Des élus inutiles

par Michel DROUET
mercredi 2 avril 2025

Le Département, collectivité territoriale d’Ille et Vilaine, a présenté récemment son budget pour 2025 dont les recettes diminuent sous l’effet du rabot financier de l’Etat. Voilà donc cette collectivité (à ne pas confondre avec le Département subdivision territoriale de l’Etat dirigée par le Préfet) contrainte à pratiquer elle-même l’exercice du rabot. 

Des subventions en baisse

Comme dans beaucoup d’autres collectivités locales ce sont les subventions au sport et à la culture, divisées par deux, qui en font les frais. L’investissement (routes, collèges, …) est aussi concerné (119 millions contre 150 en 2024) malgré un recours accru à l’emprunt, ce qui n’est jamais bon. Par ailleurs, il est prévu d’allonger le temps de vacance des postes non pourvus, mais pas de revoir le nombre de contractuels dédiés au fonctionnement de l’assemblée et de son administration et des groupes d’élus, par exemple.

Ce sont donc principalement le soutien aux associations et l’investissement, deux postes sur lesquels le Conseil Départemental communiquait abondamment, du temps de sa splendeur, qui font les frais de cette rigueur. Les associations qui animent font vivre le tissu local vont être obligées de restreindre leurs actions, ce qui n’est pas anodin, surtout dans le contexte actuel. De son côté, l’économie locale moins sollicitée par l’investissement au travers des marchés publics va devoir sans doute diminuer les emplois. 

Ces deux postes, auxquels s’ajoute les contrats d’aide aux intercommunalités, ne représentent au total que 195 Millions d’euros (15 %) sur le 1.3 Milliard du budget de cette collectivité, la différence étant constituée de politiques sociales et de rémunérations d’agents autrefois prises en charge par l’Etat, qui sont désormais « sanctuarisées » et sur lesquelles le Conseil Départemental fait office de simple chambre d’enregistrement.

Le Conseil Départemental est donc devenu le sous-traitant des politiques de l’Etat et à ce titre ne peut plus être considéré comme une collectivité territoriale de plein exercice, simplement un service de l’Etat pour lequel une assemblée d’élus, au fonctionnement coûteux, n’est plus utile. 

L’accompagnement des bénéficiaires du RSA

Ce dispositif qui fait actuellement l’objet d’une expérimentation dans dix-huit départements, élargie à quarante-neuf est en cours de finalisation. M. Sauvadet, Président de l’Assemblée des Départements de France a souligné qu’il s’agissait de l’un des rares exemples de « co-construction » avec le gouvernement et que les premiers résultats étaient encourageants (article Ouest-France du 31/12/2024), mais comme le diable est toujours dans les détails, à la fin de cet article on voit poindre la question des moyens à mettre en œuvre pour l’accompagnement. A France Travail, l’un des partenaires de cette co-construction on parle d‘efficience et on évacue la question des moyens supplémentaires dans la cadre d’un budget stable en 2025.

Dernièrement, on parle dans le cadre d’un décret à paraître, de la mise en œuvre de sanctions pour les bénéficiaires ne respectant pas le contrat signé par le bénéficiaire, pouvant conduire à la suspension de 30 à 50 % de l’allocation. Dès lors la question se pose de savoir qui décide de ces sanctions : travailleurs sociaux des Départements ou agents de France travail ? Cet organisme de l’Etat dont les agents ont déjà fait part de leur opposition en parlant d’un « bazar monstrueux » (Ouest France du 22/03/2025) parle simplement d’efficience dans le cadre d’un budget 2025 stable…

Tout concorde donc à ce que les Départements hériteraient de la patate chaude de la part de l’Etat (comme d’habitude) et on n’est pas du tout certain que les travailleurs sociaux, dont les effectifs devraient être augmentés, acceptent de proposer des sanctions : de beaux débats en perspectives dans le cadre du dialogue social.

On s’acheminerait donc vers des dépenses supplémentaires à charge des départements, déjà à l’os, et sans doute un coup de rabot supplémentaire pour les associations locales.

Dans leur course effrénée au maintien de la collectivité territoriale et rejoignant, pour ce faire, les propositions de M. Woerth de maintien d’une taille critique pour conserver tous les niveaux du mille-feuille, les élus départementaux se détournent petit à petit de leur vocation d’accompagnement de la vie sociale et associative et sont prêts à toutes les concessions afin de ne pas perdre leurs mandats.

Pour reprendre une maxime, une autre, du rapport de M. Woerth : « qui commande paie », il eut été logique de transférer les politiques sociales des départements en les confiant aux CAF, par exemple déjà impliqués dans le RSA, et surtout pas de cogérer avec l’Etat cette politique au sein d’un EPL social, ce qui ne serait ni plus ni moins qu’un retour vers la tutelle (proposition Woerth).

Les Conseils départementaux qui sont déjà des sous-traitants pour le compte de l’Etat devraient prendre conscience que leur assemblée, quasiment en soins palliatifs n’a plus le choix qu’entre la tutelle ou demander eux-mêmes la dissolution de leur assemblée et renoncer à leurs mandats devenus inutiles.

Les penseurs/lobbyistes

C’est dans ce contexte que certains « penseurs » (1) nous parlent de la « révolution par les territoires » et d’un « projet global qui repose sur un équilibre des pouvoirs retrouvés » et « pensent que les territoires, c’est-à-dire le couple Région/Département, sont mûrs pour prendre en charge les services publics du quotidien : santé, éducation, logement, emploi, énergie, action économique » et rêvent tout éveillé à ces nouveaux transferts ne « peuvent pas se traduire par une augmentation des dépenses publiques, mais l’inverse », ce qui contredit totalement l’histoire des différents transferts opérés depuis 1982 qui se sont toujours terminés par des surcoûts.

On attend impatiemment un chiffrage de ce projet qui ne prévoit rien en matière d’économies liées à l’enchevêtrement des compétences entre collectivités territoriales (7.5 Md€/an, tout de même).

On attend également qu’on nous dise comment on préserve l’unité de traitement des citoyens entre les différents endroits du territoire.

En fait, ces théoriciens et penseurs sont surtout sensibles au fait que tous les élus de nos collectivités territoriales conservent leurs mandats, quoi qu’il en coûte (pour le contribuable).

  1. Frédéric Salat-Baroux dans Ouest France du 22-23/03/2025
  2. « Décentralisation, il faut que tout change pour que rien ne change », par Michel DROUET, aux éditions l’Harmattan

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