À la recherche de la tétine

par C’est Nabum
samedi 25 février 2023

Scène ordinaire de la vie quotidienne

N'avez-vous pas aperçu la tétine, la tétine de la petite fille ? Je cherche après elle et ne la trouve pas tandis que la pauvrette la réclame à corps et à cri. Le drame n'est pas loin, la maisonnée se met en branle qui à quatre pattes ou d'autres dans tous les recoins, rabicoins et cachettes de la place.

La tension monte, la tétine demeure invisible. Chacun de fouiller des endroits improbables, pensant sans doute que la diablesse y soit passée sans qu'on ne la vît. Pendant ce temps la jeune demoiselle, imperturbable, observe l'agitation générale, assise tranquillement avec son doudou qui lui, a la sagesse de ne pas se tracasser.

La maison a été passée au peigne fin, sans succès. Il y a forcément une explication plausible à cette disparition ennuyeuse. Faudra-t-il en appeler aux fins limiers de la police nationale ? L'affaire il est vrai est de toute première importance, elle risque fort, d'ici quelque temps de provoquer de graves remous à l'ordre public.

N'exagérons pas, gardons notre calme avant que ne survienne la tempête : des cris, des pleurs, des plaintes incessantes, des jérémiades ou autres manifestations de nature à briser la sérénité de l'endroit. Une analyse méthodique s'impose, des différentes pérégrinations domestiques de la jeune fille.

Il est d'ailleurs assez simple de suivre à la trace ses différents déplacements. Le désordre ambiant en est un témoin privilégié. Il complique singulièrement la tâche des enquêteurs car règne ici un joli capharnaüm constitué d’éléments aussi épars que multicolores et de formes hétéroclites. Il convient de trier le bon grain de l'ivraie en espérant y découvrir subrepticement, insidieusement, inopinément la disparue.

Ce n'est certes pas la bonne stratégie. Dans pareil cas, l'inadvertance est préférable au méthodique. Il faut renoncer un temps à la fouille, se focaliser sur autre chose si la propriétaire de l'objet perdu accepte un détournement d'attention. Un peu de musique, une petite friandise permettent un temps de souffler un peu tandis que chacun s'affaire à faire semblant de ne plus rechercher ce trésor égaré.

Le calme ne dure guère longtemps. Les subterfuges sont toujours de courte durée dans pareil cas. L'obsédante quémande revient au premier plan et chacun de se remettre en quête du saint Graal en matière plastique qui a reçu la salive de la déesse. Nous cherchons après Tétine et ne la trouvons toujours pas.

L'objet de transition n'est fort heureusement pas unique. Il convient d'aller quérir une copie presque conforme en espérant qu'elle obtiendra l'agrément d'une Princesse au bord de la crise de nerf. La proposition lui est faite, elle ne semble pas obtenir son assentiment. Que diable reproche-t-elle à cette autre qui la distingue de celle qui a sa préférence ?

Il n'est pas temps de s'interroger sur les infimes variations de ce vulgaire objet technologique qui prend ici une valeur disproportionnée. La maison est en état de siège, les habitants au bord de l’apoplexie. Il n'est pas évènement plus capital pour l'heure, en dépit pourtant des innombrables turpitudes de l'actualité, que la recherche de cette maudite tétine.

À bout de patience, les naufragés de la garde d'enfant se tournent vers la prière, l'invocation mystique, la superstition. Chacun y va de sa formule, de son rituel quand surgit de sa cuisine, le marmiton qui a échappé à la fièvre tétinesque. Il se penche, ramasse l'objet du délire au pied d'un meuble. Soudain un ange passe, preuve sans doute de l'existence d'un dieu de l'enfance. La jeune princesse retrouve son calme et ce petit minois qui fait craquer sa parentèle.


Lire l'article complet, et les commentaires