Michel Cherrier, boulanger ...et résistant

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 4 janvier 2024

« Je suis parti dès que la guerre a commencé. (…) Lorsque le Général De Gaulle a lancé son appel pour le rejoindre, j’ai dit "j’irai", mais personne ne m’a cru ! » (Michel Cherrier, mai 2015 à "Liberté Caen").

Il ne reste plus beaucoup de survivants parmi les combattants ou victimes de la Seconde Guerre mondiale. Le cultivateur corrézien Pierre Pranchère, ancien résistant à 15 ans et ancien député communiste à 29 ans, est mort le 30 décembre 2023 à 96 ans. L'ancien déporté Claude Bloch, rescapé des camps d'extermination, vient aussi de s'éteindre le 31 décembre 2023 à 95 ans. Michel Cherrier aussi s'est éteint à Luc-sur-Mer, dans le Calvados, ce mardi 2 janvier 2024 à presque 103 ans (né le 23 février 1921 à Dives-sur-Mer). Ancien résistant, il n'a pas hésité à s'engager aux côtés de la France libre.

Il aura franchi le cap de l'année 2024 mais il sera donc absent des commémorations des 80 ans du Débarquement de Provence auquel il avait vaillamment participé. Le Président de la République Emmanuel Macron a tweeté le lendemain de l'annonce : « Nous penserons à lui et ses camarades ! ».

Il est des personnages qui ne paient pas de mine. Michel Cherrier, paisible boulanger de Luc-sur-Mer pendant vingt-six ans (de 1961 à sa retraite en 1987), doyen de la commune depuis longtemps, était un héros. Dès l'avancée allemande en mai 1940, quand le front est arrivé à Évreux, Michel Cherrier a quitté la boulangerie qui l'employait à Caen pour fuir à vélo. Il est allé d'abord à Vierzon, mais c'était déjà occupé par les Allemands, puis il a entendu l'appel de De Gaulle et a voulu le rejoindre à Londres.

Après sa première tentative à Vierzon (il est retourné à Caen grâce à son père), Michel Cherrier a tenté une deuxième fois de s'engager six mois plus tard. Il voulait rejoindre le Portugal pour gagner l'Afrique du Nord. Plaimpier, dans le Cher, Saint-Florent, puis un train en direction de Toulouse. Après un contrôle, il a prétexté qu'il cherchait du travail et a été recruté aux douanes. Le franchissement de la zone libre par les troupes allemandes en novembre 1942 l'ont convaincu de persévérer. Il a rejoint alors Saint-Giron et a commencé la traversée des Pyrénées : « On m’a mis sur le chemin de l’Espagne. J’ai traversé un col à 2 500 mètres d’altitude avec un gilet et des chaussures de ville. ».


Hélas, à son arrivée en Espagne, Michel Cherrier a été arrêté par les troupes franquistes et il est resté un mois en prison, à Noël 1942. Il a été ensuite transféré au camp de concentration de Miranda où il fut interné pendant six mois encore, puis libéré par la Croix-Rouge. Ce fut à ce moment qu'il s'est engagé aux Forces navales françaises libres (FNFL). Il a rejoint les Américains à Casablanca, au Maroc, puis, on l'a envoyé aux États-Unis pour aller chercher un escorteur, puis il est passé en Italie pour faire le Débarquement de Provence en 1944.

En décembre 1945, il a été relevé de ses obligations militaires, mais il s'est rengagé pendant deux ans pour l'Indochine. En 1948, il a repris son activité de boulanger à Caen, et s'est ensuite installé avec son épouse à Luc-sur-Mer où ils tenaient une boulangerie et un salon de thé.

Avec beaucoup d'autres médailles et décorations, Michel Cherrier a reçu le 8 mai 2015 les insignes de chevalier de la Légion d'honneur des mains du préfet du Calvados. Il était normal qu'il reçût une telle reconnaissance de la France. L'annonce de sa mort a d'abord été communiquée par la commune de Luc-sur-Mer le 2 janvier 2024, confirmée ensuite par la préfecture du Calvados. Il était un militant associatif très actif au sein des organisations d'anciens combattants. Grâce à des personnes courageuses comme lui, la France a été libérée et s'est retrouvée parmi les vainqueurs de la guerre. Cinq ans auparavant, ce n'était pas gagné...


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 janvier 2024)
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Pour aller plus loin :
Michel Cherrier.
Claude Bloch, passeur de mémoire.



 


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