La menace carbone

par Henry Moreigne
mercredi 19 avril 2006

La progression continue du coût des hydrocarbures au cours des dernières années a pour conséquence directe de rendre à nouveau rentables certaines sources d’énergie au coût d’exploitation élevé, comme le charbon.

Pourtant, derrière les apparences, le retour en grâce de cette énergie fossile pose un problème environnemental majeur. Pour une même quantité d’énergie produite, le charbon est la source énergétique qui émet le plus de CO2, loin devant le pétrole.

Certes, sur le papier, le charbon présente de nombreux avantages. Ses réserves mondiales sont encore très importantes, et surtout beaucoup mieux réparties que le pétrole et le gaz. Outre les Etats-Unis, où se trouve près du tiers des ressources, les grandes puissances économiques émergentes, Chine et Inde, en détiennent respectivement 13 et 10%. L’Europe et la France ne sont pas en reste.

Dans le contexte actuel de croissance très forte de la demande d’énergie et d’épuisement des réserves d’hydrocarbures, le charbon apparaît comme une solution incontournable. Pourtant, écologiquement, sans modification des techniques actuelles d’exploitation, ce retour est incompatible avec la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre (GES), mesure de base dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le scénario est d’autant plus alarmant que, selon certaines projections, la consommation de charbon devrait progresser de 39% d’ici à 2030. Concrètement, cela devrait se traduire par une production de CO2 en hausse de 56% par rapport à 2003.

Si le recours au charbon semble inéluctable, il convient de l’encadrer, de le réglementer. Mais la communauté internationale en aura-t-elle les moyens ?

Une première approche pourrait consister à faire du charbon une énergie propre. Aujourd’hui la concurrence entre procédés de décarbonisation est vive. Trois techniques s’affrontent : précombustion, oxycombustion et postcombustion. Ce dernier procédé est soutenu par la Commission européenne, à travers le projet Castor, développé par l’Institut français du pétrole, et dont la première installation a été lancée le 15 mars dernier au Danemark.

Une seconde, moyen coercitif de la première, pourrait consister dans une taxation des émissions de CO2.

Pourtant, les solutions environnementales présentées sont pernicieuses. Les technologies actuelles permettent seulement une décarbonisation qui repose, après la captation du CO2, sur son stockage. On est donc bien loin d’une réduction de la production de CO2.

A ce jour, seul le stockage géologique (à la différence du stockage au fond des océans) est techniquement au point, soit dans des gisements de pétrole ou de gaz en fin de vie, soit dans des aquifères salins ou encore, dans des veines de charbon non utilisables.

Une stratégie "à crédit", de fuite en avant, à l’image de celle qui prévaut pour l’industrie nucléaire et ses déchets. Une conception de la vie fort éloignée de celle de nos anciens. Eux, plutôt que de laisser des déchets en héritage, aimaient à planter des arbres pour les générations futures.


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