Des hommes en attente de Dieu

par Renaud Bouchard
mercredi 23 avril 2025

Pontifex maximus novus nobis mox tradetur

 

Un nouveau Souverain Pontife nous sera bientôt donné

 

Tout le monde sait faire la guerre, mais seuls les plus courageux savent faire la paix.

S.S. François (1936-2025)

« Je veux rappeler aux Français qu'ils sont chrétiens même s'ils ne veulent pas le savoir et qu'ils n'aiment pas l'entendre ». 

Cardinal Robert Sarah , Entretien pour Atlantico au sujet de son livre Dieu ou Rien, 8 mars 2015

 

 

Le pape François aimait les Évangiles purs, dépouillés de leurs exégètes pharisiennes : et cela démontre qu’il était un homme de cœur, écrit Paul Rafin, que je cite ici.i Hélas ! qu’aura été la sanction de cette politique ? la poursuite d’une déchristianisation massive des sociétés occidentales (la récente hausse des baptêmes, en France, ne compense pas l’hémorragie enregistrée depuis un demi-siècle) ; au contraire, un regain des pratiques traditionalistes, par réaction, peut-être, à l’islamisation de la société tout droit venue de l’immigration. Le prochain pape aura le choix entre poursuivre la révolution, ce retour éthéré à la parole christique qui fut toujours et la gloire et l’inconscience de l’Occident, ou prendre à bras-le-corps ces réalités qui font que l’histoire est tragique.

S.S.François est mort pendant les fêtes de Pâques, les plus importantes chez les chrétiens, celles qui célèbrent la résurrection du Christ : son rappel à Dieu, à cette date magnifique, paraît une preuve de sa divine élection. Il n’était pas le Christ : il ne reviendra pas ; mais il était plein de vertus, sensible et bon : nul ne doute qu’il trouvera sans peine les portes du Paradis, ce baiser de Dieu — et qu’il y sera accueilli dans la Lumière, lui qui, connaissant Jésus, ne craignait plus la mort.

Soit.

 

I- Qui donc ?

 

Mais qui donc sera le 267ème pape après Jorge Mario Bergoglio, élu le 13 mars 2013, devenu le premier pape non européen depuis le pape syrien Grégoire III au VIIIe siècle et le premier pape issu du continent américain ? Le monde entier s'interroge, suppute et attend.

Choisir un pape relève d'un processus plus que compliqué dans la très longue histoire de l'Egliseii ainsi que l'ont aussi et récemment amplement montré plusieurs œuvres cinématographiques très intéressantes en ce qu'elles auront permis la découverte pour tous ceux qui les connaissaient ou pensaient les connaître, de l'univers du Vatican, de ses pratiques, de ses traditions qui, dans cette double identité terrestre (un Etat) et divine (le magistère de l'Eglise catholique romaineiii), ne cessent de passionner et interroger.

Depuis quelques années, le monde de la papauté attire de plus en plus l’intérêt des cinéastes. Après Nanni Moretti et son "Habemus papam", ce fut Paolo Sorrentino qui fit une excellente série, "The Young Pope", dans laquelle Jude Law incarnait un souverain pontife plutôt déroutant.

S'il existe ainsi depuis longtemps une ample cinématographie où l'on trouve de toutiv, un détour cinématographique plus récent et très intelligemment construit en un subtil mélange de réelle culture et de réflexion abouties accompagnant le jeu d'acteurs talentueux dans des décors toujours magnifiques, demeure particulièrement instructif tant il est vrai que la figure du souverain pontife a toujours fasciné, tout comme les arcanes et coulisses du Vatican, lieu de pouvoir et de traditions millénaires.

Tantôt guide spirituel, tantôt stratège politique, voire anti-héros tourmenté, le pape est en effet devenu au fil des projets cinématographiques un personnage aux multiples visages, et le Vatican, le lieu de tous les secrets et tractations. (On évoquera simplement pour mémoire, c'est moi qui parle, car ce n'est pas ici le sujet, les intrigues souvent sombres et toujours complexes, de la "politique vaticane" et de sa diplomatie dans des périodes historiques difficiles, des Borgia au nazisme. https://www.lepoint.fr/societe/vatican-l-heure-de-verite-sur-les-silences-de-pie-xii-01-03-2020-2365103_23.php).

La figure du pape suscite donc un vif intérêt de la part des réalisateurs qui ne fait que s'amplifier depuis la sortie en 2010 du film « Habemus Papam », de Nanni Moretti, jusqu'au récent « Conclave » (2024) d'Edward Berger, en passant par, entre autres, "Le Pape François - Un homme de parole", de Wim Wenders (2018).

Le fait est, comme l'écrit plaisamment Robin Verner dans un très bon papierv, « quelle qu'en soit la déclinaison adoptée, un film sur le pape – a fortiori quand il parle conclave et machinations – a le double bénéfice de donner dans la politique politicienne, plaisir coupable s'il en est, tout en restant distingué. D'une part, parce que les jardins du Vatican dépaysent davantage que le Bureau ovale, de l'autre parce que ce qui agite la basilique Saint-Pierre semblera toujours moins mesquin qu'un coup de billard à 36 bandes au Palais-Bourbon. C'est qu'une intrigue vaticane porte toujours une dimension métaphysique et en présente tous les signes extérieurs : des pietà aux crucifix en passant par une homélie. Personne n'osera accuser une œuvre où le moindre froncement de sourcil dit quelque chose du Bien et du Mal, le moindre éternuement (ou toussotement, ou chuchotement) trouve une résonance théologique, de voler au ras des pâquerettes. La chose est d'ailleurs vraie de tout film convoquant l'imaginaire religieux ne serait-ce que par la présence d'une simple soutane. »

Le mystère, voilà donc qui donne du cachet. Mais l'objectif de la caméra, intrusif, désacralise autant qu'il consacre. Parfait pour satisfaire notre curiosité ou notre voyeurisme. Ainsi, peu de films sur la papauté résistent à la tentation de nous montrer le conclave. C'est une lapalissade en ce qui concerne "Conclave" (le film précité) , mais tous ou presque y sacrifient. Au point qu'on a parfois l'impression qu'on n'a choisi le thème que pour pouvoir mettre en scène ce vote dont non seulement le bulletin mais le bureau entier sont tenus au secret.

« Car si le suffrage servant à élire un nouvel évêque de Rome est ultra-documenté – Chapelle Sixtine comme théâtre, critères restreignant le nombre des cardinaux électeurs, modalités des différents tours, fumée noire et blanche, etc. –, il est par nature interdit aux laïcs pour l'éternité. Dans ces conditions, seul le cinéma nous permet de nous rincer l'œil. Et dans son mélange de comédie burlesque, de réalisme scrupuleux et de discrète étude psychologique, on recommande particulièrement "Habemus Papam" de Nanni Moretti sur ce point.

Au risque d'insister, notre époque n'a pas inventé les « Papa movies » (on tente, hein…), elle les a seulement fait passer à l'ère industrielle. Mais qu'est-ce que « notre époque » ? Eh bien on répondra qu'on considère celle qui s'est ouverte par l'accession de François au trône de Pierre, en partie parce que ça nous arrange, écrit encore Romain Verner, et en partie parce que l'écrasante majorité des films cités sont en effet postérieurs à l'année 2013.

Le pape François, personnage des plus bankable médiatiquement, a en effet rendu modernité et lustre à un Vatican sorti de la torpeur de la fin de règne de Jean-Paul II et de l'exigeante austérité de celui de Benoît XVI.

Sans compter que son profil offensif et son sens du combat (notamment contre la Curie) forment un excellent canevas sur lequel scénaristes et réalisateurs peuvent tisser leur toile. Pour autant, la fiction n'a pas eu la main heureuse, jusqu'à ce jour, à l'heure de le portraiturer. Dans "Les deux papes", Jonathan Pryce le campe en homme doux et accessible, n'aimant rien tant qu'échanger avec l'humble jardinier de Castel Gandolfo… passant à côté de la nature de l'actuel pontife : une extraordinaire, et souvent impitoyable, bête politique. »

Une recension visuelle des plus grands films et séries dédiés à l'évêque de Rome fournit l'illustration de tous ces propos : 

https://www.bfmtv.com/people/cinema/conclave-the-young-pope-cinq-films-et-series-au-c-ur-du-vatican-et-de-la-papaute_AN-202504220411.html

 

II- Mais alors, qui ?
 

Mais le lecteur trouvera aussi et d'une certaine manière très actuelle les données d'un problème autant politique que théologique en visionnant et lisant, comme commentaire, la critique du film de Fernando Meirelles, intitulé Les Deux Papesvi, qui, par-delà l'oeuvre de fiction (pas si fictionnelle que cela, à vrai dire), pose les termes d'un grave problème que LL.SS. Benoît XVI et François laissent en un héritage continu au prochain souverain pontife.

Les cinq dernières successions ont en effet montré de vifs contrastes entre prédécesseurs et successeurs, liés à leurs personnalités comme à leurs pensées. La tentation existe, certes, mais il est vain de chercher des correspondances entre un pape qui a régné et le choix du futur élu. À chaque fois, une personnalité nouvelle émerge, souvent hors norme. Ce fut spectaculaire pour Jean-Paul II et pour François.

Qu'en sera-t-il du prochain pontife ? Qui sera-t-il ? Reviendra-t-on à une pratique « traditionnelle » ou poursuivra-t-on un « progressisme ?

Bien évidemment les pronostics, paris et projections rivalisent d'hypothèses et de supputations. Rien de très consistant, dans le fond, hors le sensationnel de l'actualité qui se voit offrir un sujet inépuisable.

On ne retiendra ici que le subtil mélange entre magistère de l'Eglise et géopolitique, entre Divinité et Etat, entre... « ligne du Parti » et « déviationnisme », entre papes susceptibles de représenter l'humanité sur les Cinq Continents, et plus précisément sur L'Asie avec l'ancien archevêque de Manille (Philippines), Mgr le cardinal Luis Antonio Gokim Tagle, sur l'Europe, avec le Primat de Hongrie, le cardinal Péter Erdő, et sur l'Afrique avec trois papabiles : Mgr Dieudonné Nzapalainga : archevêque de Bangui en Centrafrique, premier cardinal centrafricain de l'histoire et reconnu pour ses efforts de réconciliation entre les communautés.Mgr Fridolin Ambongo Besungu : archevêque de Kinshasa et soutien fidèle du pape François, membre du Conseil des cardinaux depuis 2020 et exerçant une influence significative au sein du Vatican.Et enfin Mgr Robert Sarah : cardinal guinéen, opposant connu du pape François mais qui pourrait être vu comme un candidat particulièrement sérieux pour ceux qui cherchent un changement dans la direction de l'Église.

Pour autant, la liste n'est pas close. D'autres éminentes personnalités méritent que l'on s'y intéresse :

https://www.midilibre.fr/2025/04/21/images-mort-du-pape-francois-on-les-appelle-papabiles-qui-sont-les-douze-cardinaux-favoris-pour-succeder-au-souverain-pontife-12649741.php

Il ne reste plus qu'à attendre.

On peut aussi réfléchir et méditer - pourquoi pas ? - que l'on soit ou non Chrétien, sur ce qu'écrit Henri de Lubac dans Catholicisme : « Enracinement nécessaire, et d’autant plus que la transcendance est plus haute. […] Tant qu’elle n’a pas recouvert toute la terre et cimenté toutes les âmes, croître est pour l’Église une nécessité de nature. L’histoire de ses “missions” est l’histoire de sa propre croissance, sa propre histoire. »

Cette croissance n’est ni invisible, ni iconoclaste ; elle est incarnée, apostolique, eucharistique : « Palpez-moi et rendez-vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai. » (Luc, 24-39)

 

 

i Paul Rafin, Hommage au pape François, rappelé à Dieu un lundi de Pâques… François, pape des pauvres et des polémiques, est mort. Causeur, 22 avril 2025,

iihttps://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_papes#

iii https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Comprendre-le-magistere-de-l-Eglise-_NG_-2009-02-27-531893 . Cf. aussi : https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2013-v69-n3-ltp01472/1025863ar/

ivhttps://www.senscritique.com/liste/les_papes_au_cinema/3611074

vhttps://www.marianne.net/culture/conclave-et-tous-les-autres-mais-pourquoi-autant-de-films-sur-les-papes

vihttps://www.senscritique.com/film/les_deux_papes/critique/201411571 et bande-annonce : https://youtu.be/TacwECI7fmg?t=60

 


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