Déclarations du président Ahmadinejad : effets immédiats ?

par José Peres Baptista
mercredi 2 novembre 2005

Les dernières déclarations du président iranien, réitérées et confirmées, ont produit leur effet. La condamnation est quasiment unanime, mais il ne faudrait pas se contenter de ne voir en filigrane de cette déclaration qu’une provocation.

Le Club des Vigilants, dans un article consacré à cet événement, estime que l’objectif iranien est de prendre la tête de l’opinion du monde arabe. Si l’analyse est osée, mais sensée et argumentée, elle est orientée sur le moyen ou le long terme. À mon sens, et en complément de cette excellente analyse de Marc Ullmann, une partie du résultat a déjà été obtenue immédiatement.

Le président Ahmadinejad sait parfaitement que les États-Unis n’ont pas actuellement les moyens d’ouvrir un nouveau front. D’ailleurs, il n’a pas appelé à leur destruction, mais à celle d’Israël, qui représente pour la majorité des pays arabes du Proche et du Moyen-Orient une “extension” américaine. Il sait aussi pertinemment qu’Israël n’engagera pas de frappes unilatérales, en prenant le risque d’embraser tout le reste de la région qui ne brûle déjà. Cependant, il est légitime d’imaginer qu’en s’appuyant ainsi, en ce moment bien précis de la situation internationale, sur les fondements mêmes de l’Iran, il ait voulu porter un camouflet international aux États-Unis.
En effet, comment interpréter autrement que la première puissance mondiale, et plus fidèle alliée d’Israël, s’aligne derrière l’ONU qu’elle avait elle-même défiée en intervenant en Irak ? Les États-Unis sont aux portes de l’Iran avec un contingent massif de forces armées, mais enlisés dans une guerre civile qui ne dit pas son nom, et dans une attitude de plus en plus sujette à caution au sein même de leur propre pays. D’ailleurs, l’administration Bush, celle-là même qui “conçut” cette guerre, est dans une crise politique que l’on pourrait qualifier de sévère.

On pourrait donc, aussi, interpréter le message iranien de cette façon  : l’Iran menace Israël, et les Américains, leur plus fidèle allié, qui sont arrivés jusqu’à ses portes en se moquant royalement de la communauté internationale, s’appuient sur cette dernière pour les condamner... Les Iraniens auraient-ils affirmé haut et fort que les Américains ne font plus peur à personne, que cela n’aurait pas eu un impact aussi fort. Quant à l’ONU, c’est aussi pour elle une mise en accusation de son incapacité. Elle qui n’a pas pu (et pas voulu) empêcher cette forfaiture américaine hier, condamne aujourd’hui des propos qui sont les fondements mêmes de l’État islamique, et que l’hypocrisie silencieuse d’autres pays arabes de la région cautionne.

Si le sujet n’était si grave, et la situation régionale si dramatique, je dirais que les propos du président Ahmadinejad ne manquent pas de sel. En tout cas, ils ont fait mouche, et ce résultat est déjà suffisamment significatif pour corroborer l’analyse du Club des Vigilants.


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