Les Frères musulmans au Parlement égyptien

par stephane rossard
mercredi 30 novembre 2005

Les islamistes viennent d’entrer en force au Parlement égyptien. Certes, leur représentation reste modeste, et loin de mettre en péril le parti au pouvoir du président Hosni Moubarak. Cependant, est-ce le prélude à un changement plus important ? Quel scénario pour l’Égypte dans les années à venir ?

L’événement, en dépit de son importance, a fait l’objet d’un traitement minimaliste de la part des médias. Peu de gros titres. Peu d’articles de fond. Pourtant, il est de taille : l’entrée en force des Frères musulmans au Parlement égyptien représente une véritable onde de choc et un signe inquiétant adressé, d’abord, au régime du président égyptien Hosni Moubarak, mais, ne nous y trompons pas, à la communauté internationale aussi.

Au cours des deux premières phases des élections législatives, les Frères musulmans ont remporté 75 des 164 sièges, sur un total de 454 mis en jeu ! Certes, il ne s’agit pas de résultats officiels, qui interviennent tardivement, mais les gains proclamés par les Frères musulmans se sont toujours révélés exacts depuis le début des élections générales, le 9 novembre. Ils quintuplent ainsi déjà leur score, par rapport à l’Assemblée sortante. Ce qui fait d’eux désormais la principale force d’opposition face au parti au pouvoir, le Parti national démocrate (PND).

Jusqu’à présent, l’Egypte était saluée par la communauté internationale pour sa capacité à endiguer la montée en puissance de l’islamisme radical. Mais c’était un trompe-l’œil, comme viennent de le prouver ces élections. En effet, si légalement cette poussée islamiste n’existait pas, ou très peu, réellement, la situation était bien différente. L’islamisme, représenté politiquement par les Frères musulmans, n’a cessé de gagner du terrain au cours des vingt dernières années en Égypte. L’islamisme s’est enraciné dans les quartiers populaires, et a réussi à séduire nombre d’Égyptiens qui ne croient plus aux promesses du président Moubarak. Une tendance tangible, et de long terme. Le pouvoir en place a tout fait pour occulter cette dérangeante réalité, ou au moins pour donner l’impression que l’islamisme politique en Égypte était sous contrôle, qu’il en avait la maîtrise. Or, le pouvoir en place mentait, dans le but de rassurer la société internationale, et en particulier un de ses plus fidèles alliés, les États-Unis, dont on se demande quelle pourrait être la réaction face à un régime islamiste en Égypte.

Certes, les Frères musulmans font tout pour donner d’eux une image moderne, celle d’un parti respectueux des règles démocratiques. Mais, dans le même temps, ils affirment : « L’islam est la solution, le Coran est la constitution, le djihad est notre voie », et revendiquent la prééminence de l’homme sur la femme... autant de raisons d’être inquiets sur le devenir du régime égyptien.

Que se passera-t-il, le jour où Hosni Moubarak disparaîtra de la scène politique du pays ? Quels scénarios envisageables pour l’Égypte ? La poursuite d’une démocratisation, ouvrant la voie à une victoire quasi certaine des Frères musulmans, et peut-être dans son sillage la menace de l’avènement d’un régime islamiste directement inspiré de l’Iran de Khomeyni ? Ou, au contraire, la poursuite d’une transition progressive, sous la pression de la communauté internationale ? Ou, enfin, la continuité, avec la désignation d’un proche de Moubarak, éventuellement de son fils, mais avec le risque d’assister à un embrasement des rues, encouragé par les Frères musulmans qui verraient, à juste titre, dans cette nomination, un coup d’arrêt brutal aux timides réformes engagées au cours des dernières années ? Coup d’arrêt, qui signerait la fin de leur ambition d’accéder au pouvoir ?

L’avenir politique de l’Égypte est ouvert. L’Égypte est un État clé dans cette région si agitée du monde. Le pays mérite donc une attention plus large, à la hauteur des défis qui l’attendent, car, par ricochet, ces défis concernent la communauté internationale.


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