Les deux Etats en Palestine ... Macron dans le sens de l’histoire ?

par Marcel MONIN
vendredi 10 mai 2024

Les deux Etats en Palestine …. Macron dans le sens de l’histoire ?

 

Au moment où les opérations de l’armée israélienne sur la « bande de Gaza » commencent à émouvoir l’opinion publique, E. Macron -actuel président de la République- déclare qu’il est favorable à l’existence de deux Etats sur les terres de l’ancien mandat britannique. Après d’ailleurs, le vote d’une résolution en 2014 de l’Assemblée nationale française se prononçant pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine. (1)

 

Un observateur connaissant l’histoire, mais qui serait évidemment un peu facétieux pourrait dire qu’E.Macron devrait être heureux … puisque c’est (déjà) le cas à plusieurs titres.

 

La création de chacun des deux Etats s’est faite exactement de la même manière. Par une proclamation.

Pour l’Etat Israël, par la proclamation de Ben Gourion, le 14 mai 1948 à 16 heures, c’est à dire à 8 heures de l’expiration du mandat britannique (2) .

Pour l’Etat de Palestine, par la proclamation d’Alger de Yasser Arafat, le 15 novembre 1988.

Entre 1948 et 1988, on fit comprendre aux Palestiniens qu’il leur fallait renoncer à tenir pour illégitime l’occupation d’une partie des terres par des gens venus de l’Etranger. Ils mirent le temps. Mais finirent par le faire, ainsi qu’en atteste le texte de la déclaration d’Alger. (3)

Ce qui est souvent oublié ou … occulté. Comme la résolution 43/177 de l’AG de l’ONU. (4)

 

L’Etat de Palestine fut reconnu par de très nombreux Etats (5). Il entra à l’UNESCO. Il devint partie au statut de la Cour pénale internationale. Mais l’entrée de l’Etat de Palestine fut bloquée à l’ONU, où il n’est « qu’un » … « Etat observateur permanent ».

 

Et l’on continua, chez les puissants et ceux qui les suivent, à ignorer ( et à faire ignorer) la déclaration créatrice de l’Etat de Palestine.

Depuis 1988, divers accords ont été conclus entre les Palestiniens et les Israéliens. Avec les aimables et chaleureux encouragements de l’ami américain de ces derniers. Etant rappelé qu’Israël et les USA sont des Etats qui n’ont pas reconnu (ni en 1988, ni depuis) l’existence de l’Etat palestinien . Ces accords n’ont pas servi à grand’chose aux Palestiniens, si l’on en juge par les résultats et la situation présente. Mais ils ont eu une efficacité certaine : ils ont permis aux dirigeants du camp qui a refusé de reconnaître l’Etat de Palestine, de persuader leurs opinions publiques que l’Etat de Palestine, c’était - éventuellement - … que … pour plus tard (6). Et qu’en attendant … (v. la situation et les argumentaires actuels ).

Et cela, dans un contexte dans lequel les gouvernants palestiniens ne disposaient (7) ni de troupes, ni de matériels militaires à opposer aux troupes et aux matériels de l’Etat voisin pour faire respecter ce qui est inhérent à la qualité d’Etat : notamment l’intégrité territoriale .

 

C’est que la plupart de dirigeants politiques de l’Etat d’Israël avaient, comme cela ressort de leurs déclarations mêmes, d’autres idées en tête. L’idée que le territoire d’Israël remplisse un jour tout l’espace de la Palestine. Les Palestiniens devant à terme … aller se faire prendre ailleurs.

 

Et l’Etat Israël n’a cessé de grignoter ( comparer les cartes dans le temps) des terres à l’intérieur du territoire de l’Etat palestinien.

Quant à l’examen des cartes, il montre aussi que si les conquêtes successives de terres palestiniennes par l’Etat israélien étaient transformées un jour en situation « de droit » ( concrètement par la rédaction d’un texte par ceux dont la position leur permet de tenir le porte-plume) , il ne resterait plus de place pour l’Etat palestinien. Dont la création en 1988 serait en quelque sorte rétroactivement … effacée.

 

Du point de vue théorique ( qui occulte notamment les problèmes électoraux intérieurs) la France pourrait reconnaître l’Etat palestinien (1) . Comme tous ces autres autres pays qui l’ont fait (5). Avec une simple transformation de la délégation palestinienne qui existe déjà à Paris, en poste diplomatique.

Il serait amusant que certains (comme ces étudiants qui, selon ce qu’on entend, oseraient perturber les examens de leurs camarades, terniraient l’image de l’enseignement supérieur et que la police doit aller chasser des divers endroits où ils expriment leurs inquiétudes pour la vie des populations de là bas) disent à E.Macron : - « Puisque l’Etat palestinien existe … que la France le reconnaisse elle aussi ! » ; - « Peu importe si les USA ont partie liée avec Israël ( au moins pour le moment) ! » . (8)

Il faudrait le cas échéant s’attendre à ce qu’un Sayan (9) facétieux, provocateur ou angoissé, demande alors au même, s’il envisageait de passer avec les dirigeants palestiniens un accord du genre de celui qu’il est allé signer avec V. Zélinsky. Et s’il mettrait également l’argent des Français au service de l’Etat de Palestine. Et, potentiellement à terme et pareillement, la vie de Français à portée de fusil, cette fois-ci, … de Tsahal ? (10)

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités

 

 

(1) https://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/14/(num)/981#G5

 

(2) Déclaration de la fondation de l’Etat d’israël

https://mjp.univ-perp.fr/constit/il1948.htm

 

(3) Déclaration d'indépendance de l'État de Palestine

https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire/1920

 

(4) Résolution 43/177 de l’AG des N-U.

https://documents.un.org/doc/resolution/gen/nr0/533/87/img/nr053387.pdf?token=eTT5hap52vB031D2lw&fe=true

 

(5) Pays reconnaissant l’un et / ou l’autre des deux Etats :

https://www.watson.ch/fr/international/guerre/629857153-ces-pays-reconnaissent-les-etats-d-israel-ou-de-palestine

 

(6) V. dans la même logique la déclaration européenne du 25 mars 1999 (et les récentes déclarations d’E.Macron)

 

(7) v. également dans une logique proche, l’argument de l’effectivité qui fut utilisé par ceux qui ne reconnurent pas l’Etat .

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1988_num_34_1_2827

 

Dans la même logique de rapport de forces , on peut relever que les dirigeants de l’Etat d’Israël ont demandé ces derniers temps ( mai 2024) aux dirigeants palestiniens qu’ils respectent une trêve et qu’ils rendent des otages. Tout en leur annonçant, ainsi qu’à la communauté internationale, qu’en ce qui les concernait, ils attaqueront en toute état de cause, ce qu’ils ont envie et décidé d’attaquer et de détruire.

 

(8) Si les dirigeants actuels de l’Etat palestinien ne plaisent pas, ou si l’on hésite entre deux délégations, c’est une autre affaire … Rappel : lorsque des Etats (dont la France) ont noué des rapports diplomatiques avec le gouvernement de Pékin et ont rompu les rapports diplomatiques avec Taipei, il ne s’est pas agi de la création ni même de la reconnaissance d’un Etat. La question n’a en réalité porté que sur le changement de délégation.

Et puis, dès lors que la France reconnaitrait l’Etat de Palestine, le vocabulaire pour désigner les dirigeants de cet Etat connaîtrait inévitablement quelques ajustements quasi instantanés. Quand Menahem Begin et Yitzhak Samir devinrent Premiers Ministres d’israël, on évita de leur dire, de se rappeler, et de rappeler, qu’ils furent des dirigeants, l’un de « l’Irgoun », l’autre du « Lehi ». Milices dont les activités avaient antérieurement, en raison de la nature de ces dernières (quelques massacres notamment), été qualifiées de « terroristes ». Menahem Begin recevra même le prix Nobel de la paix. Quant aux commandos desdits mouvements, ils furent intégrés à Tsahal (nom de l’armée de l’Etat d’Israël). Id lors du processus d’indépendance de l’Algérie. Etc…

 

(9) « Sayan », singulier de « Sayanim » (*) . Sur ce point, v. Jacob Cohen : « Le printemps des Sayanim » 

https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_printemps_des_sayanim_jacob_cohen-9782296112841-30951.html

(*) Personnes qui acceptent d’être des sortes d’agents dormants des services israéliens, et dont le « travail » consiste, en utilisant leur position ou leurs réseaux, à faire passer pour « antisémites » ceux qui critiquent la politique du gouvernement de l’Etat d’Israël ( lire la note de présentation de l’ouvrage) .

 

(10) Fin de l’article. Fin de l’humour.


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