Point de rupture et bascule

par Jean-Luc Picard-Bachelerie
mardi 30 mai 2023

Le moment politique que nous vivons est insupportable pour la majorité des Français et cela dure depuis maintenant plus de 6 ans, depuis le moment où Macron a bénéficié d’une conjoncture incroyable éliminatrice de candidats présidentiables pour d’autres raisons que programmatiques. Non que ces concurrents (Hollande, Juppé, Fillon) soient beaucoup mieux que notre actuel petit chef d’État, mais ils bénéficiaient d’une expérience politique et, même si cela fait mal à le dire, d’une expérience de démocratie. Car il faut bien voir que Macron est un amateur en la matière qui n’a, devant l’opposition, pour seule ressource que le raidissement dans une tendance autocratique. Ce qui n’a pour résultat que de normaliser la fascisation des esprits et dérouler le tapis rouge à Marine Le Pen. Macron peut se targuer d’être tellement insupportable que la majorité des votants voient en la progéniture du facho Jean-Marie, une démocrate. Le comble de l’absurdité pour la représentante de l’extrême droite. Il faut dire que Zemmour y met du sien pour la faire passer pour ce qu’elle n’est assurément pas. Nous en sommes donc (pour ceux de gauche et une proportion importante d’abstentionnistes) à attendre le Grand soir, le point de bascule, à vouloir un événement qui fait rompre le consentement populaire au cadre institutionnel. Encore faut-il préparer le terrain pour que la bascule s’opère du bon côté.

En effet, le point de rupture ne se décide pas. Il résulte de la conjonction de multiples éléments à un instant T et pas à un autre.

Nous n'y pouvons rien sinon agir chacun à notre niveau personnel et collectivement. Personne ne détient la vérité, mais c'est dans l'effervescence de nos attitudes qu'une pression politique existe et monte en puissance.

La question est de savoir, si rupture il y a, de quel côté cela va basculer tenant compte que cette bascule aura lieu dans un monde de moins en moins habitable et vivable.

Or, il y a tout lieu de croire (le néolibéralisme ayant atteint ses limites), que cela bascule soit vers un fascisme écologique, soit vers une démocratie écosocialiste.

Pour l'instant, le monde et la France auraient plutôt tendance à basculer vers le fascisme. Non seulement nos précédents gouvernements et Macron ont mis en place des mesures de plus en plus liberticides, mais le ton de Macron ainsi que les Jeux olympiques futurs augurent de mesures oppressives supplémentaires. Et, de toute façon, les mesures écologiques devront être prises quoi qu'il en coûte en budget comme en contraintes bien plus tôt que Macron ne tente de nous le faire croire, à moins qu’il soit réellement à côté de la plaque.

Par conséquent, si nous voulons que la bascule ait lieu du bon côté (la démocratie écosocialiste), cela demande, en attendant le Grand soir indépendant de toute volonté, que nous préparions le terrain en étendant la démocratisation autour de nous et en installant dans les esprits la possibilité d'une démocratie heureuse, efficace et attrayante.

Cela par les actions revendicatives en tout genre, mais aussi en faisant un travail d'éducation populaire sur la démocratie et en expérimentant l’intelligence collective le plus souvent possible. Les actions revendicatives ne manquent pas pour faire progresser la démocratie partout :

en premier lieu au travail où la démocratie est totalement absente, dans les services publics afin de les protéger, de les améliorer en donnant nos avis d’usagers, dans nos associations, syndicats, et bien évidemment par la grève, les manifestations, les blocages puisque le pouvoir en place conçoit l’expression du peuple dans le rapport de force.

En second lieu, le fait de réfléchir à de nouveaux instruments de la démocratie directe est un moyen pour entraîner les gens à libérer leur esprit, prisonnier de l’idée du "chef qui sait tout et qui peut tout" et à croire en une démocratie solidaire et vivifiante. Il y a, en effet, tout autour de la planète et à travers l’Histoire, des expériences qui prouvent que la démocratie directe ça marche, sachant qu’un représentant du peuple peut et doit exister à la condition expresse qu’il rende des comptes et qu'il soit révocable.

Quant à l’intelligence collective, elle s’exerce en ne décidant pas tout soi-même, mais en réfléchissant et en prenant les décisions ensemble avec nos proches, au travail, en association ou lors de nos loisirs. C’est l’expérience selon laquelle, on est plus intelligent ensemble que seul et que notre géniale idée née de notre cerveau exceptionnel a toujours plus de valeur lorsqu’elle est additionnée des idées des autres.

 


Lire l'article complet, et les commentaires