CPE, le silence prudent des patrons...

par Roues Libres
vendredi 10 mars 2006

L’annonce par le Premier ministre des dispositions nouvelles destinées à favoriser l’emploi des jeunes a surpris tout le monde. A commencer par les patrons. Plutôt favorable au CNE, ce n’est un secret pour personne que le MEDEF aurait préféré une extension de ses modalités à l’ensemble des entreprises, plutôt qu’un nouveau contrat de travail, dont l’inconvénient principal est de stigmatiser l’emploi des jeunes.

Depuis, silence gêné. Il est vrai que compte tenu de l’agitation actuelle, une intervention trop appuyée du MEDEF n’aurait pas pour conséquence de calmer le jeu. D’autant que la machinerie syndicalo-politique a retrouvé ses réflexes unitaires devant l’aubaine, et envoie les troupes fraîches des lycées et universités renforcer les rangs des conservateurs habituels et appointés de nos archaïsmes. Il est d’ailleurs assez cocasse de voir, nombreux parmi les manifestants et les donneurs d’ordres, des fonctionnaires et autres bénéficiaires du salaire à vie, qui bien entendu ne risquent pas d’être jamais confrontés à la nécessaire flexibilité contractuelle que requiert l’évolution du marché du travail.

Plusieurs points méritent cependant d’être soulignés. Le premier est assez patent. L’ UNEF, ce satellite du PS, n’a pas réussi à entraîner dans le mouvement une majorité très nette des étudiants, ce qui pose d’ailleurs, s’il en était besoin, la question de la représentativité réelle de cette association politique trop vite considérée comme un syndicat. Ce qu’elle n’est pas. Nombreux sont eux en effet qui sans adhérer de manière enthousiaste au CNE, en ont raisonnablement mesuré les avantages et les inconvénients. Ils en attendront les résultats, dont il est évident que s’ils ne sont pas au rendez-vous, ils entraîneront de facto la remise en question de ces mesures. Et d’abord par les entreprises.

Le deuxième concerne l’application du CNE aux non-diplômés qui, bien entendu, sont dans une position encore moins favorable que les premiers face à leur premier emploi. La crise des banlieues serait-elle déjà à ce point derrière nous, pour que les conditions d’accès au travail des jeunes défavorisés ne soient pas mieux défendues ? Y compris avec toutes les maladresses dont notre représentation nationale peut être capable dans la précipitation de décisions nocturnes et mal réfléchies, comme le CV anonyme.

Le troisième concerne le jeu politique auquel on assiste avec effarement aujourd’hui. Le soutien ironique de Sarkozy à de Villepin, la bien inutile alerte au feu de M. de Charette, la dernière subvention façon emploi-jeunes revival de Martine Aubry . Et comble de la démagogie, la décision parfaitement inapplicable de Madame Royal qui déclare tout net supprimer toute aide aux entreprises qui mettraient en place des dispositions ayant force de loi. On se pince.

Quoi qu’il en soit, la remise à plat du Code du travail, dont la complexité inextricable est pour les PME un véritable cauchemar, est une absolue nécessité. Tout le monde était plus ou moins d’ accord sur ce socle de départ, sauf bien entendu ceux qu’il convient de définir désormais comme des conservateurs. Notre Premier ministre a voulu agir vite et bâtir, sur ce consensus minimal, un premier étage de mesures dont l’efficacité aurait pu être au moins vérifiée. Un échec et un retrait de cette première tentative aurait des conséquences désastreuses. Elle repousserait en effet pour très longtemps toute nouvelle tentative de modification de règles du jeu définitivement obsolètes.

C’est à ce titre que les chefs d’entreprise, ou tout au moins ceux qui n’ont pas encore complètement perdu l’espoir de faire progresser les mentalités dans ce pays, doivent afficher haut et clair leur soutien au principe même de ce projet. Même s’il doit être aussi clairement indiqué que s’il ne produit pas les résultats escomptés, le même pragmatisme que celui qui a été utilisé pour sa mise en oeuvre rapide devra l’être pour son amendement. C’est à ce prix et avec du bon sens, de la créativité et des risques aussi, que nous pourrons peut-être progresser s’il n’est pas trop tard. Tous ingrédients que les chefs d’entreprises utilisent au jour le jour, mais que, bien entendu, on ne trouve pas dans les réserves des tenants de la guerre de tranchées.


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