Cérébral vous dis-je !

par Bernard Lallement
jeudi 8 septembre 2005

Voici un petit malaise qui n’en finit pas de faire grand bruit.

Vendredi soir, le Président de la République est admis à l’hôpital militaire du Val de Grâce pour un petit trouble de vision. Mais bon, chef de l’Etat oblige, Jacques Chirac n’a nul besoin de rendez-vous et de carte vitale. Aussi, le service de santé des armées, qui ne connaît pas la foule des urgences de ses homologues de l’Assistance Publique, entreprend-il tous les examens requis par le rang de son auguste patient et permis par un plateau technique hors pair. Quelques heures paraissent suffisantes pour pratiquer auscultations, prélèvements hématologiques, scanner, et réunir une anamnèse pertinente.

Mais voilà, le petit mal dont souffre le Président va faire jaser dans les gazettes et transpirer dans les antichambres politiciennes. Au vu des résultats, les neurologues ordonnent (pardon conseillent) à leur malade de garder la chambre. Non pas à l’Elysée qui possède un équipement médical que nombre de cliniques privées pourraient lui envier, mais à l’hôpital afin de l’avoir sous la main au cas où ?. Rien de grave, on vous l’assure. D’ailleurs, le Premier ministre et le secrétaire général de la présidence de la République s’entretiendront avec le président « qui marche dans la chambre. »
La gent politique étant ce qu’elle est, et quelques impatients à droite comme à gauche ayant la présidentialite aiguë, il n’en fallait pas plus pour voir certains rêver de drapeaux en berne et de funérailles nationales. Nicolas Sarkozy s’imagine déjà à l’Elysée (talonné par Dominique de Villepin) et Laurent Fabius est prêt à ’assumer l’échéance d’une présidentielle anticipée.’

Il est vrai que les antécédents plaident pour eux. On se souvient de la « grippe » de Georges Pompidou qui s’est révélée être un cancer mortel et celui, caché au prix d’une falsification des bulletins de santé, de François Mitterrand. Aussi, chacun y va-t-il de son couplet sur le sujet récurrent d’une transparence de la santé du Président de la République. Voeu pieu comme il se doit !


Bernard Debré, médecin et député de la majorité considère « qu’il ne serait pas raisonnable que Jacques Chirac brigue un second mandat. » Il n’y a que Jean-Marie Le Guen et Bernard Kouchner, tous deux également médecins mais socialistes, pour venir au secours du Président et affirmer le caractère absolu du secret médical.
Il faut dire que, sur ce point, les communiqués lus par le médecin-chef Anne Robert sont d’un laconisme bon teint, « respectant l’exigence de rigueur médicale » indiquait-on, mardi 6, au Val de Grâce. L’hématome survenu après le petit accident vasculaire est de petite taille, insiste-t-on avec ostentation, après un débat sémantique sur la différence entre accident ischémique transitoire (AIT) et accident vasculaire cérébral (AVC).

Et pour que l’histoire prenne une tournure que n’aurait pas reniée Molière, le président du Conseil de l’Ordre des médecins entre dans la danse pour affirmer, dans une interview au journal La Croix, que les « communiqués, présentés comme médicaux, sont en fait des textes mis au point par le patient, ses proches, ses conseillers (?), nous ne sommes plus dans la communication médicale mais dans le filtrage d’information d’origine politique »

Pour le docteur Jacques Roland, s’ils sont lus par un médecin, ce n’est que dans un souci d’authenticité. Si l’Ordre des médecins voulait nous faire entendre qu’il s’agit d’une manipulation, il ne s’y serait pas pris autrement. Or, il faut savoir que les officiers du service de santé des armées sont les seuls médecins à ne pas être assujettis aux règles ordinales. En effet, contrairement à leurs confrères civils, le code de la santé publique ne les astreint pas à une inscription obligatoire au Conseil départemental de leur lieu d’exercice. En tant que militaires, ils n’ont de compte à rendre qu’à leur hiérarchie et au ministre des armées.

Mais puisque l’on nous précise que « tout se passe comme prévu » pour résoudre ce petit malaise, pourquoi s’inquiéter ? D’ailleurs, Jean-Louis Debré l’a bien confirmé : « il n’y a pas de vacance du pouvoir. » Evidemment, des esprits soupçonneux nous font remarquer que, tout proche de Jacques Chirac qu’il soit, le Président de l’Assemblée nationale ne s’est pas rendu au chevet de son grand ami. Les visites amicales seraient-elles contre-indiquées pour ce malade atteint d’un mal nécessairement bénin ?
Bref, tout ce tintamarre serait-il à l’image du dernier livre de Houellebecq : beaucoup de bruits pour rien ?

Si vous en doutiez encore, les conseillers présidentiels ont pris soin, à votre attention, de mettre en ligne sur le site de la Présidence, l’intégralité de l’entretien téléphonique que Jacques Chirac a eu, depuis sa chambre d’hôtel, avec le chancelier allemand. N’y voyez aucun rapport avec les bruits ayant couru, et aussitôt démentis, d’un possible petit trouble de la parole affectant le président.
Bref, comme pour son prédécesseur, le flou est toujours de rigueur, s’agissant de la santé du chef de l’Etat.

Il y aurait pourtant un moyen très simple de rassurer tout le monde. Jacques Chirac qui sait, à l’occasion, prendre la parole sans désemparer, et la campagne référendaire en a été un parfait exemple, devrait nous faire un petit signe du genre « je vais bien » Par exemple, nous lui suggérons de passer un petit coup de fil à son ministre de l’Intérieur pour l’assurer de sa bonne santé. Certes la nouvelle ne serait pas pour plaire à Nicolas Sarkozy, mais c’est une raison suffisante pour prodiguer un grand plaisir au Président.Cet appel lui vaudrait tous les anticoagulants du monde !

Allons, le Président va bien, il a toute sa tête. Au demeurant, il va reprendre (ou plus exactement poursuivre) ses activités, dès la fin de cette semaine. On vous l’a dit, ce n’était qu’un petit malaise qui n’aura nécessité qu’une petite semaine d’hospitalisation avec de petites visites et de petits communiqués... mais un grand doute !


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