Les plaies non guéries de la France (2)

par stephane rossard
lundi 5 décembre 2005

On parle toujours des plaies d’Égypte. Mais la France a aussi les siennes. Des plaies jamais guéries depuis trente ans. A force, la situation empire et dégénère. Jusqu’où ? Après avoir analysé les racines de notre mal économique, pleins feux, dans cette deuxième partie, sur l’Europe, terrain ou la France regresse.

Au niveau économique, et dans ce contexte de crise persistante [voir 1ère partie], on peut grandement remercier l’Europe sans qui, sans aucun doute, la France aurait probablement accompli une modernisation économique à pas de fourmi. Que l’on soit pour ou contre l’Europe, force est de reconnaître que la France lui doit énormément dans sa modernisation en ce domaine. De l’ouverture du marché national à la libéralisation des marchés financiers et des taux de change, des privatisations des entreprises publiques, et de leur ouverture au marché concurrentiel, à l’instauration d’une gestion disciplinée des finances publiques, autant d’avancées positives à mettre à l’actif de l’Europe.

Or, on peut s’inquiéter à juste titre, à la vue des dernières positions françaises. En effet, pour la première fois dans son histoire, la France ne respecte pas ses engagements européens, notamment dans le cadre du pacte de stabilité. Tandis que ce dernier limite les déficits publics à 3% du PIB, la France affichait 3,6% en 2004, 4,2% en 2003 et 3,2% en 2002 ! Dans ces conditions, comment à la fois se prétendre être un des moteurs de la construction européenne, et s’étonner du scepticisme des électeurs vis-à-vis de l’Europe ? Ou de la faible mobilisation lors des élections européennes ? Sans parler du non fracassant des Français au traité constitutionnel, lors du référendum en mai dernier.

Ce non, que ce soit un bon choix ou non, là n’est pas le propos, a, de toute évidence, affaibli la France sur de nombreux dossiers clés, comme celui de la politique agricole commune, ou dans la nomination à des postes à hautes responsabilités dans les commissions. Certes, Angela Merkel, tout nouveau Chancelier allemand, a réservé sa première visite à l’étranger à la France. Mais dans quel but ? Car rassurer Paris, c’est bien, mais insuffisant. Encore faut-il avoir une vue commune sur les projets à mettre en œuvre afin de relancer une construction européenne, qui,d’un point de vue politique, est à bout de souffle. Angela Merkel, en tant qu’atlantiste, ne cache pas son intention de réchauffer les relations entre les États-Unis et l’Allemagne, après un froid dû à l’opposition du gouvernement Schröeder à la guerre en Irak. Un rapprochement entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne ne serait pas surprenant non plus. Car, paradoxalement, la droite libérale que représente Angela Merkel a plus de points communs et d’affinités avec le parti travailliste de Tony Blair qu’avec le gouvernement de centre-droit de Dominique de Villepin ! Ne parlons pas des socialistes français, actuellement en orbite idéologique, très loin au-dessus de la terre. Seul un aggiornamento en profondeur leur permettrait d’atterrir, autrement dit, d’être à nouveau en phase avec les contraintes de la réalité et les préoccupations des Français.

A cette donne, il faut en rajouter une autre : la montée en puissance des nouveaux États membres, tels l’Estonie, la Pologne, la République tchèque, acquis au libéralisme, à une construction « anglo-saxonne » de l’Europe, donc aux antipodes de la France, et qui sont décidés à donner de la voix, à peser de tout leur poids dans les décisions portant sur les grands dossiers. Un risque d’isolement supplémentaire pour la France...

L’Europe constitue donc un nouveau terrain, pourtant jusqu’à présent préservé, sur lequel la France avance à reculons ! Un de plus ! L’inquiétude ne peut que grandir.


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