La Loire entre parenthèses

par C’est Nabum
mardi 12 septembre 2023

 

L'escale de la réflexion.

 

L'escale de Tours constituait le point d'orgue de la Grande Remontée dans ses dimensions revendicatives, explicatives et démonstratives. Scientifiques, universitaires, militants avaient là une tribune qu'ils devaient saisir pour faire avancer la cause de la rivière, son « éventuel statut juridique tout en mettant en lumière les agressions dont elle est victime.

Deux jours à Tours, cette belle et noble cité qui vit jadis la Grande Orfèvrerie de Jacques Cœur ouvrir le bal du commerce international naissant, des châteaux princiers et d'un nouveau modèle de développement autour de la Loire. On peut de manière certaine affirmer que son changement de nature provient de ce grand virage qui s'amorce à cette occasion au début du XVI° siècle.

Plus rien ne sera pareil pour celle qui fut encore sauvage avant que l'on embastille derrière des levées qui modifiaient radicalement le rapport des riverains aux crues, aux variations habituelles ou exceptionnelles de son cours. Les ligériens abandonnaient alors une économie proche de celle du Nil pour basculer dans l'inconnu.

Les conséquences furent multiples, les catastrophes nombreuses, les transformations importantes. Je laisse le soin à nos doctes militants de la cause de la Loire se charger d'expliquer cela bien mieux que je puis le faire par le truchement de contes et de fariboles. Les bouleversements que nous déplorons aujourd'hui s'inscrivent dans ce qui était mis en œuvre à l'époque.

Le commerce triangulaire, la puissance des marchands, l'aménagement des rives puis des quais, l'éruption de demeures royales et princières, la monoculture en ce Val Opulent, l'industrialisation de nos grandes villes et d'autres phénomènes encore ont pris leur essor à partir d'un changement de paradigme qui mérite d'être expliqué par nos experts.

L'histoire de la Loire marchande a connu son apogée avant que le chemin de fer ne vienne mettre à mort ce qui était alors le poumon économique du royaume. La lente agonie de la rivière était sur les rails tandis qu'un temps, la vapeur a laissé croire à un renouveau illusoire. La Loire a cessé d'être un pôle d'attraction et d'intérêt, elle a même traversé un long désamour après des catastrophes humaines qui ont terni durablement sa réputation.

Si le canotage, la pêche, les activités de loisirs comme les guinguettes ont un temps maintenu les riverains près de l'eau, la seconde guerre mondiale avait sonné le glas de cette reconversion. Il est vrai que les villes riveraines furent pour celles qui avaient des ponts, victimes de bombardements qui laissèrent des plaies ouvertes.

Le renouveau est passé par l'appropriation du glorieux passé de la marine de Loire par quelques pionniers qui ont suscité l'intérêt des institutionnels. Des structures se sont mises en place tout comme un Festival de Loire qui n'est pas sans conséquence dans ce mouvement même si des défricheurs de la mémoire du fleuve avaient depuis longtemps effectué des travaux mémoriels.

La Loire à vélo fut certainement le coup d'accélérateur d'une adhésion massive au retour vers la rivière. Un retour qui n'est sans doute pas celui que les véritables amoureux de la Loire espéraient. Les cyclistes ne font que passer, les guinguettes font plus de bruit que la promotion du Fleuve et pour beaucoup, la dame Liger est d'abord une source de profits.

L'étape de Tours était ainsi une belle occasion de rappeler que tout ce que le tourisme met en place n'a de sens que si la Nature n'est pas la grande perdante de ce formidable regain d'intérêt. Si le cours d'eau, sa faune, sa flore ne sont pas au chœur de ce renouveau ligérien, il est fort à parier que la suite ne sera qu'un inexorable déclin dans un décor qui n'aura pas été respecté. Ne nous trompons pas de priorité.

À contre-temps


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