Royal - DSK le duel en vidéo

par Daniel Lattanzio
jeudi 13 avril 2006

Le plan média de Ségolène Royal contraste avec celui de DSK dont elle a pris le positionnement social-libéral. Les bons sondages qu’on accorde à Ségolène m’ont incité à comparer leurs prestations dans le duel à distance qu’ils se sont livré dernièrement à la télévision.

M’étonnant quelque peu de la couverture médiatique moutonnière accordée à Ségolène Royal, je suis allé regarder la vidéo de son passage sur TF1. Et juste avant, j’ai regardé la vidéo du passage de DSK sur France 2 face à Alain Duhamel. Le même Alain Duhamel qui avait qualifié Ségolène de "candidate imaginaire".

Le résultat est que j’ai été déstabilisé par la proximité et la simplicité de la présidente de Poitou Charentes, même si je suis toujours aussi persuadé des grandes qualités intellectuelles de DSK, de sa grande capacité à convaincre point par point ses interlocuteurs.

Alors, comment dire ? Ségolène est reposante intellectuellement, elle prononce avec douceur et fermeté des mots simples et clairs qui vont droit à l’essentiel. Elle se sert d’exemples très concrets de la vie familiale et professionnelle pour afficher une proximité, une compréhension, une écoute de la vie des Français. A la limite de l’indignation par instants, mais aussi à d’autres moments avec beaucoup d’optimisme et de fraîcheur. Avec à l’appui des exemples de réalisations récentes dans sa région et des mesures sociales, comme le fait de payer le permis de conduire à certains jeunes. On a envie d’y croire, même si j’ai toujours un certain doute qui me taraude : n’est-ce pas seulement de la communication de grand talent, de la posture ? Par ailleurs j’ai observé l’attitude, très féminine, assise presque au bord de son fauteuil, fort bien habillée mais sans excès, le regard lumineux par moments, j’étais touché par le charme qui se dégageait. On sentait que POSA évaluait la performance avec une forme d’approbation de professionnel de la communication, sans poser aucune question vraiment agressive. Un moment de calme et de sérénité. Ségolène assure et rassure. A un moment, devant cette femme politique, je me suis remémoré un souvenir ancien : Mitterrand et la force tranquille. On avait eu Tonton, on a devant nous la version féminine et plus jeune d’une force intérieure en pleine maturation. Que de la communication Aiglon, voyons ! Certes, certes. Oui, oui, bien sûr. Évidemment.

Bon, passons à notre cher camarade DSK.

Contexte différent : l’interviewer, Alain Duhamel, après le journal, une émission politique, courte mais dédiée, pas le 20 heures, donc on se sentait "moins nombreux" à regarder. Une attitude courante chez DSK, les mains à plat écartées sur le bureau devant lui, un grand sourire, une complicité non feinte avec le journaliste, et toujours les grands gestes de la main droite balayant l’espace pour étayer une démonstration. Des effets de manche du professeur ou de l’avocat d’affaires qui connaît ses dossiers à fond. Toujours aussi cette facilité d’expression, cette éloquence avec des mots et des phrases qui coulent vite et aisément, mais qui supposent une grande attention du téléspectateur pour que le fil du raisonnement toujours pointu ne soit pas perdu. Des exemples vivants pour exprimer le parcours professionnel, l’ascension sociale comme but légitime des parents pour leurs enfants. Mais voilà, moi-même je m’y perds un peu. Comme le disait quelqu’un, un peu de difficultés à restituer un message fort retenu lors de l’interview. J’ai bien entendu de nouvelles propositions sur l’emploi des jeunes, avec la croissance nécessaire et la formation, mais pas une mesure simple facile à retenir. Je n’ai pas totalement retrouvé les mesures énoncées récemment par DSK dans son blog sur le sujet, comme s’il cherchait encore la bonne solution. En résumé, c’est un langage instructif et profond, pas toujours aisé à suivre, en raison d’une réflexion riche et "à tiroirs".

Le positionnement de Ségolène est plus facile, car il s’appuie sur des convictions simples, un diagnostic partagé et un questionnement des citoyens. Celui de DSK est plus compliqué, car comme la plupart des hommes, il se veut responsable, il veut faire preuve de sa force, de son expertise réelle. Il a déjà passé le cap du diagnostic car il a des solutions concoctées par les meilleures équipes d’experts, dont lui-même. Il ne nous raconte pas d’histoires. Mais peut-être que les gens ont envie qu’on leur parle d’eux, de leur histoire, et seulement après, qu’on leur propose des solutions. Un pays blessé a envie qu’on se penche sur ses blessures. Ceci peut irriter le spécialiste qui a été confronté à un faux docteur comme l’actuel président, expert ès compassion et qui pense que ça ne durera pas.

Alors Ségolène - DSK, la candidate des citoyens contre le candidat des élites ? Si le débat reste sur ce terrain, la tâche de ses concurrents - y compris à droite - sera délicate. D’où l’appel au débat contradictoire entre candidats du PS, dont j’ignore si c’est le bon plan. En toute hypothèse, c’est un beau cas d’école pour les experts en stratégie électorale.


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