Holodomor, un excellent film à ne pas rater

par Coeur de la Beauce
lundi 6 mars 2023

L'Ukraine est au centre de l'actualité, omniprésente dans nos médias depuis un an. Si le récit des combats, destructions et horreurs de la guerre sont développés sans modération, les causes profondes du conflit sont limitées à des questions de territoires et de personnalité des protagonistes. 

Le film de George Mendeluk, réalisé en 2017, qui vient de sortir sur nos écrans est une pépite réaliste, émouvante et prenante qui nous rappelle que les tensions russo-ukrainiennes ne datent pas d'hier. Ici, le réalisateur évoque le génocide socialiste de 1932-1933, la grande famine (Holodomor) organisée par Staline pour châtier des ukrainiens trop conservateurs dans leur mode de vie et hostiles aux collectivisations.

Le héros incarné par Max Irons est un jeune fermier qui pratique la peinture avec talent. Il est issu d'une famille de héros ukrainiens. L'arrivée des gardes rouges va bouleverser la vie des paysans aux traditions bien ancrées. Fête des moissons, processions religieuses, dévotion, la rhétorique marxiste est loin, très loin de leurs repères. L'horrible commissaire politique Sergei, brutal et carré, va se comporter en véritable "antifa" de choc avant la lettre. Saisie des récoltes, brutalités, viols, déportation en Sibérie des récalcitrants, rien ne sera épargné aux ukraniens dont le sort évoque celui des vendéens du film Vaincre ou mourir, qui présente des similitudes : résistance, révoltes armées, massacres...

La question du choc idéologique, entre un monde conservateur qui ne demande rien sinon le droit de vivre en paix, et l'oligarchie soviétique aux idéaux sans concession d'un marxisme violent incarné par Staline prêt à tout pour briser les ukrainiens, est au centre du synopsis. Le jeune héros part à Kiev, loin de sa bien-aimée, pour tenter sa chance aux Beaux-arts. On va vite lui faire comprendre que talent et créativité ne sont pas des valeurs socialistes. La moindre contestation est punie, son professeur est déporté, lui finit dans un cachot de la police politique d'où il parvient à s'enfuit pour rentrer chez lui dans le froid et la neige.

Les conséquences du génocide sont omniprésentes : cadavres dans les rues, émeutes pour s'arracher un morceau de pain, régime policier avec des gardes rouges qui contrôlent tout. Notre héros rencontre un jeune orphelin sur son chemin, puis retrouve son village sinistré par les socialistes. Il finit par vaincre l'ignoble Sergei, puis à fuir vers la Pologne avec sa promise et le jeune garçon.

Ce récit bien réalisé, avec des décors et des seconds rôles convaincants, invite aussi à la réflexion sur la résistance et la servitude face au totalitarisme. La perversion des consciences, les abus de pouvoir au nom d'une idéologie comprise comme une possibilité d'ascension sociale pour dominer les autres (le commissaires politique Sergei), les actes de courages inattendus (le garde rouge qui aide le héros), le courage des femmes qui tiennent tête aux soldats et tournent en bourrique Sergei, une atmosphère d'impasse ou la torture et la mort sont le quotidien... "Holomodor" présente des personnages à la psychologie complexe qui tentent de s'adapter à une situation extrême voulue par la folie d'un Staline, dont la cruauté et l'ampleur de la répression vont inspirer d'autres régimes politiques européens après 1932...

"Holomodor" de Mendeluk a un seul point commun avec le médiocre docu-fiction de l'intellectuel officiel de service du parti présidentiel Bernard Henri-Lévy, le nombre d'entrées dans les salles. Pour le premier, une seule salle en région parisienne (le sympathique cinéma de la place St Michel à Paris, 9 euros l'entrée), pour l'autre des dizaines partout en France et une large promotion médiatique. L'un pourrait devenir un succès, s'il ne rencontrait pas les mêmes problèmes que l'opus Vaincre ou mourir, l'autre est un fiasco qui n'a rassemblé qu'une poignée de spectateurs depuis sa sortie. 

S'il n'y a rien à attendre de BHL en matière de mise en perpective et d'originalité, Mendeluk nous présente un film bien ficelé avec un récit complexe.

Bon courage pour essayer de trouver une séance auprès de chez vous...

Bande-annonce sur youtube :


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