Jospin, le pot aux roses

par stephane rossard
vendredi 30 juin 2006

Voilà depuis des mois que la famille PS au grand complet se posait régulièrement cette question : « Jospin : ira, ou ira pas ? » L’ancien premier ministre leur a (enfin) répondu. Le pot aux roses du retour Jospin a enfin été révélé au grand jour. Un retour qui, cependant, inquiète plus qu’il ne rassure le Parti socialiste. Et aussi la France.

L’autre soir sur TF1, tout portait à la confusion. Étions-nous subitement revenus en 2001 à dix mois de la présidentielle de 2002 ? Étions-nous au temps de la cohabitation Chirac-Jospin ? Etait-ce Lionel Jospin qui était Premier ministre ? Une étrange impression de déjà vu nous saisissait.

On assistait donc au retour officieux de Lionel Jospin en politique, après qu’il eut claqué violemment la porte en 2002, au lendemain de son élimination de candidat du PS à une présidentielle.

Le pot aux roses, après un mystère soigneusement entretenu, était enfin découvert ! Ou plutôt révélé ! Une surprise ? Pas tant que cela, me direz-vous. En effet, ce retour, tant de fois annoncé, virait, à la longue, au secret de Polichinelle.

Si Lionel Jospin voit la vie en rose, il en va autrement au Parti socialiste. Depuis plusieurs mois, à l’instar de Belphégor qui hante les couloirs du Louvre, Lionel Jospin hantait la rue de Solférino, le quartier général du Parti socialiste. Il n’était pas présent physiquement ou seulement par apparitions furtives, mais son ombre planait lourdement.

Il hantait aussi les esprits des éléphants, autrement dit, des leaders du PS, tous candidats à l’investiture pour la présidentielle de 2007. Pour ces derniers, le cauchemar tant redouté - le retour de Lionel Jospin - est donc devenu réalité.

Certes, l’intéressé ne l’a pas explicitement exprimé. Mais il faudrait être terriblement dur de la feuille ou obstinément candide pour ne pas comprendre que Lionel Jospin revenait sur son engagement fait au lendemain de sa défaite aux présidentielles de 2002 de se retirer définitivement de la vie politique. Une phrase circonstancielle, prononcée sous le coup de la rancœur, consécutif à la défaite cinglante, donc imputable à un coup de sang qu’il doit amèrement regretter. D’ailleurs, Lionel Jospin, lors de son intervention, a réfuté l’adverbe "définitivement".

Un retour qui commence donc mal pour l’ancien Premier ministre. Et probable candidat. D’abord, il renie sa promesse. Rien de trop grave jusqu’ici, cependant, car tous les candidats ont prouvé dans le passé que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ! Le peuple français l’a appris plus d’une fois à ses dépens. Ensuite, il a fait preuve de mauvaise foi en justifiant son retour de façon complètement abracadabrantesque !

Dernier mauvais point : au lieu de rassembler, comme il prétend être le seul en mesure de le faire à gauche, ce retour, dans un premier temps, divise son camp. Il y a d’un côté ceux et celles qui se félicitent de ce come back. De l’autre, ceux et celles qui font grise mine, car c’est un obstacle de plus sur la route de leurs ambitions élyséennes.

Difficile aujourd’hui de connaître le rapport entre les deux camps. En tout cas, voilà qui promet du spectacle et une belle bataille au PS. Le parti n’avait probablement pas besoin de ce nouvel entrant dans l’arène des investitures, car il ajoute, sans conteste, à la confusion ambiante !

Cependant si Lionel Jospin a probablement toute sa place dans ce débat politique, il effectue un retour pathétique. Il est le seul, avec ses plus proches fidèles, à croire en son étoile.

Surtout, le problème est que Lionel Jospin fait de sa candidature en 2007 une affaire personnelle. Il a manifestement un problème avec lui-même. Et il pense que cette nouvelle candidature lui permettra de le résoudre. Par ailleurs, on a la désagréable impression qu’il a un compte à régler avec le peuple français. Comme s’il avait un affront à laver. C’est là que le bât blesse.

La présidentielle est probablement la rencontre entre un homme et un peuple. Mais aussi, et surtout, un projet et un peuple. Quel est celui de Lionel Jospin ? Pour l’instant, difficile à dire. Mais laissons du temps au temps pour qu’il l’affine et le révèle dans ses détails. A l’avenir, il lui faudra plus qu’une tribune très triviale faisant l’inventaire des principaux enjeux de la France pour convaincre.

Enfin, et c’est le plus gênant : Lionel Jospin n’a toujours pas analysé les raisons de son élimination prématurée. L’ex-futur-ex-retraité de la vie politique française en conserve une lecture erronée. Il est toujours persuadé, en effet, qu’il doit sa défaite à la présence de Jean-Pierre Chevènement. Quand comprendra-t-il qu’il est le premier et seul responsable de sa déroute ? Tant qu’il fera l’économie de cette analyse, il est sûr que Lionel Jospin manquera un nouveau rendez-vous avec le peuple français. Peut-il s’offrir ce risque ?

Donc, s’il vous plaît, peuple de gauche, retenez Jospin avant qu’il ne commette un nouveau malheur pour la France ! Et pour vous !


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