Les Etats-Unis s’interrogent sur la légalisation du commerce d’organes

par Henry Moreigne
vendredi 31 mars 2006

En réponse à la pénurie chronique d’organes nécessaires à la réalisation de transplantations, les Etats-Unis songent à légaliser leur commerce. Une agence gouvernementale serait chargée de réguler ce marché d’un nouveau genre.

Grâce aux progrès de la médecine, les greffes d’organes sont un acte médical qui tend à se banaliser, notamment pour les greffes de rein. Conséquence de ce succès, l’écart entre l’offre et la demande ne cesse de se creuser. Les délais d’attente pour une greffe ne cessent de s’allonger. Aujourd’hui de 3 ans en moyenne, ils devraient tendre vers les 10 vers 2010.

Cette situation ouvre la porte à toutes les dérives et à une marchandisation du corps humain. Car qui dit profits possibles et substantiels sous-tend généralement trafic, criminalité et exploitation.

Au cœur même de l’Europe, des organisations criminelles se sont installées sur ce créneau lucratif et porteur et font pression sur les personnes en situation de faiblesse, souvent financière, pour les inciter à vendre, de leur vivant, leurs organes.

Dès les années 1980, ce trafic a pris des dimensions mondiales avec la mise en place d’un véritable tourisme de la transplantation (Asie, Brésil).

Si le constat est partagé par tous, à savoir l’amplification de la pénurie, en revanche, les tentatives de réponse divergent totalement entre les deux berges de l’Atlantique.

Dans un rapport de 2003, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dénonçait l’exploitation de la pauvreté pour pourvoir la santé des riches, demandait une stratégie commune de lutte contre le trafic et surtout rappelait l’attachement du vieux continent au principe de non-marchandisation du corps humain.

A l’inverse, aujourd’hui, les Etats-Unis prônent le contraire. Après avoir interdit en 1984 la vente d’organes humains, ils ont constaté le développement d’un marché noir florissant. Sous couvert de pragmatisme, des médecins font pression, en s’appuyant sur la détresse de leurs patients, pour l’instauration d’un marché financier régulé. Dans ce système, selon eux, tous les acteurs seraient gagnants : le donneur et les intermédiaires par la perception d’argent, mais aussi le receveur qui s’achèterait "de la santé". Les tarifs sont déjà connus : 220 000 $ pour un corps entier, 45 000 $ pour un rein. Le foie chinois, lui, se commercialise à 40000 $ et une cornée de même origine à 5000 $.

Seul hic au système, c’est qu’il ne mettrait pas fin au marché parallèle et surtout que très souvent les vendeurs, faute de soins post-opératoires, voient leur état se dégrader, quand ils ne décèdent pas.

Paradoxale Amérique, capable tout à la fois de se gargariser à l’excès de puritanisme et de références religieuses et, dans le même temps, de désacraliser la valeur de l’être humain au profit d’un billet vert.

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