A priori…

par C’est Nabum
jeudi 16 mars 2023

 

Avant le pilori !

 

Alors que les dés vont être jetés sur un tapis de braises, que l'heure de la sentence approche, un député dépité proclame qu'à priori, dans l'état actuel et en ce qui le concerne, son vote ne risque de n'être pas favorable à moins que des inflexions ultimes ne viennent infléchir sa posture. Le retrait dans la retraite, le pas de côté au milieu de la marche forcée, l'esquive ou la feinte de corps constitué ; je ne sais comment qualifier la chose ?

Il est bon au préalable de se pencher sur cette locution adverbiale qui laisse planer le doute, assure un peu de suspens tout en laissant une marge de manœuvre qui exonère de parler franchement. La langue des jocrisses aime cette expression qui met en suspens la décision finale que l'on jugera à posteriori, en la se mettant là où l'y invite cette autre formule.

En partant ce qui est avant tout en oubliant de se retourner, sans faire preuve d'expérience et d'une réflexion étayée par une analyse poussée du dossier, notre héros entend avancer à priori en se fondant sur son avis intime loin de la conviction de son clan. Un vote donc, sans le moindre examen approfondi, en béotien patenté ou en naïf facétieux, notre ami après des centaines d'heures de débat ne dispose pas encore d'une réflexion éclairée sur un sujet qui déchire le pays ; c'est du moins ce que laisse entendre cette formule à l'emporte-pièce.

Avertissons-le, en préambule à cette satyre, qu'établir son choix à posteriori, serait mettre la charrue devant les bœufs tout en s'y prenant bien trop tard pour établir une opinion, un choix et en définitive un vote. L'éventuel choix qu'il entend nous donner à croire le prédispose au pilori parce qu'il s'opposerait ainsi à cette loi qui fera date dans le second quinquennat. Dans sa famille politique, aller à rebours vous conduit tout droit à l'opprobre, au risque de se voir couper les bourses et les promesses d'un strapontin ministériel.`

Sa déclaration revient à affirmer de manière gratuite certes mais pas sans panache, qu'après tout ce brouhaha honteux, il ne sait pas encore, ou du moins il émet des doutes, affirme des incertitudes, exprime des réserves qui ne sont pas parlementaires, louvoie et godille, allant d'un pied sur l'autre pour faire une forme de danse de Saint Guy du député qui ignore encore s'il va franchir le Rubicon en piétinant le peuple.

Chez nous, on dépeint cette incertitude chronique par l'expression berrichonne : « Il se berdille ». Voilà bien ce que son À PRIORI exprime à l'heure de couper l'herbe sous le pied d'un peuple méprisé par des élites qui se font sourdes à ses plaintes alors que ses élus ont justement mission de le représenter. Est-ce les remords d'avoir participé jusqu'alors à cette farce qui pousse notre homme à bégayer au moment d'envoyer les citoyens au chagrin deux années de plus ? On peut le supposer tant ce monsieur fut jadis un brave homme avant que de tomber dans un amphithéâtre de toutes les trahisons des idéaux.

Mais alors, pourquoi user d'une formule qui laisse la place au retournement, au revirement, à la possibilité de tourner casaque à l'ultime instant et de trahir une fois encore ce qu'il croyait avant que d'entrer dans la carrière. Qui a des valeurs, qui a des certitudes, qui a du courage s'exprime ouvertement et déclare sans ambages ce qu'il entend faire à moins que sous des dehors de Démocratie, ce système tenant bien plus du régime autoritaire où le vote des parlementaires n'est pas libre, il subit des pressions odieuses et des menaces pour infléchir son vote.

Poussant plus loin les acceptions de cette locution, je découvre qu'elle fleure souvent la dimension péjorative quand l'affirmation se fait gratuite, sans preuve et de manière parfaitement arbitraire. Je n'en serai pas autrement surpris tant mon antiparlementarisme ouvre la porte à toutes les roueries, les fourberies, les entourloupes chez ceux qui font métier de la soumission à une ligne de partie. À priori, je lui accorde le bénéfice du doute, quoique je doute qu'il ait le moindre bénéfice à voter en conscience dans un système totalement dénué de cette qualité rare.

À contre-temps


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