La Science ne comprend pas la matière décrite par la mécanique quantique

par Bernard Dugué
lundi 7 juin 2021

 

 

1) La science est faite d’expériences réalisée en laboratoire ou en extérieur. Ces expériences sont matérielles, elles produisent une série d’observations, autrement dit une longue série de cartes, plutôt numériques en physique, plutôt formelles en biologie, qu’il faut ensuite interpréter. Les scientifiques jouent avec la Nature et cherchent les règles du jeu. Mais de quel jeu s’agit-il ? Est-ce le jeu de la Nature, indépendant du système d’observation, autrement dit une configuration moderne dans laquelle le sujet observant s’est rétracté et se situe en position d’observateur neutre ? Ou bien un jeu plus complexe dans lequel le dispositif techno-scientifique intervient en tant que partie prenante de l’expérience ? Longtemps, la physique moderne a cru à l’indépendance de la nature observée. Lorsque la mécanique quantique fut élaborée dans les années 1920, cette indépendance s’est effondrée et ce fut un choc épistémologique pour les physiciens. Un second choc se produisit lorsque les physiciens durent abandonner la règle canonique du déterminisme gouvernant la mécanique classique. Il est en effet impossible de prédire le résultat d’une expérience. Une mesure quantique a un caractère indéterministe et mieux encore, probabiliste. Cette seconde définition est plus claire, elle précise que la probabilité pX d’obtenir une observation X peut être calculée. Une mesure quantique est alors à l’image d’un lancer de dés, sauf que le nombre de faces dépend de l’expérience et que les probabilités ne sont pas égales, même si parfois elles le sont. Ce qui est le cas pour la mesure d’un spin électronique qui se résume au lancer d’une pièce de monnaie dont une face est affecté du signe plus et l’autre du signe moins ; +/- ½.

 

 2) Personne ne comprend la mécanique quantique. Cette sentence fut prononcée maintes fois par Feynman, l’une des grandes figures de la physique contemporaine, inventeur des diagrammes portant son nom, brillant théoricien à qui l’on doit les méthodes de renormalisation utilisées en électrodynamique quantique. J’ai lu quelques ouvrages de ce physicien. Une impression contrastée se dégage après la lecture de La nature de la physique, trop dilué et par assez percutant à mon goût. Les ouvrages d’Einstein Bohr et Heisenberg sont plus édifiants. Hormis le caractère génial de ces physiciens, l’époque explique sans doute pourquoi ces livres sont plus éclairants. Ces grands savants ont été imprégnés de physique classique lors de leur cursus universitaire et ont pu alors saisir le contraste engendré par cette nouvelle physique dont certaines règles étaient inédites et impossible à expliciter dans un cadre classique, comme le principe de superposition (dont découle la légende du chat de Schrödinger). En revanche, la conservation de l’énergie et de l’impulsion n’ont pas été transgressées. Feynman, né en 1918, fut baigné par la mécanique quantique pendant ses études. Il est arrivé après la bataille épistémologique des années 20 et 30. Son cours de mécanique quantique est très complet mais il n’a pas l’élégance et la clarté du premier traité de physique quantique publié, celui de Dirac en 1930.

 Une chose est certaine, les physiciens savent utiliser les outils expérimentaux et mathématiques de la physique quantique. Leur science est un jeu fort subtil dont ils connaissent les règles. Ils jouent avec les éléments les plus infimes de la matière. En « cassant » les particules dans les accélérateurs, les physiciens ont découverts de nouvelles cartes pour jouer. Ils ont réussi à en classer quelque unes, en octuplet, en décuplet, puis les quarks furent inventés. Pour finir dans le modèle standard, l’un des édifices les plus majestueux de la science contemporaine, mais aussi l’un des plus énigmatiques. Si la mécanique quantique est incompréhensible, le modèle standard n’a pas arrangé les choses et c’est même l’inverse. Plus nous jouons avec la matière quantique, plus elle nous échappe.

 Les années 1970 ont vu s’intensifier la diffusion d’ouvrages savants à destination d’un public élargi mais néanmoins d’un niveau scientifique très élevés. A cette époque, les particules avaient la cote, ainsi que les spéculations plus ou moins ésotériques, tentant de faire des ponts entre le monde quantique et les métaphysiques orientalistes. Capra, Bohm et d’autres ont signé de remarquables études. Depuis deux décennies, le contenu des ouvrages consacré à la physique quantique a fini par baisser et converger vers un exposé de choses admises et convenues, signe s’il en est d’une époque indécise. Le chat de Schrödinger est devenu une légende incontournable.

 

 3) Les sciences physiques ont été bouleversées après la mécanique quantique, offrant un nouveau regard sur la matière. Les lois déterministes de la physique classique ont été supplantées par des règles du jeu en mécanique quantique. L’univers professionnel des scientifiques ressemble à un cercle de jeu réservé aux spécialistes, aux experts sachant manipuler les outils technologiques et les objets mathématiques. Dire que personne ne comprend la mécanique quantique est trompeur. Les physiciens comprennent parfaitement comment les appareils fonctionnent et savent jouer avec les règles mathématiques. En revanche, la signification du comportement quantique de la matière reste sans réponse, sauf les quelques percées tentées par des épistémologues audacieux. 

 

Qu’est-ce que le spin ?

Que signifie la superposition d’états décrite dans la fonction d’onde ?

Pourquoi l’antimatière ?

Pourquoi trois forces fondamentales ?

Quelle est la signification de la constante hyperfine = 1/137 ?

Pourquoi les nucléons et les électrons ont-ils une masse ?

Quelle est la signification de l’intrication ?

Pourquoi les règles de la matière quantique disparaissent dans notre monde classique ?

 

 Ces questions ont une réponse mais il faut regarder les « choses quantiques » en face. Les physiciens sont la plupart bloqués par l’objectivisme et ne parviennent pas à comprendre que la matière quantique dévoilée par la science est une réalité à double face. Pour le dire ouvertement, la matière possède une face cachée qui se manifeste par intermittence et avec des règles précises. Un peu à la manière d’un joueur de carte qui abat quelques cartes tout en conservant sous la main l’intégralité de son jeu. Cette face cachée fut pressentie avec une grande lucidité par le physicien David Bohm, classé comme réaliste et inventeur d’une variante de la mécanique quantique élaborée en suivant la thèse de la double solution imaginée par Louis de Broglie. Bohm parlait d’un ordre implié et donc d’un monde matériel caché, invisible.

 

 4) Les Galilée du XXIe siècle sont attendus pour une explication de la matière quantique. Rappelons qu’il y a quatre siècles, Galilée énonçait le caractère atomiste de la matière et que cette proposition ne fut guère appréciée des théologiens qui y virent à juste raison une menace pour le dogme de l’eucharistie. Ce que nous enseigne la mécanique quantique, c’est que les atomes ne sont pas des objets matériels mais tout autre chose. On peut s’interroger sur une sorte de censure épistémologique héritée d’Auguste Comte, interdisant de sonder la métaphysique quantique car c’est bien une métaphysique (être, essence, existence) qui se révèle avec la physique contemporaine.

 

Cette autre chose, j’ai commencé à en parler dans deux ouvrages concernant l’univers des communications. La matière quantique communique et possède deux faces. Pour en savoir plus, vous pouvez jeter un œil sur mes recherches. Ne cherchez pas le chat de Schrödinger, il n’y est pas.

 

 

Mes deux ouvrages

 

L’information et la scène du monde, Iste éditions, 2017

https://iste-editions.fr/products/linformation-et-la-scene-du-monde

 

Temps, émergences et communications, Iste éditions, 2017

https://iste-editions.fr/products/temps-emergences-et-communications

 

Sommaires

 

https://www.istegroup.com/wp-content/uploads/2017/07/242_L%E2%80%99information_et_la_sc%C3%A8ne_du_monde_tdm.pdf

 

https://www.istegroup.com/wp-content/uploads/2018/03/349_Temps-%C3%A9mergences-et-communications_TDM.pdf

 

 

Traduction anglaise

 

http://www.iste.co.uk/book.php?id=1199

 

http://www.iste.co.uk/book.php?id=1332

 

 

Dirac, principes de la mécanique quantique

 

https://www.equipes.lps.u-psud.fr/Montambaux/histoire-physique/Dirac-Principles%20of%20Quantum%20Mechanics%20.pdf

 


Lire l'article complet, et les commentaires