Le dollar, l’euro et katrina

par cible
mardi 6 septembre 2005

Il était une fois dans l’Ouest ou comment les Etats-Unis imposent leur puissance financière au reste du monde au service de leurs intérêts immédiats ... Un point de vue polémique par Cible.

Si la baisse du dollar n’affecte pas l’économie des États-Unis (qui impriment leur monnaie nationale autant que nécessaire et sans rapport avec leur production intérieure ni considération de leurs déficits), il n’en est pas de même pour les pays « dollarisés » d’Amérique latine.


C’est donc dans la plus grande discrétion qu’un État comme le Chili vient de décider de libeller ses bons du trésor en euros ou que Cuba a décidé de convertir intégralement ses échanges en euros. Quant à la Banque centrale chinoise, elle émet plus d’obligations en euros qu’en dollars.
En Russie, à la suite d’une mesure technique entrée en vigueur le 15 mars 2005, la part de la monnaie européenne dans le panier de devises euro-dollar utilisé par la Banque Centrale Russe (BCR) pour fixer le taux de change nominal du rouble a été relevé à 20% contre 10% précédemment. La part du dollar dans ce panier passe par conséquent de 90% à 80%. La BCR a commencé en février à utiliser un panier de deux devises, composé à 10% d’euros et 90% de dollars, comme instrument de sa politique monétaire alors qu’elle utilisait le dollar comme seule référence auparavant. La BCR a par ailleurs indiqué fin 2004 qu’elle n’excluait pas d’augmenter dans le futur la part de ses réserves en euros au détriment du dollar, même si ce dernier arrive à se redresser grâce à l’effondrement de la roupie indonésienne ; la crise que traverse cette devise actuellement fait renaître la crainte d’une crise générale des monnaies asiatiques comme celle que l’on a vécue en 1997. Cela fait ressortir par contraste les mérites du billet vert en tant que devise de réserve.
Si les États-Unis ont acquis beaucoup de richesses de ce monde en les payant avec une monnaie qu’ils dévaluent à leur guise pour conserver leur compétitivité, aujourd’hui aucune baisse du dollar ne semble pouvoir enrayer leur dette publique estimée à 427 milliards de dollars pour 2005, soit 3,5% du PIB, et qui pourrait atteindre 90% du PNB en 2015. Les créanciers de l’Amérique, jusqu’ici effrayés par ces perspectives, n’ont eu d’autre choix que de continuer à lui prêter des sommes de plus en plus énormes, rémunérées à des taux de plus en plus bas et remboursées dans une monnaie de plus en plus dépréciée. On ne peut pas détruire un grand empire en étant raisonnable. Et on ne peut ruiner un grand peuple en étant prudent. L’histoire veut que les deux choses se produisent, il lui faut donc des actes d’imprudence de la part du peuple et de son gouvernement. Voilà pourquoi ils ont la guerre en Irak, un déficit commercial de 700 milliards de dollars et un déficit fédéral de 400 milliards de dollars.
A cela aujourd’hui vient s’ajouter une catastrophe naturelle à l’ampleur de ce continent. L’ouragan Katrina qui en dévastant la Louisiane et La Nouvelle-Orléans plonge l’administration américaine dans la confusion la plus totale quant à ses choix économiques au détriment de l’environnement et son refus à admettre le réchauffement de la planète. L’ouragan Katrina ne s’est pas contenté de dévaster le sud du pays : il a anéanti l’image que les Etats-Unis s’évertuaient à sauvegarder et à cultiver depuis des décennies. Il n’a fallu qu’une tempête pour montrer au reste du monde qu’ils n’étaient pas hors d’atteinte des effets pervers de leur propre politique.
Enfin, chaque fois qu’une nation domine économiquement et militairement le monde, elle fixe les prix des matières premières, achète ou pille des actifs à l’étranger. Quand elle ne produit plus assez de richesses pour contrôler son environnement, la dévaluation de sa monnaie ne suffit pas à lui rendre sa compétitivité ; elle doit alors vendre ses actifs et emprunte, jusqu’à perdre la confiance de ses créanciers. Une autre nation prend ensuite le relais, avec une nouvelle monnaie. Siècle après siècle, le ducat vénitien, le florin hollandais, la livre anglaise furent ainsi les instruments des empires. Aujourd’hui une autre monnaie, l’euro, semble se préparer à prendre le relais du dollar si elle ne se fait pas auparavant torpiller par un certain populisme... euro-européen.


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