La France Big Brother

par Elric Menescire
mardi 16 mai 2023

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux »

-Benjamin Franklin

Il est un fait indéniable : sous le discours "la Chine est un pays totalitaire, où les libertés sont fortement conditionnées et où la population est tenue en laisse, et les minorités opprimées" (discours resservi à intervalles réguliers par nos médias mainstream et la totalité de la classe politique), se cache une admiration à peine voilée pour le contrôle social en vigueur là-bas. Un contrôle il est vrai totalement décomplexé et assumé, mais aussi -et c'est souvent peu mentionné dans les discours qui l'évoquent- , carrément raccord avec la philosophie et la pensée chinoises, notamment celle d'essence Confucéenne. 

Confucius, philosophe de premier plan dans la culture Asiatique, né en 551 avant JC, prônait en effet l'idée que l'Homme doit trouver son équilibre, et pour ce faire se comporter et agir en fonction de six vertus principales qui sont : la bonté, la droiture, la bienséance, la sagesse, la loyauté, le respect des parents et celui de la vie et de la mort.

L'impact de cette philosophie sur le monde oriental est comparable à celle de Platon ou de Jésus-Christ en occident, c'est dire.

Partant de là, on comprend mieux pourquoi le crédit social à la Chinoise est relativement bien accepté par la population : un citoyen Chinois qui se conforme aux principes de vie Confucéens, c'est un peu l'équivalent de "l'honnête homme" des 17e et 18èmes siècles en Europe. Un idéal vers lequel tendre, ce qui fait que n'importe quel "honnête citoyen" Chinois ne voit pratiquement aucun inconvénient à être noté dans tous les aspects de sa vie en société, comme il n'en voit aucun à ce que les mauvais élèves soient sanctionnés...voyez ça comme une espèce de civisme français à la puissance 10. Je sais je sais, je simplifie énormément, mais l'idée est bien là : on ne peut pas comprendre ce qui se passe en Chine si on le transpose bêtement à nos sociétés occidentales.

Et c'est pourtant ce que fait notre gouvernement.

 

Longue Marche vs Longue liste

Alors oui, il y en eut d'autres bien avant, de ces lois, mesures et ordonnances liberticides : les rafales de lois sur la généralisation de la vidéosurveillance, qui datent désormais de 1995 pour les premières, avaient ouvert la voie du panoptique dans lequel nos gouvernants rêvent de nous enfermer.

On pourrait aussi citer un peu avant cela, les lois sur les Cartes d'identité informatisées de 1986, ou encore, plus proche de nous, la méconnue -et pourtant ô combien délétère pour les libertés publiques- loi sur la Sécurité Quotidienne de 2001 (dite "loi LSQ" ou "loi Vaillant"), , suite aux attentats du 11 septembre 2001, loi qui prévoyait notamment, dans son volet "nouvelles technologies" d'autoriser les juges à demander un décodage d'informations chiffrées y compris, pour les affaires les plus graves, en ayant « recours aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale », c'est-à-dire l'armée et les services secrets. Sans parler des communications par email, ou la loi prévoyait carrément dans le cadre du secret des correspondances émises par la voie des télécommunications, d'imposer aux personnes proposant un service de cryptographie de devoir fournir aux autorités les algorithmes de chiffrement.

Puis il y eu les attentats de 2015 en France : cet évènement traumatique fit accoucher le législateur "socialiste" d'un état d'urgence à rallonge : bien que prévu dans la Constitution pour des périodes et des moments très précis, celui-ci sera prolongé 2 ans durant, jusqu'en 2017, avant que certaines mesures ne soient carrément reprises et pérennisées via la Loi "SILT" du 30 octobre 2017  : et en matière de surveillance, cette loi n'y est pas allée avec le dos de la cuiller, fauxcialistes ou pas...citons les perquisitions à discrétion, ou les assignations à résidence avec contrôle judiciaire strict et interdicitons de périmètre, mais aussi les saisies de documents et autres fichiers, avec tous les moyens d'investigations possibles, ainsi que l'instauration de "périmètres de protection" visant à interdire l'accès à toute personne non autorisée, et tout ça aux seuls motifs de "risque de terrorisme".

Notons que c'est cette loi qui a été utilisée pour interdire tout récemment les casserolades et autres actions anti réforme des retraites à l'encontre de Sa Majesté.

Mais tout ceci n'était rien en comparaison de la magnifique, que dis-je de la sublime opportunité qu'a constitué la crise sanitaire de la COVID19...

 

L'immonde d'après

Car une fois le choc initial de la pandémie passé, nous nous sommes retrouvés dans "le monde d'après", en mille fois pire.

L'état d'urgence sanitaire a été instauré en 2020 : il a octroyé des pouvoirs exceptionnels sans précédent aux forces de police, comme au législateur. Il serait ici bien, bien trop long de tout lister, mais citons quand même les auto attestations pour pouvoir sortir de chez soi durant les confinements, le pass sanitaire, l'application de traçage "tous anticovid" et le fameux "contact tracing" -ces deux dernières innovations étant clairement inspirées du rapport sénatorial numéro 673, déposé le 3 juin 2021, qui encense littéralement la "stratégie numérique des pays d'asie orientale" et détaille par le menu, et avec une certaine gourmandise osons le dire, toutes les mesures qu'a prises le gouvernement pour "lutter contre la pandémie" : citons "La « carte d'itinéraire » qui repose sur le même principe que le Health Code, avec l'historique des déplacements des utilisateurs, reconstitué à partir des données des opérateurs télécom, qui sert de preuve qu'ils ne se sont pas rendus dans une zone à risque."

Mais aussi l'hommage appuyé à "l'usage de drones, voire de robots humanoïdes(!) pour surveiller et décontaminer des villes entières", ajinsi que "le système de crédit social appliqué au contrôle des entreprises trop chères en termes de tarif sur les masques ou le gel", ou même pourquoi pas -sans mauvais jeu de mots- pour le pékin moyen, "la détection et la sanction automatique des particuliers malades cachant leurs symptômes"...

Et le rapport de pointer, le plus sérieusement du monde, que "Ces mesures peuvent sembler très liberticides, mais il faut d'emblée rappeler que celles-ci, précisément parce qu'elles se sont avérées très efficaces et qu'elles ont permis au pays de repasser sous la barre des 100 cas par jour en moins de deux semaines(..)" ne pouvant donc cacher, de fait, l'admiration voire la suggestion fortement appuyée des sénateurs pour s'inspirer de ce type de mesures chez nous.

On croit cauchemarder, mais non : ça n'est pas un cauchemar, c'est la réalité. Et tout ceci a été rendu possible grâce à la peur, cette bonne vieille peur, qu'on a instillée partout et tout le temps à longueur de médias chez le bon peuple, à tel point que chez nous, on a pu licencier sans sourciller des milliers de soignants non vaccinés, sans que cela ne fasse broncher un cil de la plupart d'entre nous, en pleine pénurie de soignants justement ... Des soignants fonctionnaires licenciés en masse... ce qui constitue une attaque inédite contre un statut qui avait démontré son efficacité, et avait tenu bon face aux attaques ultralibérales depuis sa sanctuarisation dans la Fonction Publique Hospitalière en 1986.

Quoi qu'il en soit, l'Etat d'urgence sanitaire 2020-2022 a été un formidable tremplin pour la macronie décomplexée, celle qui rêve de brader le pays au plus offrant en muselant toute contestation au passage. Quoi de mieux en effet que des outils législatifs exorbitants, vous autorisant entre autres à  :

Cet état a pris officiellement fin en 2022, l'état d'urgence sanitaire mondial venant même d'être levé par l'OMS, la vilaine pandémie au taux de létalité de 0,1% étant redevenue une simple gripette...ou pas.

Toujours est-il que nos gouvernants ont goûté aux délices d'embastiller un peuple entier, et d'interdire à peu près tout le monde à ne pas faire ceci (se déplacer, ou manifester), ou a contrario d'obliger tout le monde à faire cela (se vacciner), en "emmerdant" les réfractaires au passage. Et une fois que l'on a goûté à cela, il est très difficile de revenir en arrière...

 

La prochaine étape

Oui, il est très difficile voire carrément impossible de revenir en arrière, quand on a pu goûter aux joies de l'Etat d'Urgence, et aux pouvoirs exorbitants qui vous permettent de contrôler, museler, voire enfermer jusqu'au moindre de vos opposants politiques.

Et en effet, le pouvoir macroniste ne s'en est pas privé : de Darmanin qui n'a pas hésité à qualifier les écologistes radicaux d' "écoterroristes", leur lâchant la cellule Demeter sur le dos au passage, en passant par l'assignation à résidence d'opposants sous des prétextes plus ou moins farfelus (et bien sûr validée par le fameux Conseil Constitutionnel), sans oublier l'interception de mails soi-disant chiffrés (interception permettant de fait l'interpellation de militants), tout a été mis en oeuvre pour détourner la loi quand il s'agissait d'opposants, qu'ils soient réels ou fantasmés.

Et tant que nous y sommes, n'oublions les récents arrêtés destinés à boucler des centre ville ou des villages entiers, pour que Sa Majesté Poudrée puisse venir parader devant des groupies triées sur le volet, ou faire son cinéma devant les caméras, sans être interrompue par de vilaines huées ou de désagréables bruits de casseroles. 

Mais le mieux est encore à venir : il s'agit du prétexte des JO 2024, qui auront lieu (ou pas ?) à Paris.

La loi concernant "l'expérimentation de la Vidéo Surveillance Algorithmique" vient ainsi de faire de notre pays le premier à légaliser la surveillance biométrique en Europe. Cocorico !

Contrètement, de quoi s'agit-il ? Selon Darmanin, d'une "expérimentation offrant toutes les garanties de sécurité et de limitation dans le temps". La loi vient d'être votée le 23 mars dernier (au terme d'une procédure accélérée, et en plein conflit social ce qui l'a rendue quasiment invisible dans les médias bien sûr), et son article 7 prévoit l’entrée formelle de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans le droit français, jusqu’en décembre 2024. Cette technologie identifie, analyse, classe en permanence les corps, les attributs physiques, les gestes, les silhouettes, les démarches, via des logiciels garnis d'algorithmes sophistiqués, et accolés au réseau de caméras de vidéosurveillance du pays tout entier...

Officiellement, il s'agit bien sûr et encore une fois de sécurité, rien que de sé-cu-ri-té on vous dit : "repérer les colis ou les individus aux comportements suspects, voire prévenir les mouvements de foule et leurs conséquences". En réalité, cette nouvelle forme de surveillance généralisée va tout simplement permettre de totalement normer les comportements dans la sphère publique, le logiciel signalant automatiquement aux forces de l'ordre tout "comportement suspect" préalablement défini à l'aide d'une myriade de critères. Celui qui restera debout trop longtemps au même endroit, ou qui aura un habillement particulier, ou qui semblera agité, ou qui fera demi-tour, ou qui fera de grands gestes... quoi de plus arbitraire, quand lesdits "comportements suspects" seront laissés à l'appréciation de la police", et à personne d'autre ?

Le rêve de Big Brother est en passe de se réaliser.

 

La sécurité, mais pour qui ?

Au vu de ce qui est en train de se déployer, et de l'historique des précédentes mesures, on ne peut en effet que s'alarmer des bonnes intentions et des "garanties" affichées par le gouvernement. Comme la loi sécuritaire de 1995, ces mesures sont en effet destinées à se pérenniser à terme, et pas à s'arrêter en 2024 après les JO, comme l'affirme le menteur pathologique qui siège au ministère de l'Intérieur.

L'association reconnue d'Utilité Publique "La Quadrature du Net" nous alerte d'ailleurs depuis quelque temps sur cette dérive, et liste sur son site le nombre faramineux de recours et autres actions juridiques qu'elle a intenté, contre ce qu'elle qualifie désormais de "Surveillance généralisée". Signalons aussi qu'en 2020 un recours avait déjà été déposé contre la reconnaissance faciale via les caméras de vidéosurveillance...Ici aussi, l'ombre de la Chine plane, et la tentation n'est jamais loin. Les multiples tentatives d'un pouvoir déconsidéré, et de plus en plus haï par une très large majorité de la population, de mettre à sa disposition le plus large panel d'outils de surveillance fait entrer de facto notre pays dans l'ère de la surveillance généralisée.

Nous vivons d'ores et déjà dans un panoptique, sous l'oeil scrutateur d'une palanquée de Big Brother : près d'un million de caméras de vidéosurveillance jalonnent l'espace Public Français, dont certaines sont déjà couplées à l'IA, et ceci en toute illégalité, sous couvert "d'expérimentation" comme à Nice par exemple. Tout ceci, comme d'habitude, au prétexte de "faire baisser la criminalité". Et quand bien même : il est désormais prouvé que les caméras ne marchent pas, et que la vidéosurveillance ne dissuade pas. Tout au plus dans certains cas permet-elle de retrouver les auteurs de crimes ou d'infractions. Mais peut-on accepter, sur ces seuls motifs, de placer toute une population sous surveillance ?

On le voit bien, nos concitoyens ont un besoin -légitime- de sécurité. Mais, au prétexte d'offrir toujours plus de sécurité, c'est bien une rhétorique fallacieuse qui est employée, pour faire passer la pilule de mesures attentatoires aux Libertés Publiques les plus élémentaires : sortir, se retrouver, se rassembler, discuter...

Ces outils ne garantissent en rien la sécurité des citoyens honnêtes  : ils permettent juste de garantir la sécurité de nos gouvernants face à un peuple qui les hait de plus en plus. De la même manière que les canons des Fort Saint-Jean et Saint Nicolas, qui surplombaient le port de Marseille, n'étaient pas tournés vers le large mais vers la ville, les multiples outils de surveillance et de contrôle que le législateur et la classe dominante, possédante, mettent en place au prétexte de garantir notre "sécurité" ne sont destinés qu'à une seule chose : se prémunir de la Révolte qui vient.

Et ceux qui argumentent en boucle, sur le fait "qu'ils n'ont rien à se reprocher, donc ils ne craignent rien", sont comme les agneaux qui paissent dans le pré : inconscients de leur sort, béats devant la qualité du foin, et la gentillesse du fermier... fatalement le jour viendra, où ils se feront cueillir à l'aube sans ménagement par le gentil éleveur. Avec à la clé embarquement gratuit dans le wagon à bestiaux, direction l'abattoir, sans voyage de retour.

 

Ne serait-il pas temps d'enlever nos oeillères ?


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