Les escadrons de la mort en Colombie

par William Kergroach
mardi 6 février 2024

 Depuis 2021, la Colombie est secouée par des manifestations massives contre le gouvernement, auxquelles répond une répression policière brutale. Les Escuadrones Móviles Antidisturbios (ESMAD), des unités de police militarisées, sont l'instrument de cette violence, laissant derrière elles des blessés et des morts.

 La Colombie est plongée dans la tourmente depuis le 28 avril 2021, suite à la Paro Nacional (grève générale) en réponse à des réformes fiscales et d'autres réformes touchant les systèmes de santé et de retraite. Face à ces mesures impopulaires, la population s'est soulevée en organisant des manifestations massives.

 La réponse du gouvernement colombien est brutale. Les ESMAD, les Escuadrones Móviles Antidisturbios, les unités de police militarisées connues pour leur violence excessive, ont carte blanche.

 

 Des milliers de victimes
 

 Les chiffres parlent d'eux-mêmes : au 10 mai 2021, on dénombrait 980 disparitions signalées, 962 arrestations arbitraires, 1443 victimes de violences policières, 111 cas d'usage d'armes à feu contre des civils, 16 cas d'abus sexuels perpétrés par les forces de l'ordre, et malheureusement, 47 décès, dont 37 manifestants tués par la police ou les ESMAD dès le premier jour des mobilisations.

 On relève un total de 63 personnes assassinées lors des manifestations liées à la grève générale : 34 par la police et les ESMAD, 10 par des civils armés et 19 sans responsables identifiés. 67 personnes ont été grièvement blessées, dont 51 par la police et les ESMAD, et 16 par des groupes civils armés.

 

 L'histoire des ESMAD

 

 Les Escuadrones Móviles Antidisturbios ont été créés le 24 février 1999. Initialement, ces escadrons devaient être temporaires, mis en place dans le cadre d'un plan de modernisation de la police nationale. Ils devaient "soutenir les départements et les polices métropolitaines dans la gestion et le contrôle des foules et des spectacles publics".

 Cependant, dès le 14 avril 1999, le directeur général de la police décide de pérenniser ces escadrons mobiles antiémeute, qui deviennent alors l'organe central du maintien de l'ordre dans les principales régions de Colombie.

 Malgré les multiples plaintes des organisations de défense des droits de l'homme, les ESMAD ont continué à sévir, renforçant même leurs effectifs pour atteindre un total de 3 876 policiers en octobre 2019, multipliant par 18 leur effectif initial en vingt ans d'existence. Les ONG et la presse indépendante n'hésitent pas à les surnommer "les escadrons de la mort".

 

 Un passé d'atrocités
 

 Entre 1999 et 2019, les ESMAD ont causé la mort de 18 personnes à Bogotá, dont onze étudiants et un mineur. Les victimes ont souvent été battues à mort ou ont succombé à des armes prétendument "non-létales" telles que les gaz lacrymogènes, les projectiles à billes utilisées pour le maintien de l'ordre, ou d'autres "armes non-conventionnelles" comme des piles, des vis, des billes, ou des liquides explosifs.

 Des atrocités ont également été commises dans les zones rurales du pays. La grève agricole de 2013 a été marquée par des attaques incessantes des ESMAD, qui ont entraîné 660 violations des droits de l'homme individuelles ou collectives, 262 arrestations arbitraires, 485 blessés (dont 21 par balle), 52 cas de harcèlement et de menaces, recensés par plusieurs sources indépendantes.

 Face à cette violence policière, les Colombiens demandent avec force la dissolution immédiate des ESMAD. La Colombie est, en ce moment même, confrontée à une crise majeure, où les manifestations pacifiques sont réprimées dans le sang. 

 


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