En Russie, la liberté de culte piétinée : le cas des Témoins de Jéhovah
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
mardi 12 novembre 2024
Depuis 2017, la situation des Témoins de Jéhovah en Russie a pris un tournant dramatique. Considérés comme une organisation extrémiste par les autorités russes, ils font face à une répression systématique qui soulève de nombreuses inquiétudes légitimes tant sur le plan des droits de l'homme que sur celui de la liberté religieuse.
Une interdiction fondée sur des accusations d'extrémisme
L'interdiction, en Russie, des Témoins de Jéhovah, mouvement religieux fondé au XIXe siècle aux États-Unis qui considère prêcher le christianisme des origines, repose sur des accusations d'extrémisme, une notion juridique très floue qui permet aux autorités de cibler des groupes religieux jugés non conformes à la vision orthodoxe de l'État.
En avril 2017, la Cour suprême de Russie déclaré l'organisation "extrémiste", entraînant la fermeture de tous ses lieux de culte et la confiscation de ses biens. Cette décision, confirmée le 17 juillet 2024 et devenue définitive, a été justifiée par des allégations selon lesquelles les Témoins de Jéhovah inciteraient à la haine religieuse et à la division sociale.
Néanmoins, ces accusations, dont le caractère fantaisiste n’aura échappé à personne, sont contestées par des experts en droits de l'homme et des observateurs internationaux. Les Témoins de Jéhovah prônent des valeurs de paix et de respect des lois, et leur doctrine interdit strictement la violence sous toutes ses formes. Dans les pays où le service militaire est obligatoire, comme c'est le cas en Russie, ils refusent catégoriquement de l'effectuer et deviennent ainsi des "objecteurs de conscience", même s'ils risquent une lourde peine d'emprisonnement.
De plus, des rapports d'ONG comme Human Rights Watch et Amnesty International soulignent que la répression des Témoins de Jéhovah s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large de restriction des libertés religieuses en Russie, où d'autres groupes minoritaires sont également ciblés et menacés.
Les conséquences sur les membres de la communauté
La répression des Témoins de Jéhovah a des conséquences dévastatrices pour les membres de la communauté. Depuis l'interdiction, des centaines de Témoins de Jéhovah ont été arrêtés, et beaucoup ont été condamnés à des peines de prison pour des activités considérées comme "extrémistes", au même titre que les islamistes radicaux ou les néo-nazis. Les témoignages de membres de la communauté révèlent un climat de peur et de méfiance, où les croyants doivent se cacher pour pratiquer leur foi, comme aux premiers temps du christianisme.
Les familles entières sont souvent déchirées par la répression, certains membres étant torturés et emprisonnés tandis que d'autres vivent dans la clandestinité. Les enfants de Témoins de Jéhovah sont également touchés, car ils sont victimes de discrimination à l'école et dans d'autres situations de la vie quotidienne. Cette situation crée un environnement où la foi, qui devrait être une source de réconfort et de communauté, devient une source intense de stress et d'angoisse.
La liberté religieuse bafouée en Russie
L'interdiction des Témoins de Jéhovah s'inscrit dans un contexte plus large de restrictions sur la liberté religieuse en Russie. Depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, le gouvernement a renforcé son contrôle sur les organisations religieuses, favorisant l'Église orthodoxe russe et l’islam au détriment des autres confessions. Cette politique de favoritisme a conduit à une marginalisation des groupes religieux minoritaires, qui sont souvent perçus comme une menace pour l'homogénéité culturelle et religieuse du pays.
Les lois sur la "lutte contre l'extrémisme" sont souvent utilisées pour justifier la répression des groupes religieux. Ces lois, qui manquent de clarté et de précision, permettent aux autorités de cibler des organisations sur la base de critères subjectifs. Des groupes comme les Témoins de Jéhovah, 170 000 adeptes en 2017 dans toute la Russie, mais aussi d'autres minorités religieuses, se retrouvent sous surveillance constante et menacés de poursuites judiciaires.
La réaction internationale face à la répression
La communauté internationale a largement condamné la répression des Témoins de Jéhovah en Russie. Des pays occidentaux, des organisations non gouvernementales et des défenseurs des droits de l'homme ont exprimé leur préoccupation face à la situation des droits de l'homme en Russie, en appelant le gouvernement à respecter la liberté de religion et à mettre fin aux persécutions. Des résolutions ont été adoptées par des instances internationales, telles que le Parlement européen, pour dénoncer ces violations.
Bien entendu, la réaction du gouvernement russe à ces critiques a été de les rejeter, affirmant que les accusations de violations des droits de l'homme sont souvent motivées par des intérêts politiques de l'Occident. Cette attitude montre que la répression des Témoins de Jéhovah et d'autres groupes religieux minoritaires est peu susceptible de diminuer tant que le régime en place continuera à percevoir ces communautés comme une menace, bien souvent supposée, pour son autorité.