La marquise et le loup garou
par C’est Nabum
samedi 28 septembre 2024
Au pays des légendes
Il advint qu'une marquise qui n'avait de cesse d'aller par les chemins en carrosse ou bien en bateau, aimât poser ses bagages dans un charmant petit château entre Berry et Loire. Elle aimait tout particulièrement danser avec les paysans, les gens de peu dont elle trouvait la compagnie plus agréable que celle de certains nobliaux prétentieux. Elle adorait tout autant ce lieu de villégiature avec son parc magnifique baigné de part et d'autre par la charmante rivière Notr'Heure et son pertuis pour alimenter le moulin.
Ce soir-là, le bal battait son plein au son des ménétriers et des joueurs de musette. Les danses du Berry enchantaient la dame qui se délectait de tant de simplicité, de bonhommie et d'une joie de vivre non feinte, sans grimaces ni simagrées. Elle aimait tant à se retrouver ainsi loin des convenances du grand monde.
Nous étions à la nuit de la Samain, celle que le culte catholique place sous l'égide de tous les saints. En Berry c'était l'occasion de réveiller les vieilles croyances, toujours vivaces, d'évoquer les sorcières qu'on nomme ici « Birettes » et de suggérer à voix basse qu'à la nuit venue, il y aura grand Sabbat dans le Parc du Château.
La marquise goûtait fort les légendes de ce pays, accordant foi à la puissance guérisseuse des Marcous, aux évocations des fantômes tout autant qu'aux jeteux d'sorts. Des superstitions paysannes qu'elle examinait avec bienveillance, elle repoussait dédaigneusement leur crainte viscérale du loup. Il faut avouer que la dame ne sortait jamais dans les bois sans l'escorte de quelques valets équipés de fusils.
C’est le cœur en joie et sans crainte que notre marquise se mêla aux danses populaires devant le château. Elle avait demandé pour l'occasion à son amie la comtesse de Sanzei d'organiser une grande grillée de châtaignes pour tous ces gens ; elle en était si friande. Elle avait ainsi l'occasion de se divertir tout en se régalant.
Au plus fort de la fête, en cette approche du crépuscule qu'on nomme habituellement, « entre chien et loup », que dans le parc se mirent à bruire d'étranges propos parmi les villageois. Il se murmurait qu'au-delà de la rivière, dans la forêt voisine était venu le moment du grand rassemblement des défunts de l'année. Ils allaient danser à leur tour puisqu'un des ménétriers venait de quitter l'assemblée pour répondre à leur appel.
C’était une nuit sans Lune, le parc du château était maintenant plongé dans l’obscurité. Tous les villageois quittèrent la place en se signant pour s'empresser de regagner leurs demeures. Les autres musiciens avaient cessé de jouer ce qui permettait d'entendre au loin le son du violon de celui qu'on nommait désormais le ménétrier du diable.
La Marquise, loin d'être effrayée comme son amie et les gens du pays, fut emportée par sa curiosité. Elle manda simplement à son valet de pied de l'accompagner pour se prémunir de toute mauvaise rencontre et se dirigea vers le lieu d'où venait l’envoûtante musique. Les notes qui venaient du violon n'avaient plus rien des airs entraînants du bal, c'était des plaintes déchirantes qui vous brisaient le cœur.
Le spectacle qui se déroulait sous les yeux de la Marquise la pétrifia littéralement. Il lui sembla apercevoir dans une clairière une troupe de chats, de belettes, de fouines, de renards et autres mammifères qui menaient tous une grande sarabande. Les animaux faisaient grande ronde autour du ménétrier qui semblait ne plus avoir face humaine.
La Marquise, tout hardie qu'elle fut habituellement en bien des circonstances voulut prendre la poudre d’escampette. Elle en fut incapable, totalement subjuguée par le spectacle qui s'offrait à elle. Son valet n'était plus auprès d'elle sans qu'elle s’aperçût de sa fuite. C'est alors que le ménétrier se tourna vers elle en la désignant de son archet...
Dans l'instant, surgit dont ne sait où, un loup-garou sinistre créature malfaisante associée à l’univers des ténèbres et de la sorcellerie aux côtés de la belle dame. À la grande surprise de la marquise, ce monstre ne se montra pas agressif par des gestes emprunts de douceur. Elle se laissa faire...
Volontiers facétieux, ce loup-garou prit la marquise sur son dos et se lança dans une ronde endiablée en poussant des cris qui s'avéraient étrangement mélodieux. Tandis qu'il tournait sur lui au rythme de plus en plus rapide du violoniste, tous les animaux se mêlèrent à eux. La tête de la dame lui tournait, elle ne savait plus où elle était et finit par perdre connaissance.
Quand elle reprit connaissance, elle se trouvait dans les bras de son valet de pied qui prétendit qu'elle avait fait une mauvaise chute en s'éloignant du Parc et qu'elle s'était évanouie. La Marquise ne donna jamais foi à cette explication, persuadée qu'elle avait eu le privilège d'être la reine d'un grand sabbat. De ce jour, elle prit un immense plaisir à recueillir les croyances du Berry et à raconter elle-même des légendes lors de ses longs déplacements. Il se murmure même que sur sa belle Loire, elle aurait croisé une mystérieuse créature surgit des flots, une petite sirène qui prenait en charge les mariniers noyés afin de sauver leurs âmes et de restituer leurs corps à leurs familles.
Journées du Patrimoine 2024 à Autry-le-Châtel
Animation
Histoires de Loire et du Berry par un conteur C"Nabum à partir de 15 h
Public concerné : Tout public
Au programme pour ce lieu :
Élégante demeure Renaissance de la fin du XVe siècle. Construction rectangulaire accolée de trois tours asymétriques dont la vaste terrasse est entourée de douves. L'édifice est agrémenté en façade d'un escalier en vis en pierre. Il se retrouve dans la correspondance de Madame de Sévigné qui y séjournera. L'édifice a été partiellement détruit par un incendie, puis remis en état..
Château d'Autry-Le-Châtel
24 rue du Petit Château
45500 Autry-le-Châtel