L’avenir de l’homme
par olivier cabanel
lundi 2 décembre 2024
S’il faut en croire Aragon, la Femme est l’avenir de l’homme…
la célébrité qui est tombée sur Vincent Van Gogh en est la parfaite, et mal connue, confirmation…
Elle s’appelle Johanna Bonger, surnommée Jo, et il y a fort à parier qu’ils sont des millions à ignorer son existence, alors que, sans elle, personne n’aurait peut-être jamais entendu parler de Van Gogh…
En effet, Johanna Bonger avait épousé Théo, le frère de Vincent Van Gogh, et le travail de ce génie de la peinture l’avait tant impressionné que, dès le début, elle a tout fait pour le révéler au monde entier…
On aurait pu croire que son Théo de mari, frère de l’artiste, mais surtout marchand de tableaux, avait décidé ce sacerdoce, mais bien que celui-ci avait une profession capable de rendre célèbre son propre frère, c’est en réalité Johanna, la belle sœur de celui-ci, qui avait endossé cette responsabilité, d’autant plus étonnant qu’elle n’a vu son beau frère que 3 fois avant qu’il ne se suicide, et que son mariage n’a duré que 2 ans.
Elle a en sa possession près des centaines de lettres que Vincent et Théo se sont envoyés, et elle décide de les classer, car dans ses lettres, Vincent décrit son processus créatif. lien
L’artiste en a écrit à son frère plus de 650, et elles ont fait l’objet d’une publication chez Gallimard, la première étant datée d’août 1872, date à laquelle il ne sait pas encore qu’il va devenir le peintre que l’on sait... il a 19 ans... la dernière lettre, inachevée, a été trouvée par Théo, dans la poche de son frère lequel vient de se suicider, le 27 juillet 1890, il a 37 ans. lien
Johanna rencontre Yan Veth, un critique qui, au départ, jugeait l’œuvre de l’artiste « vulgaire », et après avoir découvert ces lettres, Veth va changer d’avis...et c’est avec son soutien qu’en 1892, elle organisera la première exposition solo du grand peintre, à Amsterdam.
Comme elle s’exprime autant en allemand, anglais, elle commence à correspondre avec des patrons de musées, de galeries...et en 1901, elle se remarie avec Johan Cohen Gosschalk, peintre lui aussi, tout en adhérant à une association féministe, ainsi qu’au PTN (Parti Travailliste Néerlandais).
4 ans après, en été, elle organise à Amsterdam, au Musée Stedelijk, la première rétrospective de l’œuvre de son ex-beau frère avec ce qui reste encore aujourd’hui la plus grande exposition des œuvres de Van Gogh, en y présentant plus de 500 tableaux.
C’est elle qui loue la salle, et son fils qui va rédiger les invitations : les critiques vont s’y presser, venant de toute l’Europe : les prix de vente des tableaux vont s’envoler...mais on est encore très loin de la cote actuelle des œuvres de Vincent Van Gogh.
Rappelons que son premier tableau, « la vigne rouge », peint en 1888, s’est vendu pour la somme modique de 400 francs français de l’époque. lien
Rappelons aussi que les « Iris », réalisés par le Maître en 1889 a été vendu 53,9 millions de dollars, le 11 novembre 1987, ce qui en fait le tableau le plus cher du monde. lie
Puis en 1913, c’est à New-York que ces tableaux seront exposés, alors que Johanna vient de perdre son deuxième mari.
Elle va passer 3 ans aux USA, en compagnie de son fils, période pendant laquelle, elle va employer son temps à traduire toute la correspondance des frères Van Gogh, mais avant de quitter l’Europe, elle décida de les réunir dans le même cimetière, a Auvers sur Oise.
Atteinte de Parkinson, elle retournera à Amsterdam, pour y finir ses jours... elle a alors 63 ans.
À ce moment elle possède encore 220 toiles de Van Gogh, qu’elle a légué à son fils, appelé logiquement Vincent, collection qui appartient aujourd’hui à la Fondation Van Gogh, et qui y est exposée depuis 1973.
En quelques années, elle aura vendu plus de 200 œuvres du grand artiste, en gardant tout de même celles pour lesquelles elle était la plus attachée, dont 5 toiles des fameux tournesols, même si peu de temps avant de nous quitter, elle en vendra une à la National Gallery de Londres ...en déclarant « c’est un déchirement, mais c’est pour la gloire de Vincent ».
Sur ce lien, on peut découvrir plus de 1000 œuvres numérisées en haute définition… et sur cet autre lien, offrez vous une visite à la National Gallery de Londres.
Encore plus étonnant, il y a 3 ans, un nouveau tableau du Maître a été découvert, et vendu aux enchères... « le jeune homme aux bleuets ». Il s’est vendu plus de 46 millions d’USD. lien
C’est tout de même extraordinaire de penser que sans l’acharnement de cette femme volontaire, on n’aurait peut être jamais entendu parler de ce génie de la peinture. lien
Hélas, elle n’est pas la seule de ces femmes qui « ont fait des hommes », et qui sont toujours restées dans leur ombre…
Quid de Consuelo de Saint Exupéry, inconnue de tous, de Bertrade de Laon, qui fit un Roi de France, en l’occurrence Pépin le Bref, de Marguerite de Provence, et de son Saint Louis, de Thiphaine du Guesclin, la fée de Bertrand, de Mercedes Barcha Pardo, l’ombre de Gabriel Garcia Marquez ?...lien
Et de sûrement beaucoup d’autres, inconnues du grand public…
connaissez vous Emma Darwin, l’épouse de Charles, qui a corrigé les épreuves du célèbre « l’Origine des espèces », qu’elle jugeait imbuvable ?… : à la question : « vous étiez donc au courant de son travail », elle répondait tout de go : « mais voyons, je relisais tout ! Tout ! Rien ne sortait de la maison qui n’ait été relu par moi... enfin, il me le demandait ! ». lien
Dans le domaine du sport, pourquoi ne pas évoquer la groom Fanny Delaval, Marie Pierre Le Blanc...lien
Qui a entendu parler de jiang Qing, l’actrice à l’ombre de Mao ? Lee Krasner, l’abstraction de Pollock, citées par Patricia Chaira et Dorothée Lépine dans « les oubliées de l’Histoire » paru chez Acropole. lien
Impossible aussi de faire l’impasse sur la comtesse Dash d’Alexandre Dumas, la Claire de Duras de Chateaubriand, Louise Colet, rabaissée par Flaubert et ses flaubertistes, Catherine Pozzi, la muse trahie de Paul Valéry...lien
D’autres portent des noms célèbres...
Citons en vrac Milena Einstein, première femme d’Albert, Jacqueline Pascal, la sœur de Blaise, dont Christine Orban, auteure de « Soumise » qui dit de son père : « il a failli exagérer davantage l’éducation de Jacqueline tellement elle était incroyable ». lien
En bref, c’est quasi mission impossible de citer toutes celles qui, aujourd’hui encore restent inconnues, et qui pourtant ont eu une importance indéniable dans le succès de leur homme, car comme dit mon vieil ami africain : « la femme est la ceinture qui tient le pantalon de l’homme ».
la photo illustrant l’article vient de velds.com
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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