Du droit de vote à la parité dans la représentation politique des femmes

par Eliane Jacquot
jeudi 24 avril 2025

"Car le monde n'est pas humain pour avoir été fait par des hommes, et il ne devient pas humain parce que la voix humaine y résonne, mais seulement lorsqu'il est devenu objet de dialogue", Hannah Arendt, Vies politiques.

Il y a 81 ans, le 21 avril 1944, c'est par une ordonnance signée par le Général de Gaulle que le droit de vote et d'éligibilité est enfin accordé aux femmes françaises, à la suite de leur grande implication dans la résistance au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Citons ici Germaine Tillion, Lucie Aubrac, Gilberte Pierre-Brossolette, sans oublier toutes celles restées dans l'ombre.

Accroissement de la présence des femmes dans la vie politique

La parité, qui relève d'une logique de représentation a été inscrite dans la constitution française en 1999. Les dispositions en sont les suivantes : la loi "favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives", et l'article 4 précise que "les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe". À cette issue, on observe de nombreuses législations de plus en plus contraignantes au niveau des scrutins. Il a fallu une nouvelle loi du 6 Juin 2020 concernant l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives pour obtenir un élargissement de la parité. C'est ainsi qu'aux dernières élections européennes un pourcentage de 49% de femmes a été établi.

En rompant avec notre héritage méditerranéen de domination masculine, décrit par Pierre Bourdieu au siècle dernier qui attribue traditionnellement la sphère publique aux hommes et la sphère privée et domestique aux femmes, elle ouvre aux femmes un espace de liberté et de réalisation en fonction d'aptitudes et de choix et non plus de représentations sociales archaïques. Cependant, 26 ans après l'engagement de la France en faveur de la parité, le pouvoir politique apparaît encore très masculin. Il reste aux femmes la volonté d'occuper des places stratégiques au niveau des partis politiques et de leur représentation dans les assemblées.

On observe, en France en 2024, seulement 36% de femmes élues à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les têtes de liste aux élections locales sont très majoritairement masculines, les femmes président deux départements sur 10 et 21% d'entre elles sont élues maires d'après une étude de l'Insee, le 6 mars 2025 ( 1). Il a fallu attendre 2007 et le gouvernement de François Fillon pour s'approcher de la parité ministérielle, enfin réalisée en 2014 par Manuel Valls.

Les citadelles tombent-elles vraiment ?

En France, les tremplins ont été ouverts par quelques pionnières qui se sont imposées au plus haut niveau de l’État.En 2007, pour la première fois de notre histoire, Ségolène Royal a été en position d'accéder au poste de Président de la République, acquis au second tour par Nicolas Sarkozy.

Avant elle Simone Veil, magistrate, ministre de la santé de Valery Giscard d'Estaing a permis de faire promulguer le 17 janvier 1975 la loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse malgré de violents débats au Parlement et dans les médias. Sa reconnaissance fut tardive, à l'issue de son entrée au Panthéon le 1er juillet 2018.

Françoise Giroud, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing devint secrétaire d'État auprès du premier ministre, chargée de la Condition féminine, entre 1974 et 1976, où elle lança "cent une mesures" en faveur des femmes (mise en place de droits propres pour les femmes, lutte contre les discriminations, ouverture des métiers dits masculins...).

Christine Lagarde, ministre française de l'Economie en 2007, la première à ce poste dans un pays du G8, a pris la tête de la Banque Centrale Européenne en 2019. Elle doit faire face actuellement à l'affaiblissement de l'UE face au renforcement du protectionnisme américain sous la nouvelle administration Trump.

En 2022, Elisabeth Borne est nommée première ministre sous la présidence d'Emmanuel Macron, 31 ans après Edith Cresson, toutes deux contraintes à démissionner en se heurtant à l'hostilité du monde politique et des membres de leurs partis.

En 2022 encore pour la première fois Yael Braun-Pivet est élue à la présidence de l'Assemblée nationale, la conduisant à devenir le quatrième personnage de l'Etat.

Toutes ces pionnières ont ouvert la voie du pouvoir politique, de conquêtes en résistances surmontées. Elles ont contribué à mettre en place des actions concrètes allant dans le sens de l'histoire. Les discours évoluent et le décalage entre le rôle des femmes dans la société et leur sous­-représentation dans les instances de pouvoir est considéré comme de moins en moins pertinent en France, comme dans l'espace européen. Mais au même moment avec le retour de Donald Trump aux Etats-Unis, en Europe la montée des partis populistes et leur cohorte de déni de démocratie, la place des femmes est reniée, discréditée confortant de nouveau l'image conservatrice d'une vision patriarcale du monde, au risque de réfuter toutes leurs avancées. Et ce en toute impunité.

( 1) https://blog.insee.fr/evolution-inegalites-femmes-hommes-v2025/

 

Eliane JACQUOT


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