C’est nous les Africains qui revenons de loin

par Jean Claude BENARD
mardi 30 mai 2006

Récompensé à Cannes par une palme des meilleurs acteurs, ce film, bien avant sa sortie dans les salles, va déclencher probablement une nouvelle polémique.

Sans aucune liaison avec les célébrations des victimes de l’esclavage, le film pose un tout autre problème qui, lui, n’a jamais trouvé son issue ou sa reconnaissance, quels que furent les partis politiques au pouvoir.

La France a eu recours aux ressortissants de ses colonies dès la Première Guerre mondiale, et nombreux ont été ceux venus d’Afrique ou d’Asie pour se battre dans les tranchées. C’est au travers des témoignages de l’époque que l’on apprend que les tirailleurs sénégalais sont envoyés comme nettoyeurs de tranchées en partie parce que les Allemands sont terrifiés par l’apparence de ces soldats. L’histoire filmée ne retiendra que les colliers d’oreilles allemandes que les tirailleurs se confectionnent et qui resteront longtemps marqués dans l’esprit des populations.

Après s’être battus par milliers en 1939-40 et après les affres de la captivité, tirailleurs maghrébins et d’Afrique noire furent de nouveau mobilisés à partir de novembre 1942 pour participer à la libération de la « Mère patrie ».

L’armée française était prisonnière dans les camps du Reich, à la suite de la débâcle de mai-juin 1940, la France était occupée, il appartenait à l’Empire de fournir le plus grand effort pour reconstituer cette armée et participer au combat pour la Libération.

Engagés ou conscrits, ils représentaient plus de la moitié de l’armée régulière en 1944, estimée à 550 000 hommes et femmes.

Sur les 260 000 hommes que comptait la Première armée française dont les unités débarquèrent en Provence en août 1944, plus de la moitié étaient des indigènes originaires des colonies, musulmans d’Afrique du nord et d’Afrique noire.

Des fantassins constamment sollicités et surexploités, de l’aveu même de leur chef, le général de Lattre de Tassigny. Il s’en s’inquiétait auprès du commissaire à la guerre Diethelm : "Mes hommes ont l’impression naissante qu’ils sont abusivement exploités par la métropole, sentiment terriblement dangereux."

Et puis, la guerre terminée, ils sont, dans leur grande majorité, rentrés au pays fiers du devoir accompli et certains d’avoir montré que leur participation les hissaient au niveau de tous les citoyens français.

À partir d’octobre 1944, la plupart des troupes noires sont progressivement retirées de la zone des opérations. Le commandement évoque le manque d’endurance au froid de ces soldats noirs ; cette raison peut en couvrir une autre, d’ordre tactique, liée à l’utilisation traditionnelle de ces combattants : aptes à fournir un violent et décisif effort dans le choc, assureraient-ils aussi bien le combat statique de position que l’on prévoit ?

En fait, pour expliquer ce désengagement, d’autres causes sont aussi à retenir. Siéger à la table des vainqueurs implique de montrer que le dernier effort de guerre repose non seulement sur le concours de l’Empire, mais sur une armée métropolitaine reconstituée, capable de tenir son rang en Europe.

C’est aussi en 1944 que les soldats du Maghreb, de retour chez eux, voient la misère matérielle qui frappe durement les campagnes ; amertume et déception les guettent, lorsqu’il leur viendra à l’idée de réclamer les mêmes droits de citoyenneté que les Français d’Afrique du Nord. Beaucoup s’indignent de ce que la citoyenneté avec maintien du statut personnel musulman, accordée par les ordonnances de mars 1944 en Algérie, ne soit pas octroyée aux anciens combattants, ou pour le moins, aux décorés de la Croix de guerre. Et surtout, ils découvrent avec stupeur l’ampleur de la répression dans le Constantinois, après les émeutes de Sétif et de Guelma, en mai-juin 1945.

Eux, qui ont fait preuve d’abnégation, de courage, de discipline dans la guerre pour libérer la France, se souviendront. Certains prendront les armes, des années plus tard, pour libérer « leur » pays de la présence coloniale, cette fois ; d’autres tenteront de faire reconnaître leurs droits de combattants pour la France, leur qualité de citoyen par le sang versé.

Ce scandale dure toujours et l’égalité de pension et de respect n’a jamais été rétablie entre les soldats de la métropole et ceux issus des colonies. Notre président, qui cherche désespérément une cause susceptible de passer à la postérité, pourrait peut être envisager d’indemniser correctement les derniers vétérans, ce qui ne serait somme toute que le minimum pour ces hommes venus défendre notre pays qui était si loin du leur.

Mais au fait, qui connaît vraiment la chanson de ces troupes ?

Premier couplet

C’est nous les Africains

Qui revenons de loin

Nous v’nons des colonies

Pour sauver la Patrie

Nous avons tout quitté

Parents, gourbis, foyers

Et nous avons au cœur

Une invincible ardeur

Car nous voulons porter haut et fier

Le beau drapeau de notre France entière

Et si quelqu’un venait à y toucher

Nous serions là pour mourir à ses pieds

Battez tambours, à nos amours

Pour le pays, pour la Patrie

Mourir au loin

C’est nous les Africains.

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Sources


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