Quelle Europe des projets ?
par Europeus
lundi 27 juin 2005
Le premier ministre britannique joue sur du velours et dispose d’un
vrai boulevard pour prendre ce leadership européen que Maggie Thatcher
n’avait pas réussi à prendre en son temps. Il va prendre la Présidence
de l’Union avec une légitimité démocratique, une crédibilité politique
et l’énorme avantage de savoir où il veut aller...Le plan B, c’est lui.
Blair joue sur du velours, parce qu’il a le temps pour lui et parce que ses diagnostics ne sont pas irréalistes.
Oui, il faut réconcilier la construction européenne avec les citoyens.
Oui, la première Europe sociale, c’est celle qui ne compterait plus 20
millions de chômeurs. Oui, l’échec de la « stratégie de Lisbonne » sur
la compétitivité, l’innovation et la recherche est scandaleux.
Oui, il faut « moderniser » les institutions et le fonctionnement de l’Union qui n’a pas le loisir « d’attendre dix ans ».
Oui, il ne servirait à rien de vouloir sauver, par tranche, par la
bande, en recollant les morceaux, ce que des électeurs n’ont pas voulu
ratifier...
Oui, il ne faut pas que la politique agricole commune soit aussi
dévoreuse du budget européen. Oui, il faut une Europe de la sécurité,
ou de la sûreté.
Les faiblesses de Blair
Le problème, avec Blair, c’est que ce « pro-européen passionné » (comme
il se définit lui-même) représente un pays qui n’a pas adopté l’euro,
qui n’est pas dans Schengen, qui s’est opposé dans le projet
constitutionnel à toute politique fiscale commune et à toute norme
sociale minimale, qui depuis 1950 se fait le porte-parole et
l’incarnation d’une « Europe-espace », « zone de libre-échange ouverte
sur le grand large », qui a toujours joué les freins de « l’intégration
» européenne et a toujours (sauf pendant la brève et illusoire période
de Heath) tenté de saboter (« de l’extérieur » puis de « l’intérieur »,
comme le voyait et le le prévoyait De Gaulle) l’esprit, la méthode et
la finalité communautaires.
Le Non français l’a soulagé : il n’avait accepté le principe même d’une
Constitution européenne que contraint et forcé, par tactique plus que
par conviction, et il savait que sa décision de faire une ratification
par voie référendaire tenait du pari impossible.
Le Non français, surtout, l’a ravi : c’est Paris et non Londres qui joue le rôle du « mauvais » sur le « Vieux continent ».
Que ce Non soit polysémique, recouvre des aspirations antagonistes, soit la somme de visions, d’idées et de volontés opposées ou antagonistes l’arrange encore plus : comment le gouvernement français, si arrogant et incantatoire, en politique « étrangère » pourrait-il afficher une grande crédibilité donc un vrai pouvoir d’influence dans l’Union en représentant un pays où les nationalistes de droite et les internationalistes devenus alter-mondialistes de gauche bloquent tout dessein cohérent ?
Les tares françaises
En matière européenne, la France n’a plus de leçons à donner.
D’ailleurs en quoi peut-elle encore en donner. Son « modèle social » ?
Chômage et déficits. Les impôts ne suffisent pas à payer les intérêts
des dettes...Son dynamisme ? Regardez sa croissance...Heureusement qu’elle
reste (pour combien de temps ?) une puissance ...touristique...Son modèle
républicain ? Un sommet monarchique et une société éclatée. Sa défense
? Aussi « indépendante » que sa « ligne Maginot » était efficace. Sa
recherche ? Ses meilleurs cerveaux partent ailleurs. Sa démocratie ?
Elle est le seul pays, par exemple, à ne pas avoir ratifié la charte
pourtant souple sur « la démocratie locale ».
Le pire est d’ailleurs peut-être encore à venir...si l’Allemagne, bien
malade elle aussi, se détachait de cette solidarité rhénane plus
incantatoire que réelle, ou du moins, dans un état qui ne correspond
pas aux attentes et aux promeses de l’ère Kohl-Mitterrand. La « gamine
», comme on la surnomme toujours affectueusement, qui va sans doute
prendre le pouvoir à Berlin n’a guère la fibre adenauerienne : le seul
fait que le PPE dominé par la CDU au Parlement européen, compte des
conservateurs britanniques apparaît comme un signe avant-coureur. « A
Waterloo, ce sont les renforts prussiens qui ont donné la victoire aux
Anglais », sourit l’éditorialiste du Temps, le quotidien suisse...
Mais on ne se sort pas d’une telle situation en se complaisant dans une
noirceur masochiste. Si l’on veut que Blair n’oublie pas l’esprit même
de l’Union européenne, la France, en dépit de ses faiblesses, doit
faire preuve d’audace et de courage. D’intelligence aussi. Et de
cohérence. En renouant elle-même avec l’esprit et les méthodes des «
pères fondateur »
Pour l’heure, « l’Europe des projets » esquissée par de Villepin sent
la panne d’inspiration. On ressort des dossiers poussiéreux dont
certains (le service civil par exemple), auraient pu être concrétisés
dès les années 70 ou 80...
L’impérative « Europe de la Justice »
Le premier ministre devrait relire le livre qu’il a écrit avec Jorge
Semprun durant la campagne référendaire : il est riche de très bonnes
idées...
Un exemple :l’Europe de la justice, si urgente et si importante. Dans «
L’Homme européen » (éd. Plon) insiste à juste titre sur « la primauté
du droit et sur le corpus juridique sans précédent que l’Europe a su
créer » et sur la nécessité de « trouver des réponses communes « aux
défis du terrorisme » et à tout ce qui atténue les « flambeaux du
droit, de la paix, de la liberté et de la démocratie ». Mais c’est
Blair qui, à sa façon, met en relief, parmi ses priorités, l’urgence d’
affronter « le crime, la sécurité, l’immigration ».
Pourquoi ne pas reprendre ici et maintenant l’idée émise par Chantal
Cutajar et l’association le Droit pour la justice d’Etats généraux sur
l’Europe de la justice et d’une CIG exclusivement consacrée à l’Europe
de la Justice , de la sécurité et de la Liberté ? Cette idée comme la
pétion lancée lors de l’APPEL D’OFFENBOURG restent pleinement
d’actualité petition-europe-justice.com
L’idée d’Etats généraux de l’Union européenne avait été émise bien
avant le referendum du 29 avril. Mais elle a été repoussée par des
porte-parole du Oui en permanence sur la défensive. Qu’elle soit
reprise aujourd’hui, d’une façon sectorielle ou générale, permettrait
ce débat de fond mobilisateur qui s’impose.
Le nerf de la paix :le budget
Ce débat est particulièrement vital en France où la victoire du Non a
d’abord été le paiement politique d’une série de factures provoquées
l’absence d’une véritable politique européenne cohérente française ces
dernières années. La faute n’en incombe pas qu’aux exécutifs. Les prtis
que de Villepin reçoit lundi et mari ont tous leur part de
responsabilité. Seuls le FN et le PC sont cohérents :désolé, vraiment
de devoir en faitre le constat. Le FN est contre l’union européenne :il
veut un retrait pur et simple, de tout, y compris du système de valeurs
qui fonde le Conseil de l’Europe. Le PC, plus ambigû, a un avantage ;il
est le seul parti qui pendantla campagne des dernières européennes
avait mis à son programme une augmentation du budget de l’Union. 3% au
lieu du 1 et quelque pour cent du produit intérieur brut...
Sur ce point, il avait raison. Et ces arguments restent bons. Pour
sortir de l’impasse budgétaire dans laquelle l’union européenne est il
faut augmenter le gâteau au lieu de mesquinement se bagarrer sur son
partage. L’Europe unie dans sa diversité ne peut pas être prise au
sérieux et faire du travail sérieux dans la pingrerie, comme dit
Bourlanges.
Aux Etats-Unis, le budget fédéral « mange « 23% du PIB. C’est ce qui
fait de Washington un vrai centre de décisions et d’impulsions. C’est
ce qui donnent aux américains les moyens de leurs ambitions et les
outils pour s’adapter à ce que Monnet nommait « la nécessité ». Mais
qui dans la conjoncture actuelle voudrait sortir de cette « Europe de
Picsous » ?
C’est pourtant là que doit s’ancrer le débat-clef sur le futur
européen...Pour éviter cette « loi du juste retour » strictement et
mensongèrement comptables, pour sortir des raisonnements suicidaires
sur les « contributions nettes », pour ne pas s’enfermer dans les choix
ridicules entre le financement « des vaches ou des cerveaux », pour
réduire les risques de ratage des derniers élargissement, pour pallier
les insuffisances des plans Eramus ou Socratès, pour aider les pays du
Sud à se développer, pour doter l’Union de vrais pouvoirs d’actions.
Mais ce volet budgétaire-là, ce nerf de la paix, ne figure au programme
ni de Paris ni de Londres. Ce sont deux incohérences qui sont
face-à-face. Ces incohérences que n’avait pas la CECA de Monnet et de
Schuman...
Daniel RIOTest journaliste et vice-président de DpJ, droit pour la Justice