La macronie se fracasse sur la loi immigration

par Laurent Herblay
samedi 30 décembre 2023

Cela devait être une manœuvre machiavélique pour en finir avec LR : une loi immigration portée par Gérald Darmanin, en même temps plus dure pour l’immigration illégale et porteuse de régularisation pour les immigrés travaillant dans les secteurs dits en tension. Au bout du compte, c’est un fiasco en plusieurs actes qui pourrait bien avoir encore fragilisé un président qui échoue dans toutes les dimensions.

 

Déplaire à gauche et à droite, en même temps

L’idée de départ pouvait sembler habile : un projet porté par un ancien LR et un ancien PS, même s’il faut une sacrée (mauvaise) foi pour classer le ministre du travail à gauche, lui qui s’est révélé plus antisocial que Sarkozy. Mais voilà, sur ce sujet, le calcul était complètement vain. L’opinion publique est beaucoup plus hostile à l’immigration que les élus. LR y a donc vu une occasion unique de se démarquer de Macron et a pu faire une relative surenchère en demandant des mesures plus fermes, que sa majorité au Sénat lui a permis de transformer en adaptation marquée du projet de loi de l’exécutif. La minorité présidentielle s’est donc employée à détricoter le texte corrigé par le Sénat, avant de se voir opposer une motion de rejet qui a rassemblé la Nupes, LR et le RN, imposant ainsi une Commission Mixte Paritaire, qui s’est accordée sur une version un peu allégée du texte qui était revenu du Sénat.

Le RN, qui hésitait entre vote négatif et abstention, a finalement choisi de voter le texte, certains éléments instaurant ou renforcent une forme de préférence nationale. Cela a déclenché un séisme politique de grande ampleur, la gauche dénonçant un texte qui renierait nos valeurs, faisant de Macron un allié du RN. La pseudo aile gauche de la macronie, oublieuse de l’agenda antisocial de son camp, y a trouvé une occasion de montrer sa différence, jusqu’au président de la CMP, provoquant la démission du ministre de la Santé. A suivi une séquence hallucinante où Borne et Macron ont valsé entre un soutien au texte et une critique de certaines mesures, au point de saisir le Conseil Constitutionnel en espérant publiquement qu’il annule certaines des dispositions négociées par la droite, et votées par les députés macronistes ! Pour couronner le tout, Macron a fait savoir qu’il aurait demandé un nouveau vote si le texte était passé grâce au RN. Certes, l’écart entre les votes pour et contre est plus important que les votes RN, mais si le RN avait voté contre, le texte ne serait pas passé. La loi immigration est donc bien passée grâce au RN.

Le parti de Marine Le Pen s’est révélé plus habile que la Septième Compagnie macroniste. Après tout, comme le texte a plutôt tendance à durcir les règles d’immigration, il n’était pas totalement illogique qu’il le vote, même s’il ne va pas si loin que cela, et en tout cas moins loin que le RN, ou beaucoup de Français, le souhaitent. Si le RN s’était abstenu, l’aile gauche de la macronie et les média n’auraient probablement pas été aussi excessifs, le projet ne semblant pas si révolutionnaire par rapport aux pratiques d’autres grandes démocraties occidentales à l’égard de l’immigration. Mais voilà, la petite déclaration de Marine Le Pen sur la « victoire idéologique » de son parti est parvenue à éclipser tout le reste.

Ce faisant, le grand perdant de la séquence est le président. Et ce n’est pas en dissertant pendant deux longues heures sur France 5, face à des journalistes du même substrat idéologique « progressiste cosmopolite rétif aux idées sociales », sans jamais admettre la moindre faille qu’il pourra convaincre. Car cette séquence est doublement périlleuse pour le président, qui est parvenu à aller à la fois trop loin pour la gauche, et pas assez pour la droite. Si la macronie avait pu compter sur un bon report des voix de gauche en 2022, il y a fort à parier que cela soit remis en cause. Pour la gauche, la distinction entre Macron et le RN est soudainement beaucoup moins claire, et l’aile gauche de son électorat pourrait être tenté de changer de vote dès le premier tour. Enfin, les gesticulations qui ont suivi le vote rappellent aux électeurs de droite, si cela était nécessaire, que Macron vient de la gauche et n’est pas assez sérieux sur ce sujet.

Ce faisant, Macron semble avoir ressuscité le clivage gauche-droite pour son plus grand malheur. Il est parvenu à passer dans le camp du mal pour la gauche, pour un gain de crédibilité nul pour les électeurs de droite. Et avec un bilan calamiteux dans tous les domaines, lui et sa majorité n’ont rien à quoi se raccrocher pour se défendre de manière solide. Le naufrage semble proche…


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