UE 2009 : quand les petits-fils d’Hitler, de Pétain...prendront le pouvoir

par Franck Biancheri
vendredi 2 décembre 2005

Relire, ou découvrir ce scénario, c’est se poser la question de savoir si l’on souhaite que l’Europe de demain soit dominée par les tendances « euro-démocratiques » ou bien « national-européistes » ; et c’est peut-être s’apercevoir que c’est aujourd’hui que les choses sont en train de se jouer ! Alors, un petit tour vers le futur, vu depuis le passé... c’est éclairant !

Cet article est extrait du scénario du même titre élaboré par l’auteur en 1998 pour le compte du think-tank Europe 2020. Il offre, aujourd’hui qu’est devenu évident le divorce entre élites et institutions européennes d’une part, et peuples et citoyens d’autre part, un rétro-éclairage utile sur la gravité et l’ampleur de la crise politique actuelle de l’UE. Ce scénario montre d’abord que ce qui arrive à l’UE n’est pas imprévisible, mais ressort de tendances identifiables depuis plusieurs années. Cela est rassurant. Mais, ce qui est en revanche très inquiétant, c’est que les hypothèses fondamentales du scénario semblent se vérifier davantage chaque année nouvelle, et que les crises prévues s’enchaînent à un rythme anticipé.

L’absence de réaction à cette lente dérive politique du projet européen accroît chaque jour un peu plus la probabilité du scénario. C’est d’ailleurs pour cette raison, qu’avec nombre d’Européens, j’ai entrepris de sortir de mon rôle d’analyste et de conseiller pour endosser l’habit politique, en créant Newropeans pour offrir une alternative européenne et démocratique à la montée en puissance des « petits-fils ». Les années à venir vont être décisives pour savoir si le projet européen des prochaines décennies s’ancrera dans les idéaux de l’après 1945, d’une Europe démocratique et ouverte sur le monde, ou bien dans ceux d’avant 1939, qui conduisaient à une Europe non démocratique, xénophobe et agressive envers le reste du monde.

Relire, ou découvrir ce scénario, c’est se poser la question de savoir si l’on souhaite que l’Europe de demain soit dominée par les tendances « euro-démocratiques » ou bien par les « national-européistes » ; et c’est peut-être s’apercevoir que c’est aujourd’hui que les choses sont en train de se jouer !

Alors, un petit tour vers le futur vu depuis le passé ... c’est éclairant !

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Extrait du scénario UE 2009 : Quand les petits-fils d’Hitler, Pétain, Franco, Mussolini et Staline prendront le pouvoir

Pourquoi le choix de 2009 comme date butoir ?

Pour Europe 2020, la période 2006-2010 constituera un nouveau "nœud" historique pour l’UE, comme l’est actuellement la période 1998-2002. 2009 est choisie comme date pivot du fait de l’élection européenne et du renouvellement de la Commission, prévus à cette date. Selon les chemins pris par l’UE à cette date, des scénarios totalement divergents seront établis pour la période allant à 2020.

Cette période concentrera en effet une série de décisions et de réalisations qui s’amorcent actuellement :



- élargissement de l’UE aux nouveaux membres d’Europe de l’Est

- impact politique complet de la première vague des conséquences de l’introduction de l’euro (les institutions de 2004 - PE et CE - seront encore essentiellement le fruit d’une UE pré-euro).

- évolution générationnelle (sortie progressive des "68" de la vie active : 60 ans, arrivée de la génération "92" : 35/45 ans), disparition des générations ayant connu la 2e guerre mondiale, vieillissement accéléré de la population de l’UE.

De nombreuses tendances affectant l’UE sont nées dans la 2e moitié des années 1980, lors de la "renaissance" du projet communautaire. Elles auront donc affecté deux générations complètes en 2009, et exerceront une influence décisive.

Le scénario ci-après est fondé sur trois hypothèses, une constante historique et une variable. Ces dernières sont explicitées après le scénario ci-dessous :

Scénario " Comment en 2009, l’UE pourrait tomber dans les mains des arrière-petits-fils d’Hitler, de Franco, de Mussolini et de Pétain

- En Juin 2009, les partis anti-démocratiques et xénophobes atteindront des scores de 20% à 30% minimum dans 7 États-Membres sur 15.

- Ils constitueront ainsi le plus important groupe parlementaire du Parlement européen. Via les scènes politiques nationales, ils exerceront une influence très forte sur les agendas politiques des États-Membres.

- Leurs thèses se reflèteront, très amplifiées, dans un Conseil européen où près de la moitié des États devront prendre en compte près d’un tiers de leurs électeurs partageant ces opinions. Ces attitudes seront renforcées par les graves turbulences économiques, politiques et sociales ayant affecté le tissu économique, social et culturel de l’UE à la suite del’introduction de l’euro.

- L’absence de réformes radicales du système politique et administratif communautaire, en particulier de sa machinerie administrative (Commission + BCE + services centraux des grands ministères nationaux), a conduit à une bureaucratisation croissante de l’UE, dont les décisions restent essentiellement dans les mains d’une dizaine de milliers de personnes. Le système est fermé sur lui-même et fait face à des difficultés croissantes pour maintenir la pérennité du projet communautaire face à une conjonction d’oppositions de toutes natures. Faute de réformes drastiques, celui-ci n’a jamais pu restaurer sa crédibilité publique après les scandales à répétition qui l’ont poursuivi à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

- Les élections de 2009 voient donc s’affronter sur l’ensemble de l’Union des forces exigeant une refonte complète du système communautaire, incluant une suppression des privilèges dont bénéficient les institutions communautaires. Les démocrates, (opposés au caractère bureaucratique pris par le projet européen), les libéraux (opposés à son aspect administré), les socialistes (opposés aux conséquences sociales de la mise en place d’EuroLand), les nationalistes (opposés aux chocs économiques et culturels post-euro qui ont placé des États et régions sous la tutelle politique de l’UE et économique d’autres régions/États) se retrouvent pour attaquer le système en place.

- Les forces anti-démocratiques et xénophobes proposent le soutien à la construction européenne, à condition de l’aménager dans leur sens : Europe fermée, définie sur des bases religieuses et raciales, développant des politiques de voisinage fondées sur la puissance et l’exploitation des plus faibles, et affirmant sa capacité à ramener l’ordre dans une UE en proie aux soubresauts post-euro, notamment en s’appuyant sur l’appareil administratif existant.

- L’appareil administratif communautaire, reprenant un cheminement classique dans l’histoire européenne, choisit alors de préserver coûte que coûte le projet communautaire, dont il estime être le seul dépositaire, tout en protégeant ses privilèges et son influence.

- Il décide donc de s’orienter vers une stratégie de partenariat avec les forces anti-démocratiques et xénophobes, et signe le Pacte avec le diable (persuadé qu’il pourra ensuite se débarrasser de cet allié de circonstances).

- Juillet 2009 : Les arrière-petits-fils d’Hitler, de Franco, de Mussolini et de Pétain prennent le contrôle de l’Union européenne, avec la complicité de l’appareil bureaucratique de l’UE.

Europe 2020 a testé ce scénario auprès de plus de cent responsables communautaires (membres de cabinets de commissaires, euro-fonctionnaires de tous niveaux et secteurs, conseillers de ministres, lobbyistes bruxellois, spécialistes des sondages d’opinions, intellectuels). 90% d’entre eux ont déclaré n’avoir jamais pensé à un tel scénario ; mais reconnaissaient que si le système administratif et politique communautaire restait sans grand changement jusqu’en 2009, cette option représentera en effet un risque majeur.

2 Hypothèses, une constante et une variable

- Hypothèse N°1 : En 2009, les partis anti-démocratiques et xénophobes feront des scores compris entre 20% et 30% dans au moins sept États-Membres.
La montée en puissance des partis anti-démocratiques et xénophobes est une tendance lourde (amorcée en France à l’occasion de l’élection européenne de 1984). Depuis 15 ans, on peut corréler la montée de ces extrêmes au franchissement de nouvelles étapes d’intégration communautaire. Ces partis utilisent systématiquement les élections européennes, ventre-mou de la démocratie en Europe, pour renforcer leur influence politique. Le vieillissement de la population et la récurrence des problématiques migratoires alimenteront naturellement un discours sécuritaire et de repli sur soi.

- Hypothèse N°2 : Le système administratif/politique communautaire ne change pas radicalement.
La machinerie administrative/politique communautaire, comme le cercle des 10 000 (maximum) personnes qui font l’UE aujourd’hui, reste essentiellement stable. Il affronte la nouvelle période post-euro sans avoir réalisé une profonde réforme d’ici 2002. Il ne s’agit pas seulement de réformes politiques (poids de vote...), qui peuvent attendre un peu, puisque l’élargissement est repoussé à plus tard ; mais surtout de réformes de l’appareil administratif. Les défauts actuels du système (opacité, fraudes, gaspillages, corruption, privilèges diplomatiques...) perdurent. La complexité s’accroît (commission, ministères nationaux, régions, agences diverses...). Et, face aux turbulences post-euro, et aux critiques croissantes, le système se durcit, dans l’espoir que cette période difficile passera. Afin d’essayer de maintenir le cap communautaire à tout prix, il se bureaucratise.

- Une constante : les forces anti-démocratiques et xénophobes de l’Europe ont toujours été attirées par le rêve d’unité européenne. La mystique de la Rome impériale.
Un rappel s’impose en effet. Contrairement à ce que l’apparence laisse croire, les partis anti-démocratiques et xénophobes ne sont pas nécessairement anti-européens, ils peuvent même être très pro-européens. En effet, de l’Inquisition à Hitler, en passant par Napoléon ou Staline, les forces qui ont tenté d’unifier l’Europe n’ont jamais mis la démocratie au cœur de leurs valeurs. C’était même souvent l’inverse. Il est donc légitime de constater que  :
. d’une part, dans l’histoire, le rêve d’unité européenne a généralement été conjugué avec des valeurs opposées à celles qui fondent l’actuelle Union européenne
. d’autre part, les mouvements anti-démocratiques et xénophobes, souvent démagogiques et opportunistes, peuvent très facilement se regrouper pour la défense et la promotion d’une Europe unie : une Europe raciale, religieuse, fermée et anti-démocratique (à l’opposée de celles des signataires du traité de Rome).

- Une variable : L’évolution des relations transcontinentales
Dans ce scénario, cette variable sera considérée comme neutre. En réalité, elle peut accroître ou diminuer fortement les risques de crise majeure dans l’UE à l’horizon 2009. Si les relations entre les organisations continentales émergentes (UE, ALENA, MERCOSUR, ASEAN...) se durcissent sous l’effet de crises économiques ou de tensions culturelles, alors le présent scénario verra ses probabilités de réalisation s’accroître. En revanche, la mise en place d’une nouvelle organisation planétaire, appuyée sur des ensembles continentaux engagés dans de vastes collaborations, diminuera considérablement les probabilités de ce scénario.


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