Le déplacement d’un concept

par C’est Nabum
mardi 6 juin 2023

 

La mobilité

 

Une époque résolument moderne change de concept comme de devise. Les mots se promènent au gré des fantaisies des faiseurs de miracle. Ils vont et viennent, changent d'acceptation ou bien de désignation pourvu qu'ils soient passés entre les mains des gens d'influence. Il suffit de peu du reste pour qu'un terme chasse l'autre, que cet autre tombe en rade et qu'un nouveau surgisse dans des bouches qui se complaisent à répéter les mêmes fadaises.

Le langage est devenu un vaste jeu de construction dans lequel s'empilent les truismes, les contre-sens, les inepties pour cesser d'appeler un chat un chat afin de le désigner autrement. Le mouvement seul est garant de modernité au risque de prendre des termes boiteux pour désigner ce qui jusqu'alors se concevait merveilleusement bien.

Des officines travaillent d'arrache langue pour prendre à contre-pied les expressions anciennes, les formules d'autrefois qu'il convient de rouler dans la farine avant que de les envoyer au royaume des mots obsolètes, désuets, ringards, archaïques au cas improbable qu'il y ait encore des locuteurs pour user de ce vocable.

Le déplacement a fait son temps. Après être passé de la lenteur du pas de l'humain à la célérité de la lumière, le voilà condamné à l'immobilisme, refusant de s'adapter aux exigences de son temps. Il manque de souffle et d'énergie, demeure trop soucieux de se mouvoir dans un cadre fonctionnel. Dépourvu de fantaisie, il a dû s'incliner, laisser la route libre à plus astucieux que lui.

Le transport a été jugé trop commun d'autant que son port avait de quoi offenser certains. Il ne pouvait plus couler des jours heureux, cessant d'être sur de bons rails. Il supposait trop de rigidité dans son expression tout en se gonflant d'une emphase qui supposait du fret. Il eut son heure de gloire avec un ministère qui depuis belle lurette, a mis la flèche sur le côté.

Non décidément, rien ne vaut la mobilité. Elle fleure bon les parfums des champs, se pare d'un air de liberté, se distingue par les mille et une manières de se mouvoir à son bon vouloir. La mobilité qui se respecte sera douce sans que nul ne vienne nous préciser que ce serait une mobilité dure, rêche ou bien rude. Les meilleurs concepts doivent rester flous pour avoir une chance de prendre le bon wagon.

La mobilité qui se respecte sera alternative sur courant continu, histoire de recharger ses batteries le nez au vent. Les faiseurs de miracle en connaissent un rayon, il suffit de pondre une pensée pour qu'elle devienne une évidence, en dépit des contraintes, des absurdités et des obstacles qui se trouvent sur sa route.

Soyons donc tous doucereusement mobiles et si possible avec un mobile fiché sur l'oreille afin que les pouvoirs publics contrôlent en permanence nos déplacements. Curieusement demeurent les frais de déplacement alors que leurs homologues de mobilité n'ont pas encore vu le jour. Question de patience sans doute à moins que pour cette notion dépassée, l'usager soit bientôt de la revue.

Le mobile du futur crime environnemental est tout trouvé. Il a son double sens, son alter et go sans se soucier des conséquences pour les terres rares et les esclaves qui eux, sont enchaînés à leurs mines infernales. Ne déplaçons pas le problème je vous en prie, les effets collatéraux ne sont en rien de la responsabilité des créateurs d'illusion. Tant que la mobilité a le vent en poupe, les marchands de tout et surtout de n'importe quoi remplissent leurs comptes courants.

La mobilité sans mobile apparent devient le plus bel exemple des déplacements de sens. Pourquoi ne pas redonner place au transport amoureux, le seul qui ne requiert pas la moindre énergie fossile ? Quoiqu'à bien y songer, tout est désormais possible.

À contre-sens


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