Le Gabon : des questions

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lundi 5 décembre 2005

L’élection présidentielle au Gabon a remis dans l’actualité ce petit pays d’Afrique équatoriale relativement riche et discret. Il a eu droit à de nombreux articles, parfois assez élogieux pour le pays comme pour son président sortant et maintenant réélu, Omar Bongo. Si l’on peut reconnaître à M. Bongo, comme autrefois à Houphouet-Boigny pour la Côte d’Ivoire, le mérite d’avoir maintenu son pays dans la paix civile et la stabilité, ce qui n’est pas rien sur ce continent, d’autres aspects doivent être nuancés J’en aborderai deux.

* La démocratie : Même si l’élection a été pluraliste, il est évident que la lutte était plus qu’inégale, entre des prétendants relativement démunis et un despote paternaliste (notion assez différente de celle du despote éclairé de notre XVIIIe siècle !), dont la famille, le clan ( au sens "sicilien" du terme) contrôlent tous les rouages du pouvoir politique et une bonne part du pouvoir économique (voir Le Monde du 26 novembre 2005 : "La bande à Bongo"). Quand un homme de pouvoir place presque uniquement des gens de sa proche famille sur les postes importants, et cela sans tenir compte des compétences disponibles dans le pays, cela s’appelle le népotisme.C’est un signe de sous-développement politique et d’absence des valeurs qui fondent une vraie démocratie. Dans cette dernière, on fait confiance au citoyen compétent plus qu’à son cousin ou à son gendre... Cela n’excuse rien, mais il est vrai que le népotisme est, avec la corruption, l’un des maux les mieux partagés en Afrique.

*La répartition des richesses : Quand on regarde la place du Gabon dans le classement des pays selon leur revenu par habitant et par an (par exemple, dans Images écomiques du monde, 2005), on voit une situation enviable : à la 56e place, avec 3060 dollars, à la limite du premier tiers du classement, il suit de près des pays européens de l’Est (Lituanie, Slovaquie, Lettonie) et des tigres asiatiques (Malaisie), et précède des poids lourds d’Amérique latine (comme le Brésil). Sans leur faire injure, et les Gabonais le savent, ils n’y sont pour rien ; ils sont comme des joueurs de loto qui ont tiré le bon numéro, le numéro "pétrole" ! L’économie du Gabon est essentiellement une économie de rente, mais le problème n’est pas là. Si je tourne quelques pages dans Images éconmiques du monde, je trouve un autre classement des pays, cette fois selon leur IDH (indicateur de développement humain), qui prend en considértation non seulement la richesse, mais aussi l’utilisation de cette richesse, avec le taux d’alphabétisation et l’espérance de vie de la population. Las ! Alors que Lettonie et Malaisie, par exemple, se maintiennent dans le premier tiers du classement, ou même progressent, que la Tunisie, qui était derrière (avec seulement 1990 dollars et pas de pétrole) passe devant, le Gabon dégringole jusqu’à la 122e place, à la limite du dernier quart ! Je sais bien que mon observation n’est pas très scientifique, que les choses sont un peu plus complexes, mais je ne peux m’empêcher de m’interroger : après des décenies de rente pétrolière, des décennies de mainmise du clan Bongo sur l’État et sa rente, le Gabon serait encore un pays aussi sous-développé ? Deux questions complémentaires s’imposent : quel rapport y a-t-il, au Gabon, entre le revenu des exportations et l’investissement dans l’éducation et la santé ? Plus prosaïquement : toute une partie de la richesse collective des Gabonais n’est-elle pas passée dans les coffres et les comptes en banque que la famille Bongo fait fructifier dans les pays occidentaux ? Je n’ai pas de réponse précise, car la "famille" entretient l’opacité sur sa situation financière, mais il me semble légitime de s’en inquiéter, et de s’attrister.


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