Jeux Olympiques : échec politique ou technique ?

par Pierre Bilger
vendredi 8 juillet 2005

Dans la descente aux enfers que vit la classe politique française depuis quelques années, l’issue de la candidature de Paris pour les Jeux Olympiques de 2012 est perçue comme s’ajoutant à la longue liste de ses échecs. Mais, comme fréquemment, nous nous trompons sur les causes du désastre.

Le succès de Londres serait dû au fait que la Grande-Bretagne aurait le vent en poupe dans le domaine politique et économique alors que notre pays est à la traîne ou qu’elle a la chance d’avoir un dirigeant, Tony Blair, qui accumule les réussites alors que Jacques Chirac ne cesse depuis dix ans d’échouer dans tout ce qu’il entreprend. On y ajoute ici ou là des suspicions de corruption qui achèvent de justifier la réputation d’arrogance et d’absence de fair play que l’on a coutume de nous faire, à tort car, en ces matières, nous ne sommes pas très différents des anglais, des américains ou des allemands.


Il est vrai que beaucoup à l’étranger ne sont pas malheureux de cette défaite française, tant notre comportement de donneurs de leçons indispose un grand nombre de pays, même si celui du Royaume Uni plus habile ne les séduit pas pour autant. Je l’ai encore constaté hier au cours d’une réunion à Bruxelles où nous n’étions que trois Français au milieu de vingt cinq autres Européens au moment d’apprendre la sélection britannique sans susciter la moindre sympathie.
En fait, me semble-t-il, notre échec a deux causes que je qualifierais presque de techniques : une erreur de marketing et un défaut de compétence.

L’erreur de marketing a porté sur l’analyse de l’esprit olympique. Deux éléments le caractérisent : il s’agit de sport et il s’exerce dans un contexte d’universalité. Or notre offre a été dominée par la politique et le parisianisme. C’est du moins l’image qu’elle a donnée à travers l’importance accordée aux politiques et aux paillettes touristico-médiatiques dans la manière de la présenter. La réalité de l’offre britannique, bien entendu, n’était pas très différente. Mais paradoxalement, elle a su mettre en avant sa composante sportive alors que la Grande-Bretagne compte bien moins de médaillés olympiques que la France et magnifier une jeunesse multi-ethnique que la France aurait pu tout aussi bien glorifier. J’ai retrouvé là ce que j’ai retenu de mes douze années de direction d’une entreprise largement franco-britannique, à savoir l’exceptionnel talent de nos amis d’outre-manche quand il s’agit de présenter et de mettre en valeur ce qu’ils offrent alors que le contenu n’est pas toujours au niveau du contenant !

La deuxième cause relève d’un défaut de compétence que cette même expérience m’a permis de relever. Le Royaume-Uni est doté d’un talent exceptionnel dans le domaine du lobbying. Je l’ai vu à l’oeuvre à maintes reprises et notre entreprise commune a su en profiter très souvent. En ce qui nous concerne, nous ne savons pas faire ou nous savons rarement faire. Les réseaux informels britanniques sont multiples. Ils prennent appui sur le Commonwealth, sur les universités qui voient passer de nombreux étudiants étrangers avec lesquels les liens sont maintenus, sur les nombreux clubs ou associations, organisés autour des entreprises ou des activités sportives, sur la formidable aura de la monarchie britannique qui transcende les clivages politiques et les différences culturelles et surtout sur cette manière inimitable qu’ont nos amis anglais d’établir des connivences et de s’assurer des loyautés, avec le moins de paroles possibles et sans chercher à briller, à travers toutes les occasions de relations sociales, diners, cocktails, parties de golfs... Les britanniques n’ont pas besoin de corrompre. Leur capacité à se créer des attachements leur évite d’être tentés par de telles initiatives. Je ne serais pas surpris que nous apprenions tôt ou tard qu’au service de cette candidature tardive et probablement de moindre qualité dans le contenu que la nôtre, ce soit ce formidable réseau qui ait fait la différence et qu’en particulier dans la dernière ligne droite, le téléphone de la Reine ait activement fonctionné.

La malchance a voulu que dans cette sélection, nous ayons eu pour adversaire, celui qui était le mieux outillé pour contrer la qualité technique de notre candidature par une capacité exceptionnelle à gérer l’influence. En revanche il y a un terrain sur lequel l’influence et le lobbying ne joueront aucun rôle, c’est celui du sport. A nous de montrer à Pékin en 2008 et à Londres en 2012 que nous sommes les meilleurs. Dans ce combat-là, le seul qui vaille en définitive quand il s’agit des Jeux Olympiques, notre passé a montré que notre jeunesse est capable de se comporter honorablement et même souvent de vaincre avec panache.


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