Covid-19 : le Père Noël va-t-il devoir surfer sur la 9e vague ?

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 1er décembre 2022

« Aider nos soignants, c’est avant toute chose être vigilants ensemble. Je lance ici un appel solennel : pratiquons les gestes barrières, portons le masque en présence de personnes fragiles ou dans les zones favorables à la promiscuité, comme les transports en commun. Ces petits gestes sauvent des vies ; dans les reculs de l’épidémie, ils ont joué un rôle décisif. » (Élisabeth Borne, le 29 novembre 2022 dans l'hémicycle).

Répondant à la question d'un député de sa majorité (Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons) ce mardi 29 novembre 2022, préoccupé par la situation du système de soins, la Première Ministre Élisabeth Borne a demandé aux Français de respecter quelques gestes de responsabilité dans la perspectives des fêtes de Noël, alors que la neuvième vague du covid-19 commence à inquiéter les personnels soignants confrontés également à une épidémie très forte de bronchiolites et au retour, après deux ans de relative clémence, à l'épidémie saisonnière de grippes.

La Première Ministre a ajouté : « Les Français ont toujours répondu à de tels appels à la responsabilité : je ne doute pas qu’ils le feront de nouveau. Aider nos soignants, c’est également recourir à la vaccination : le vaccin contre la grippe, qui peut se révéler déterminant, mais rencontre malheureusement peu de succès cette année ; le vaccin contre le covid-19, dont nous avons acquis la certitude qu’il sauve des vies. En octobre, une campagne de rappel a été lancée à destination des plus de 60 ans, des personnes fragiles et bien sûr des soignants : 10 % des intéressés y ont répondu à ce jour, ce qui est bien trop peu. C’est pourquoi je répète aux Français concernés : faites-vous vacciner, cela vous protège et protège l’hôpital ! ».

Elle n'a pas hésité non plus à attaquer les oppositions, après le spectacle déplorable du jeudi 24 novembre 2022 dans l'hémicycle : « Aider nos soignants, c’est enfin défendre la science, défendre notre système de santé, ne pas prendre de décisions qui les mettraient en péril. Avec la majorité, j’assume notre défense du système de soins, notre refus de faire passer des manœuvres politiques avant la science et de soutenir des propositions démagogiques que l’écrasante majorité des soignants nous demande de repousser ! J’ai entendu ces derniers jours, au sujet des vaccins, des propos terrifiants, certains confinant à l’obscurantisme. Je ne pensais pas devoir un jour, dans le pays de Louis Pasteur, réaffirmer notre confiance en la parole de nos scientifiques et dans l’efficacité de nos vaccins, encore moins que celles-ci seraient vivement contestées au sein même de l’hémicycle ! Vos hurlements ne nous feront pas reculer : encore une fois, nous assumons. Nous ferons toujours le choix de la responsabilité, le choix de la science ; nous serons toujours aux côtés des soignants et des malades ! ».

Enfin ! Le gouvernement réagit ! Au moment où la neuvième vague de covid-19 va dépasser en intensité la huitième vague ! La semaine dernière, le Ministre de la Santé et de la Prévention François Braun avait timidement recommandé la vaccination pour les personnes fragiles, et il a fallu attendre ce mardi 29 novembre 2022 pour que la Première Ministre Élisabeth Borne communiquât solennellement aux Français, avec toutefois un paradoxe puisqu'elle encourageait à porter le masque dans les lieux sociaux importants sans elle-même porter de masque en s'adressant aux centaines de députés présents dans une enceinte relativement étriquée.

C'est tout le problème de la situation actuelle sur le covid-19, le gouvernement ne fait que suivre la population en général. Moi-même, je n'ai pas porté le masque à une réunion hier alors que nous étions environ une trentaine ou quarantaine de personnes, c'est un tort mais parler avec le masque ou écouter les autres avec un masque, c'est quand même une contrainte. Je le faisais encore il y a un mois, mais comme tout le monde, on en a marre ! Je me restreins cependant à porter le masque dans les hypermarchés et autres centres commerciaux, les transports en commun (que j'utilise peu), et aussi, mais là, c'est toujours obligatoire, dans les lieux de santé (pharmacies, cabinets médicaux ou d'analyses, hôpitaux, EHPAD, etc.).

Depuis le printemps 2022, le gouvernement a complètement zappé l'épidémie de covid-19 qui, pourtant, n'a pas disparu. On pouvait le comprendre au printemps pour des raisons électorales, mais au moment où l'épidémie reprend de l'importance depuis la fin de l'été, le (nouveau) gouvernement était jusqu'à maintenant aux abonnés absents, même Olivier Véran, l'ancien Ministre de la Santé devenu le porte-parole du gouvernement, en était à réduire la gravité de l'épidémie en disant qu'il semblait y avoir une neuvième vague alors qu'on en est sûr.

Effectivement, les statistiques des derniers jours sont inquiétantes. Le 30 novembre 2022, il y a eu 68 382 nouveaux cas ; le 29 novembre 2022, il y a eu 91 814 (mais il faut tenir compte des réajustements dus au week-end précédent). Sur les sept derniers jours, il y a eu 354 665 nouveaux cas, soit plus de 50 000 nouveaux cas en moyenne par jour et cela augmente de 30 à 40% par rapport aux sept précédents jours, ce qui est très élevé. On voit ainsi que la neuvième vague est en passe de supplanter la huitième vague qui avait été relativement limitée au début du mois d'octobre 2022.



Le taux de reproduction effectif de l'épidémie est de l'ordre de 1,3, ce qui est au-dessus de 1, c'est-à-dire qu'elle s'aggrave encore, mais personne ne peut dire si cela va durer longtemps ou, au contraire, comme pour la huitième vague, si elle va décroître rapidement, et cela dépend aussi de nous, population.



Sur le plan hospitalier, la situation reste encore maîtrisée pour les cas les plus graves : pas de saturation des services de réanimation, mais ceux-ci ne désemplissent pas depuis très longtemps pour les cas de covid-19. En revanche, le nombre des hospitalisations conventionnelles pour covid-19 ne cesse de croître, nous en sommes à 20 000 et cela risque de continuer à monter tout le mois de décembre.



L'enjeu humain n'est pas rien puisque cette épidémie continue toujours, hélas, à entraîner la mort de nombreuses personnes, on en est autour de 60 décès en moyenne par jour sur les sept derniers jours, nombre qui, paradoxalement, est en train de décroître lentement, en raison des conséquences de la décrue de la huitième vague. Mais, comme on l'avait constaté en septembre et octobre, ce nombre hélas va remonter parallèlement à cette neuvième vague avec deux ou trois semaines de décalage. Et 60 décès par jour, c'est encore énorme, c'est 2 000 décès par mois, plus de la moitié de la mortalité routière sur une année.



La parole de la Première Ministre a donc forcément de la valeur, et c'est d'ailleurs la magie de la communication politique, celle qui a permis de passer ces deux années difficiles de crise sanitaire avec une bonne acceptabilité, quasi-unanime : respect du confinement, des gestes barrières (masque, gel, etc.), vaccination massive, car à chaque fois, le gouvernement voire le Président de la République étaient montés au créneau pour communiquer.

Après cette intervention d'Élisabeth Borne, les médias ont donc eu le sentiment qu'il fallait refaire de la sensibilisation au grand public qui n'est plus rivé aux statistiques quotidiennes comme c'était le cas au printemps 2020. Le mercredi 30 novembre 2022, plusieurs chaînes de télévision (je l'ai constaté en tout cas sur BFMTV et sur France 5), les médecins qu'on avait l'habitude d'écouter pendant la crise du covid-19 sont réapparus sur les plateaux de télévision, et c'est heureux car leur silence laissait vide un terrain intellectuel largement occupé, en permanence, par les réseaux sociaux, par ceux qui, par complotisme, par opposition politique démagogique ou par simple business (c'est très rentable, paraît-il !), nous ressortent les mille et une fake-news entendues ad nauseam depuis deux ans et demi, en particulier sur la vaccination.

La situation n'est certes pas catastrophique, heureusement, car c'est la différence avec les précédentes périodes de Noël, de 2020 et 2021. L'une des médecins insistait pour dire : on ne peut plus dire aux Français, attention à la énième vague. Il y aura toujours des vagues, après une vague, une autre vague, et ainsi de suite. Il faut donc tenter de vivre avec le coronavirus en essayant d'entraîner le moins de dégât possible.

Il est vrai que la politique du zéro covid avait été tentée, mais dès lors que le vaccin ne permet pas d'éviter à 100% la transmission, il est illusoire de vouloir l'éradiquer complètement. C'est comme vouloir éradiquer le virus de la grippe, c'est impossible car il mute chaque hiver. C'est du reste le problème de la stratégie chinoise : si elle a permit de réduire au maximum le nombre de décès dans un premier temps (ce qui reste à confirmer, certains remettant en cause les statistiques des autorités chinoises), dès lors qu'il n'y a pas de vaccin hyperefficace contre la transmission (et le vaccin chinois a bien moins d'efficacité que le vaccin à ARN messager), cette stratégie est absurde et conduit à une impasse, renforcée par une contestation politique justifée. Pour le printemps 2021, Emmanuel Macron avait lui-même refusé un confinement comme ceux imposés lors des deux premières vagues (mars 2020 et novembre 2020) car une telle contrainte ne peut pas être acceptée sur du long terme et peut aboutir à de véritables catastrophes sociales dans la population.

Pour autant, et c'est là le changement par rapport aux années précédentes, nous avons des armes, en état de fonctionnement, et c'est très heureux. La première est la vaccination, qui empêche pour la très grande majorité des personnes le développement des formes sévères, et c'est cela l'essentiel. Elle empêche aussi, même si c'est avec une bien moins grande efficacité, la transmission du virus, c'est-à-dire qu'il y a plus de risque de contaminer une personne fragile par une personne non-vaccinée que par une personne vaccinée.

La chance de la France, qui a été parmi les meilleures nations à faire vacciner sa population en 2021, c'est qu'il y a une certaine immunité, provenant tant de la primovaccination que des nombreuses contaminations : à ce jour, près de 38 millions de Français ont été contaminés, ou plus exactement, car il y a eu des personnes qui ont été contaminées jusqu'à quatre fois en deux ans, les Français ont subi 38 millions de contaminations, ce qui signifie que la majorité des Français a été au contact avec le virus et presque tout le monde a été soit contaminé un jour, soit vacciné (ce qui est très différent de la Chine).



Actuellement, c'est le sous-variant BQ1.1 qui semble tenir la corde des contaminations au détriment du BA.5, tous les deux des sous-variants du variant omicron. Chaque nouvelle forme prospère car l'immunité est moins efficace. C'est d'ailleurs scientifiquement très impressionnant, on observe à l'échelle humaine de quelques années le phénomène mis en évidence par Darwin de l'évolution des espèces.

Le problème actuel du vaccin, c'est que son efficacité se réduit beaucoup après le sixième mois, c'est-à-dire que pour être à jour de vaccination, il faut faire des rappels tous les six mois. Or, pour l'instant, comme l'a rappelé Élisabeth Borne, seulement 10% des personnes fragiles ou âgées de plus de 60 ans, sont à jour de rappel, ce qui est très faible. Après une vaccination massive (et volontaire, le vaccin n'a jamais été obligatoire à l'exception de certaines professions) en 2021, les Français semblent désormais bouder les rappels, ou plutôt, n'y voient plus d'utilité.

Ou pensent que l'épidémie de covid-19 est terminée parce qu'on n'en parle plus dans les médias. Pourtant, il y a toujours des cas de contamination et ceux qui se prennent le covid-19 en pleine tronche pendant plusieurs jours de fortes fièvres sont partants pour se dire qu'ils préfèrent à tout prix l'éviter la prochaine fois. À ce jour, il y a autour de 800 000 personnes qui sont contaminées en France et susceptibles de contaminer leurs proches, ce qui est plutôt faible (ce nombre n'est pas descendu en dessous de 300-400 000 depuis très longtemps et a pu grimper jusqu'à 3-4 millions au pic de la vague omicron en janvier 2022).



Le relâchement des vaccinations en France est palpable dans les courbes du nombre de vaccinations faites chaque jour. Ainsi, le rythme se compte à quelques dizaines de milliers de vaccinations par jour, si ce n'est quelques milliers seulement. Il y a eu un petit pic en octobre 2022 qui correspond à une communication du gouvernement, et un plus grand pic au début de l'été avant de partir en vacances.

Même la comparaison avec les autres pays n'est plus flatteuse. Les États-Unis nous ont par exemple rattrapés pour les primovaccinations. Il faut cependant se méfier des chiffres : si la Chine a un taux de vaccination très élevé, c'est toutefois avec un vaccin qui n'a pas beaucoup d'effet. À Cuba aussi, il me semble.



C'est là l'ambiguïté du discours gouvernemental : si l'efficacité s'effondre au bout de six mois, pourquoi ne réserver les prochains rappels qu'aux personnes de plus de 60 ans ? Il n'y a plus de problème de doses (on en a désormais autant qu'on veut, avec un vaccin amélioré, plus efficace contre les variants), mais il n'y a plus de centre de vaccination, c'est-à-dire que s'il devait y avoir une nouvelle ruée pour la vaccination (l'idéal serait de faire son rappel en début du mois de décembre pour être dans la meilleure immunité à Noël), il y aurait nécessairement des problèmes d'organisation. Pour l'instant, le plus ordinaire est de se faire vacciner dans les pharmacies qui s'acquittent avec efficacité de ce travail supplémentaire.

Donc, oui, nous avons les outils pour ne pas nous inquiéter des fêtes de Noël malgré une augmentation notable de l'épidémie de covid-19. Ils s'appellent surtout vigilance, responsabilité et bon sens : le masque quand il y a des lieux confinés (certains médecins ne comprennent pas pourquoi le gouvernement ne remet pas l'obligation du port du masque dans les transports en commun), et la vaccination. C'est assez simple, somme toute très peu, contraignant, et surtout, c'est très efficace (malgré toutes les boues de désinformation qu'on peut voir sur le web). Alors, pour préparer Noël, ne faites pas qu'acheter des cadeaux, préparez-vous vous-même, protégez-vous, protégez vos proches et protégez aussi le personnel hospitalier. Et fête restera synonyme de joie et pas de maladie ou de deuil.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (30 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


(Toutes les courbes proviennent de Guillaume Rozier et de son excellent site CovidTracker).


Pour aller plus loin :
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