Les vacances scolaires sont-elles trop longues ?

par Sylvain Rakotoarison
samedi 8 juillet 2023

« Nos intermittents du travail vont être très en colère ! » (commentaire provocateur d'un internaute sur "20 Minutes" le 28 juin 2023).

Ce vendredi 7 juillet 2023, c'est le dernier jour de l'école, la fin de l'année scolaire, le début des vacances estivales et le début des départs en vacances, en bref, la galère des bouchons sur les autoroutes de France tous les week-ends. La vie des Français se branche toujours sur le calendrier scolaire, alors, lorsqu'on en parle, cela intéresse forécement tout le monde.

Un marronnier ? Un serpent de mer ? L'Arlésienne de l'Éducation nationale ? Les mots sont nombreux pour décrire un nouveau sujet mis au débat public par le Président de la République Emmanuel Macron lors de son long déplacement à Marseille (venu faire le bilan de deux ans d'aides de l'État). Lors d'une visite dans une école, le 27 juin 2023, le chef de l'État a en effet déclaré que les vacances scolaires semblaient trop longues et renforçaient les inégalités dans les familles entre celles qui peuvent partir et les autres. Le lendemain, au conseil des ministres, le Président de la République a demandé à ses ministres de réfléchir sur le sujet sans fixer de cadre, ni calendrier ni principes.

On pourrait croire, à la manière dont le sujet a été introduit, à la volonté de créer un contre-feu alors qu'ont eu lieu le première nuit d'émeute consécutive à la mort de Nahel. En tout cas, le sujet a été jeté en pâture aux médias et aux professionnels de la vie scolaire sans guide, sans objectif, juste pour le plaisir de débattre voire de polémiquer, mais avec un véritable volonté d'améliorer l'existant.

L'agenda des mômes est ultra-sensible car il impacte toute la nation : les élèves, donc leurs parents, les enseignants et tous les personnels éducatifs évidemment, mais aussi toute l'économie, le tourisme, les transports, circulation sur les routes, transports en communs, etc.

On a vu il y a dix ans, avec François Hollande, à quel point modifier les rythmes scolaires dans la semaine a été d'une grande maladresse, une mission casse-cou : absence de concertation, fatigue des écoliers qui ont besoin d'une pause dans la semaine, sans compter l'explosion des finances des municipalités qui devaient assurer l'animation des enfants les après-midis (avec l'impossible recrutement de personnes forcément peu qualifiées puisque payées très partiellement avec l'incapacité de travailler ailleurs à cause de leur grande indisponibilité horaire). Il s'agissait en effet d'en finir avec la pause du mercredi, faire travailler les écoliers tous les matins de la semaine et proposer des activités d'éveil, de sport, de créativité les après-midis (sur un modèle allemand déjà dépassé). Heureusement, le ministre Jean-Miche Blanquer a supprimé cette aberration issu d'un cerveau dogmatique, celui de Vincent Peillon dans une préparation très théorique.



Emmanuel Macron savait donc, en ouvrant ce nouveau chantier, qu'il marcherait sur des œufs, si bien qu'il n'entend pas aller vite, et les vacances de l'année scolaire prochaine 2023-2024 sont de toute façon déjà fixées. Son argument principal pour réduire la durée des vacances d'été est le suivant, formulé par le porte-parole du gouvernement Olivier Véran le 28 juin 2023 : « Beaucoup trop d'enfants dans notre pays, hélas, ne partent pas en vacances et donc peuvent être assignés à la maison pendant plusieurs mois au cours desquels ils n'apprennent pas (…), ce qui nuit à la consolidation des acquis de l'enseignement. ».

Beaucoup d'autres arguments ont été avancés pour les réduire : l'égalité entre les élèves (certains partent, d'autres pas et traînent dans leur quartier à ne rien faire) ; en augmentant le temps scolaire dans l'année, on peut réduire les cadences infernales dans la semaine ; on optimise aussi le temps d'occupation des locaux (les écoles sont vides pendant deux mois alors qu'elles pourraient accueillir d'autres publics), etc.

Si on ne s'étonne pas de la réaction a priori très hostile des syndicats (entre la défense du statu quo et le regret d'un simple effet d'annonce), évacuons d'abord l'idée préconçue selon laquelle les profs ont trop de vacances. Les enseignants ne sont pas l'essentiel ; l'essentiel, ce sont les écoliers et l'emploi du temps des enseignants s'adapte en conséquence.



De plus, si les enseignants bénéficient effectivement de plus de vacances qu'un salarié ordinaire avec ses cinq semaines de congés payés et quelques jours de RTT et de congés négociés avec leur employeur (tandis que les enseignants ont seize semaines de vacances), il faut rappeler qu'ils sont aussi rémunérés en conséquence : pour le même niveau d'indice etc., un enseignant est payé dix mois répartis sur les douze quand son collègue fonctionnaire d'un autre ministère est payé douze mois.

Du reste, les vacances sont rarement des vacances : pour les "petites" vacances, c'est souvent des paquets de copies à corriger, des cours à préparer, etc. Et en été, c'est aussi des préparations quand ils ont changé de niveaux, voire d'établissement. Et puis, si c'était si sympa et facile d'être prof, pourquoi donc manquerait-il autant de candidats dans les concours de recrutement ? On a vu pendant le premier confinement, au printemps 2020, des parents comprendre enfin le métier de prof, parce qu'ils étaient confrontés à l'apprentissage de leurs propres enfants.



L'idée de créer trois zones n'avait pas d'intérêt pour les enfants. C'était juste un intérêt économique : celui de diluer la circulation et d'augmenter les périodes touristiques.On comprend aussi l'importance des parents : comme ils bénéficient de moins de vacances que leurs enfants, il faut pouvoir les garder d'une manière ou d'une autre. Souvent, c'est le rôle des grands-parents (à condition que ceux-ci ne travaillent plus !), des centres aérés proposés par la commune, de camps de vacances, des tantes ou autres membres de la famille, des amis, des correspondants linguistiques, etc. Certains pourraient donc être favorables à une réduction de leur durée pour de simples commodités d'organisation de la famille.

Mais la question doit avant tout être centrée uniquement autour de l'intérêt des élèves. Et la première des choses à observer depuis quelques années, c'est que les étés sont devenus très chauds et sont peu adaptés à la vie scolaire (à moins d'équipements comme la climatisation, coûteuse en argent et en énergie).

Dans les nombreuses réactions que suscite le sujet, celle d'un internaute le 28 juin 2023 sur le site "20 Minutes" me paraît intéressante car elle pointe du doigt une incohérence : « D'un côté il veut réduire les vacances pour diminuer le temps en journée et de l'autre il nous dit vouloir garder les enfants jusque 18h à l'école... va falloir arrêter de balancer des idées sans la moindre réflexion. ». Le même jour, Emmanuel Macron avait effectivement annoncé que les collèges seraient ouverts de 8 heures à 18 heures pour des temps pédagogiques, renforçant l'égalité entre les élèves.

En proie aux débats passionnés, la France pourrait certainement se couper en deux (de manière très artificielle) entre ceux qui sont pour la conservation du calendrier actuel, considérant qu'une longue coupure est nécessaire pour les enfants, pour qu'ils commencent la nouvelle année scolaire avec un reset dans leur esprit, une remise à zéro et un nouveau départ sur des bases nouvelles, et ceux qui seraient séduits par les propos présidentiels et qui voudraient une France qui travaille... un peu plus !

Je n'ai pas d'avis très prononcé sur la question car mon réflexe serait de refuser tout changement sur cette question très sensible car changer dans ce domaine a plus de probabilité de faire pire que mieux, on l'a vu sur les rythmes scolaires il y a dix ans. Emmanuel Macron n'a peut-être pas perçu l'extrême sensibilité du sujet, qui touche à la vie quotidienne des Français, mais aussi à leurs attentes (certains pensent à leurs vacances dès septembre). Il n'a jamais été maire, ou élu local en général, avec un mandat de proximité qui permet de comprendre la diversité des situations et cette extrême sensibilité.

Comme je l'ai écrit, on marche sur des œufs en abordant ce sujet. Si un changement devait améliorer la situation générale, il devra alors être obtenu par une vraie concertation qui aboutira à un certain consensus. Sans cette condition impérative, tout changement du calendrier scolaire sera voué à l'échec.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu


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