La France prend sous son aile l’est de la Syrie
par Patrice Bravo
mardi 22 avril 2025
Paris profite de la réduction de la mission américaine
La France prévoit de renforcer sa présence militaire dans le nord-est de la Syrie (à l'est de l'Euphrate), qui se trouve dans la zone de responsabilité des formations kurdes. Cette initiative est élaborée dans le contexte de la décision de l'administration du président américain Donald Trump de réduire ses troupes dans cette région. De plus, Paris tente d'établir un dialogue entre les commandants kurdes et leur adversaire irréconciliable, la Turquie. Selon les médias français, l'Élysée souhaite profiter de la situation actuelle pour retrouver des leviers d'influence politique en Syrie.
Ce sont des sources du journal libanais Al-Modon, proches du ministère français des Affaires étrangères, qui ont fait part des plans de Paris visant à renforcer sa présence militaire en à l'est de l'Euphrate.
Selon les interlocuteurs du journal, la Cinquième République élabore la possibilité d'augmenter le nombre de ses militaires au sein de la coalition internationale de lutte contre le groupe État islamique, qui opère dans le nord-est de la Syrie sous l'égide des États-Unis. De 100 à 200 militaires français y sont déjà déployés. En outre, selon les sources d'Al-Modon, l'augmentation de la concentration des militaires français pourrait également se produire sur le territoire du Kurdistan irakien, une région dans le nord de l'Irak.
L'Élysée modifie ses approches sur le front syrien, et pas seulement d'un point de vue militaire. Selon les interlocuteurs d'Al-Modon, la France tente également de résoudre le conflit entre les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance dominée par les formations kurdes, et leur principal adversaire, la Turquie. En même temps, Paris souhaite résoudre les désaccords persistants entre les FDS et l'administration de transition à Damas. Bien qu'en mars, les parties aient conclu un accord officiel sur l'intégration de l'autonomie kurde au sein du gouvernement central, de nombreux sujets de discorde subsistent. Ainsi, les commandants kurdes ont récemment déclaré qu'ils cherchaient à fédéraliser la Syrie.
La France entreprend ces actions dans le contexte du début du processus de retrait des troupes américaines de Syrie. Ces derniers jours, le Pentagone a annoncé que "la présence américaine en Syrie va être ramenée à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains". "Cette consolidation démontre les pas importants que nous avons faits pour dégrader l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe État islamique, dans la région et dans le monde, indique la déclaration du porte-parole du Pentagone, Sean Parnell. Ce processus ciblé et conditionné conduira à une réduction des effectifs militaires américains en Syrie dans les mois à venir." En même temps, les États-Unis ont l'intention de poursuivre les frappes aériennes sur le territoire du pays.
Les médias israéliens ont été les premiers à rapporter ce mois-ci la volonté de l'administration Trump de retirer ses troupes de Syrie. Selon leurs informations, l'État hébreu a reçu la notification correspondante du Pentagone. Plus tard, cette initiative a été confirmée par des sources de Reuters, qui ont précisé qu'il s'agissait simplement d'une rotation des militaires en raison de l'évolution des besoins.
Selon The New York Times, dans le cadre de la réduction de sa mission militaire, les États-Unis ferment trois des huit bases opérationnelles dans le nord-est de la Syrie. Il s'agit de la base militaire Green Village, située sur le champ gazier d'al-Omar, du point d'appui Euphrate et d'un autre site dont le nom n'est pas mentionné.
Dans deux mois, le commandement américain prévoit de réévaluer s'il convient de procéder à des réductions supplémentaires du contingent, affirment des sources du New York Times. Selon elles, les commandants militaires américains ont pour l'instant recommandé de maintenir au moins 500 militaires en Syrie, mais le président Trump exprime un profond scepticisme quant au maintien de tout personnel militaire sur le territoire de la république.
Le gouvernement israélien, dirigé par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, tente activement de dissuader l'administration Trump d'évacuer ses militaires, affirme le journal Yedioth Ahronoth. Les autorités de l'État hébreu estiment que le départ des Américains ouvrira une fenêtre d'opportunités supplémentaire pour la Turquie, qui voudra immédiatement installer ses bases militaires à l'est de l'Euphrate et affaiblir les FDS. Les Israéliens considèrent Ankara comme leur nouveau rival régional.
Les positions des États-Unis vis-à-vis de l'administration de transition, dirigée par le président temporaire Ahmed al-Charaa, se durcissent. Selon des sources du Wall Street Journal, ces dernières semaines, Washington a formulé de nouvelles exigences envers Damas. Il souhaite que l'administration syrienne interdise aux groupes palestiniens d'opérer sur le territoire syrien et expulse leurs hauts fonctionnaires du pays. En outre, les États-Unis veulent que le gouvernement d'al-Charaa mette fin aux violences sur une base ethno-confessionnelle, dont une forte recrudescence s'est produite en mars dans les régions côtières de la Syrie, densément peuplées par la communauté alaouite. Ce n'est qu'à la condition que ces exigences soient satisfaites que la Maison Blanche est prête à assouplir les sanctions contre la république et à rouvrir son ambassade.
La France, comme d'autres pays européens, fait preuve d'approches plus souples envers l'administration de transition à Damas. Comme l'ont précédemment déclaré dans une conversation avec Le Figaro des diplomates français qui ont souhaité garder l'anonymat, dans la situation entourant la chute du précédent gouvernement syrien, Paris a vu sa fenêtre d'opportunités et a décidé de "tourner la parole" afin de "se remettre dans le jeu".
Alexandre Lemoine
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