Contrat première embauche : une mobilisation à contre-emploi

par stephane rossard
mardi 24 janvier 2006

Dès l’annonce du Contrat première embauche par le Premier ministre Dominique de Villepin, les syndicats et différentes associations d’étudiants ont contesté avec virulence ce nouveau dispositif et, dans la foulée, appelé à une semaine d’action. Quand la France se décidera-t-elle à avoir un dialogue social digne d’une démocratie de ce nom ?

Sur le dossier du contrat première embauche, la méthode n’y est peut-être pas. Mais le volontarisme, en tous cas, oui. Sur ce dernier point, on ne peut reprocher à Dominique de Villepin d’aborder de front un sujet considéré comme tabou : la remise en cause du contrat de travail. En effet, l’absence de courage constitue un des principaux griefs adressés à nos leaders politiques. Donc, un peu de cohérence avec nous-mêmes ! On ne peut, non plus, reprocher au Premier ministre d’innover, de tester, d’essayer, bref de ne pas renoncer, car en matière d’, il n’y a pas de fatalisme, comme le montre la réussite de certains de nos partenaires européens.

Vu la levée de boucliers et la salve nourrie des critiques, pour le moins virulentes, émanant du Parti socialiste, des partis de l’extrême-gauche et des syndicats, dès la révélation du projet, le Premier ministre sait qu’il avance sur des charbons ardents. Mais à part dénoncer ce crime de lèse-majesté contre le sacro-saint Code du travail, qui, pour syndicats et responsables politiques de gauche, est gravé dans le marbre, on attend de ces acteurs politiques et publics, une attitude plus mûre, à la hauteur du rôle qu’ils prétendent incarner dans notre démocratie. A croire qu’ils donnent dans la contestation comme la résine dans le pin.

Un courage et un volontarisme, donc, à l’honneur du Premier ministre. Toute la question maintenant est de savoir s’il est déterminé à tenir tête à cette tempête sociale qui se met en place. En effet, les chefs d’orchestres professionnels de l’agitation sociale et de la contestation de rue ont appelé à une semaine d’action du 30 janvier au 4 février, pour dénoncer ce nouveau dispositif. Soient : l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), L’Union nationale lycéenne (UNL), le Mouvement des jeunes socialistes (MJS), les Jeunes-Verts, la CGT-Jeunes, l’UNSA-Jeunes, et la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Des « forces » plus promptes à dégainer une fertile rhétorique contestataire et ironique, comme l’attestent les divers slogans qui ont fleuri ces derniers jours, qu’à faire des propositions constructives.

Sidérante, cette France, tout de même, qui proteste contre un Premier ministre cherchant une solution pour endiguer le chômage et, qui, tout récemment, entretenait, baignait même béatement dans le culte d’un président de la République qui avait, pourtant, en ce domaine, fait preuve de cynisme absolu en déclarant : « On a tout essayé ! ».

Curieuse aussi, cette France, où ce sont les jeunes les premiers à battre le pavé, alors qu’ils sont touchés en masse par le chômage. Ils devraient en conséquence faire preuve de souplesse, d’un minimum de réceptivité, et non mettre instantanément au pilori toute nouvelle initiative.

Cependant, et au corps défendant de ses promoteurs, il faut reconnaître que le CPE pousse insidieusement, par certaines de ses dispositions, à une précarisation rampante du statut salarial. Donc, ce n’est pas un mal de garder un œil vigilant, de faire savoir son désaccord, et ainsi d’agir avant que l’irréparable ne soit commis. Cependant, au lieu de ruer illico dans les brancards, ne serait-il pas préférable de demander audience auprès des autorités compétentes afin de s’asseoir autour de la même table et de faire valoir ses vues ?

En effet, du côté de cette mobilisation, légitime au regard d’une démocratie normalement constituée, la méthode est tout aussi critiquable que celle du Premier ministre. A regarder de près la liste des organisateurs, sur cette mobilisation pèse un lourd soupçon de téléguidage partisan, qui dissimule mal une motivation idéologique à la base, une recherche d’affrontement de principe avec un interlocuteur de sensibilité politique différente. Mobilisation sur laquelle court un grand risque de récupération politique. Donc, finalement, elle échappera probablement à ses initiateurs, et  la cause défendue, compréhensible car expression d’une inquiétude, devrait être totalement dévoyée.

Une contestation qui fait penser à des convulsions désespérées d’acteurs à la peine, à bout de souffle, arc-boutés sur leur vision « fausse » ; déconnectée du monde d’aujourd’hui, car idéologique et non pragmatique sur des problématiques inhérentes à notre société et sur de nouveaux enjeux de l’emploi d’aujourd’hui et de demain.

De véritables pousse-au-crime, en fait. Autrement dit, ils font de la France un sanctuaire de l’immobilisme, un vestige d’une époque révolue, et à la longue oeuvrent contre les intérêts de ceux et celles qu’ils sont censés défendre. Contrairement à ce que laissent croire leurs slogans chocs et leur battage médiatique, ce sont eux, et non le gouvernement, qui sont à contre-emploi.

Étant donné son style et son ferme attachement à « relever les défis » comme il le prétend, en l’occurrence celui de l’emploi, il est fort probable que Dominique de Villepin campera sur ses positions, et qu’il mettra toute son énergie à défendre son projet et à en expliquer le bien-fondé, comme il l’a fait, avec un certain aplomb, mercredi dernier, lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale.

Un sujet, cependant, à double tranchant, car Dominique de Villepin a beaucoup à perdre et à gagner, à la fois. A perdre, en terme d’image d’homme du centre, qui joue la carte de la modernisation de la France en douceur, sans heurt, par le dialogue et le consensus. A gagner, vis-à-vis de son électorat et du monde économique, qui réclame de longue date,, et à cor et à cri, une modification du Code du travail afin de l’adapter au nouvel environnement économique international. Une exigence devenue une évidence.

En effet, si le retour de la croissance constitue clairement une condition nécessaire pour relancer le marché de l’emploi, il n’en demeure pas moins insuffisant. La France doit aussi entreprendre des réformes structurelles, pour stimuler la création d’emplois. C’est donc bien sur ce deuxième volet, qui manquait cruellement à toute politique économique jusqu’à présent, que Dominique de Villepin reprend enfin la main.

Que Dominique de Villepin persiste et signe, c’est tout le mal qu’on lui souhaite, face à ces forces rétrogrades toujours plus efficaces dans la paralysie de la France que dans sa modernisation.

Note sur Le "contrat nouvelle embauche" : c’est un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, plus flexible. Il sera applicable à compter du 1er septembre. Il est destiné aux très petites entreprises (moins de 10 salariés. Il prévoit une période d’essai - au cours de laquelle le salarié peut être licencié sans préavis, ni indemnité - plus longue, d’une durée de deux ans. En cas de rupture du contrat, la durée du préavis "sera fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise".


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