« Guerre et Paix ». Guerre ou paix ? Gučre de paix

par Paul Jael
mardi 23 mai 2023

Guerre chaude en Ukraine, guerre froide en Europe et dans le monde. Comment en est-on arrvé là ? Vers où va-t-on ?

Quand j’étais enfant, ma mère nous répétait « il n’y a pas de bonnes et de mauvaises nations mais de bonnes et de mauvaises gens dans toutes les nations ». Elle avait raison. Ce qui complique les choses, c’est que de « mauvaises personnes » parviennent à occuper le pouvoir dans certaines nations et plus qu’on ne le croit.

Poutine ne fait certainement pas partie des personnes les mieux inspirées sur notre planète. Déjà avant l’invasion de l’Ukraine, on l’avait vu emprisonner et empoisonner des opposants. Appuyé par l’Eglise orthodoxe, on le voyait défendre le patriarcat et pratiquer ouvertement l’homophobie, pendant que la rhétorique nationaliste était clamée au son du clairon. Et maintenant une invasion et des crimes de guerre.

Poutine joue si parfaitement le rôle du méchant que ses ennemis en oublient de faire un peu d’introspection. Face à ce monstre, nous avons tous l’impression d’être des anges. A juste titre ?

Après la chute de l’URSS en 1991, le monde entrait dans une nouvelle phase de son histoire. Plus de pays satellites en Europe orientale, plus d’Union soviétique, une Russie sans son parti unique et démocratisée. Beaucoup voyaient l’ouverture d’une ère de paix faisant suite à la guerre froide.

Le Pacte de Varsovie ayant été dissous, l’OTAN créé en 1949 pour faire face à la menace soviétique, le fut également. Ah, on me fait remarquer que je me trompe. L’OTAN s’est maintenu alors que tout le monde célébrait la nouvelle ère de paix ; il s’est même élargi. Avions-nous peur d’avoir des ennemis ? Qui ? Pour quelle raison ?

Pendant toute la période de la guerre froide (45 ans), l’Europe a été préservée de la guerre (de la guerre en bonne et due forme, car il y eut des interventions militaires pour réprimer des révoltes populaires). La guerre chaude est revenue dès le début de l’après-guerre froide. En Yougoslavie précisément. Et la nouvelle ère de paix alors ? L’histoire aimerait-elle les paradoxes ?

Les Balkans étaient depuis longtemps ce qu’on a qualifié de « poudrière ». Après les guerres mondiales, le régime centralisateur de Tito avait empêché la poudrière d’exploser mais sans résoudre les problèmes qui rendaient la situation explosive. La Yougoslavie était une mosaïque, un ensemble gigogne de nations avec des minorités, des sous-minorités de sous-sous-minorités. Apparemment, les puissances occidentales n’aimaient pas beaucoup l’entité yougoslave. Pleins d’allant, de conviction et de bonne conscience elles appuyèrent les forces centrifuges conduisant au démantèlement de ce pays. Alors que le maintien des frontières existantes est un principe bien établi des relations internationales. Pourquoi ? Parce que la Serbie semblait être la puissance dirigeante de cet ensemble ? A nouveau : pourquoi ? Dans la perception qu’on a d’une guerre, il faut qu’il y ait des bons et des mauvais. Les Serbes endossèrent le statut de « mauvais ». Il est vrai que le comportement de leurs dirigeants inquiétait. Cela explique-t-il tout ? Ou le démantèlement d’une puissance régionale arrangeait-il les gouvernements occidentaux ? Apparemment, les dirigeants de la nouvelle ère de paix entamaient celle-ci pleins d’idées derrière la tête.

2016 : année d’élection présidentielle aux Etats-Unis. Hillary Clinton est quasiment sûre de l’emporter. Mais en fin de campagne, une intervention des Russes sur Internet parvient à la discréditer. Cette intervention fut-elle décisive dans sa défaite face à Trump ? Nous ne le saurons jamais avec certitude mais nous avons de bonnes raisons de le croire. Cette intervention et son succès constituent un retournement de l’histoire sensationnel. En 1996, c’est la Russie qui est en campagne électorale présidentielle. Le président en exercice, Boris Eltsine, se présente pour un deuxième mandat. Ivrogne, en mauvaise santé, affaibli, il est au plus bas dans les sondages ; il va perdre. C’est le mari d’Hillary, Bill, qui est président des Etats-Unis. Celui-ci débloque un budget colossal pour offrir à Boris une campagne à l’américaine et dépêche ses meilleurs spécialistes en propagande électorale. Retournement de situation : Boris est réélu. Bill estimait qu’il lui revenait de choisir le président de la Russie, comme ses prédécesseurs choisissaient les dirigeants des républiques bananières d’Amérique Latine. Plus tard, Boris choisira Vladimir comme premier ministre. On sait ce qu’il advint.

Nous voici aujourd’hui avec une guerre. Trois guerres mêmes. Une chaude et deux froides. Toutes sont déjà assez anciennes, car la « chaude » a eu une phase froide avant de muter.

La guerre chaude intra-ukrainienne est devenue une guerre entre la Russie et l’Ukraine à la suite de l’invasion décidée par Poutine. La responsabilité du dictateur russe est écrasante. Lui la rejette sur l’hostilité de l’Occident à l’égard de la Russie. Cette hostilité existe bel et bien mais elle n’a enfreint aucune règle des relations diplomatiques normales. L’invasion était donc une réponse outrancière. Et les crimes de guerre plus encore. Cette guerre aurait pu être évitée si tout le monde avait été plus intelligent (simple tautologie, dira-t-on), mais Poutine, quoi qu’il dise, n’avait aucune raison valable pour déclencher la guerre.

Il est attristant de constater comme au XXIème siècle, les discours nationalistes et belliciste tiennent le haut du pavé un peu partout. Il règne une ambiance de 1914. Comme je l’expliquais dans mon article du 2 fév 2023 sur Agoravox, le nationalisme est la pensée la plus abjecte que l’esprit humain ait conçue.

Et pourtant, comme à la suite des deux guerres mondiales, il faudra bien qu’il y ait un « après ». Qu’on espère moins noir. Les jalons de cet après doivent être posés dès maintenant. Vers quoi se dirige-t-on ? Beaucoup voudraient écraser et humilier la Russie.

Bien sûr, les criminels de guerre doivent être jugés. Et des réparations être payées. Mais il faudrait que ces « punitions » aient une valeur pédagogique, qu’elles aident à prendre conscience du mal commis. Cela ne se peut que sous certaines conditions. Notamment, il ne peut y avoir de deux poids deux mesures. Ainsi on pourra comparer avec les suites de la Guerre d’Irak (selon une source américaine divulguée par Wikileaks, +/-110.000 Irakiens morts entre 2003 et 2011). Sinon, les dirigeants russes seraient en droit de penser qu’on les punit, non pour les crimes commis, mais pour avoir lutté contre plus forts qu’eux.

Je comprends qu’il faut empêcher la Russie de gagner la guerre. Le crime ne peut pas payer. Cela peut passer par des mesures qui font mal à la population russe. Mais ceci ne peut pas être un but en soi ; plutôt un moyen de rendre cette guerre impopulaire. Cela dit, impopulaire, il est souhaitable qu’elle le soit partout et je n’ai pas l’impression que ce soit le cas, surtout depuis que l’armée russe montre des signes de faiblesse.


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