Qui a besoin d’une réforme de l’ONU et pourquoi ?

par Patrice Bravo
vendredi 19 avril 2024

La nécessité de réformer l'ONU et son Conseil de sécurité persiste à l'ordre du jour depuis plusieurs années. De temps en temps, le président des États-Unis Joe Biden soutient personnellement cette idée. 

Son prédécesseur, Donald Trump, a également critiqué l'organisation lors de son premier discours à l'ONU, affirmant qu'elle n'avait pas pleinement réalisé son potentiel "en raison de la bureaucratie et d'une gestion incompétente". D'autres dirigeants du monde en parlent également depuis la fin de la guerre froide, mais la question relative à la réforme de l'ONU n'a jamais été aussi pertinente qu'aujourd'hui. 

Pendant ce temps, le premier adjoint du représentant permanent de la Russie auprès de l'ONU, Dmitri Polianski, souligne que "la réforme pratique est encore très lointaine". Selon lui, de nombreux pays qui poussent à l'élargissement du Conseil de sécurité (comme les États-Unis, par exemple) "évitent les détails, or le diable est justement dans les détails". "Combien y aura-t-il de membres permanents ? Quelles catégories existeront ? L'expansion concernera-t-elle uniquement les membres permanents ou aussi les membres non permanents ? Y aura-t-il des membres permanents ayant le droit de veto, une catégorie intermédiaire de membres non permanents élus pour un mandat plus long ? Et surtout, qui seront ces pays ?", a énuméré le diplomate les principaux points controversés et cruciaux pour la Russie et pour la communauté mondiale. 

Les États-Unis souhaitent promouvoir au Conseil de sécurité, par exemple, l'Allemagne et le Japon. La Russie plaide pour l'inclusion de puissants "États en développement qui représentent le point de vue d'une immense partie de l'humanité, et non de nouveaux pays du camp occidental qui répéteront la même position". 

Près de 80 ans se sont écoulés depuis la création de l'ONU. Le monde a radicalement changé au cours de cette période, tandis que l'organisation elle-même est restée pratiquement la même. De plus, elle s'est transformée en une structure bureaucratique encombrante, une sinécure pour les hauts fonctionnaires qui perçoivent des salaires importants, mais ne montrent pas toujours une haute productivité ou une quelconque utilité pour le monde au sein de l'ONU et de son Conseil de sécurité. 

Cependant, la réforme de l'ONU dans l'ensemble et de son Conseil de sécurité en particulier est une question particulièrement pertinente, grâce aux États-Unis et aux pays occidentaux, non pas à cause de ces problèmes de longue date, mais sous le prétexte du début de l'opération militaire spéciale en Ukraine. À l'automne 2022, lors de la 77e session de l'Assemblée générale de l'ONU, certains dirigeants occidentaux ont utilisé l'appel à la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU comme un prétexte pour proposer d'exclure la Russie ou au moins de limiter son droit de veto. 

Actuellement, presque tous les membres de l'ONU reconnaissent d'une manière ou d'une autre la nécessité de réformes de l'organisation. Cependant, l'aspect technique de la question n'est pas aussi simple que Washington et Bruxelles le souhaiteraient. La raison en est que la procédure de telles réformes n'est tout simplement pas stipulée dans la Charte des Nations unies. Pour les initier, il est nécessaire de modifier la Charte elle-même, et pour la modifier, il est nécessaire que deux tiers des membres de l'Assemblée générale votent pour, après quoi la décision doit être ratifiée par les deux tiers des États membres de l'organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité, qui peuvent opposer leur veto à toute proposition contraire à leurs intérêts. 

Aujourd'hui, l'ONU est l'incarnation institutionnelle de l'aspiration de l'Occident à maintenir un ordre international dans lequel il joue un rôle de premier plan. C'est pourquoi il est crucial pour les États-Unis et l'UE de conserver leur majorité au Conseil de sécurité de l'ONU. En outre, l'ONU reste le dernier "pilier" d'un ordre mondial relativement stable et assure en même temps la participation formelle de presque tous les pays du monde à la discussion de l'agenda mondial.

Alexandre Lemoine

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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=5856


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