec plus d'une cinquantaine d'opérations de fret humanitaire de plusieurs milliers de tonnes. Un accord bilatéral de sécurité entre la France et l'Ukraine a été signé le 16 février 2024 à Paris pour une durée de dix ans (l'Ukraine a signé d'autres accords bilatéraux de sécurité, avec l'Allemagne le 16 février 2024, avec l'Italie et le Canada le 24 février 2024). La France peut être fière de la tenue de cette conférence de l'Élysée du 26 février 2024 : « L'issue de cette guerre sera décisive pour les intérêts, les valeurs et la sécurité européenne. ». Il en va de la paix, et donc, aussi, de notre liberté.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 février 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
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