« Donnedieu de Vabres m’a tuer »
par Lionel Dujol
mardi 21 mars 2006
Je m’y attendais. Après la fronde miraculeuse des députés du mois de décembre 2005, ceux-ci sont rentrés dans le rang et votent un par un les articles liberticides du fameux projet DADVSI. La licence légale est mort-née. Le droit à la copie privée est balayé et le logiciel libre a été assassiné hier soir. Un ministre et des députés UMP inféodés aux intérêts privés de l’industrie de la culture viennent de porter gravement atteinte aux droits minimaux du consommateur.
La licence globale
ne verra pas le jour. Une issue sans surprise, tant celle ci avait reçu
des tombereaux d’ordures déversées par les majors et la filière cinéma
aidés par les artistes auteurs. Goldman & Calogero sont allés
pleurer devant caméra chez Sarko. Zazie et Julien Clerc chez de
Villepin. Qu’ils sèchent leurs larmes, l’épaisseur de leur portefeuille
ne diminuera pas. Par contre, amis consommateurs, sortez vos mouchoirs,
car le DRM
revient en force. Avec lui, le nombre de copies privées de la musique
achetée (CD ou en ligne) est limité, l’achat d’un logiciel ou d’un
matériel spécifique pour l’utiliser est obligatoire, la lecture de
l’oeuvre sur certains lecteurs vous est impossible, et surtout, la
conversion de l’oeuvre dans un format librement choisi est interdit. Il
s’agit tout simplement d’une entrave à votre liberté de consommer la
musique, et un coup bas porté à la diversité culturelle. Par contre,
cette affirmation des DRM facilite pour quelques grands groupes dominants une distribution efficace et lucrative de leurs contenus. CQFD.
Les parlementaires sont allés plus loin. Si la copie privée de la
musique achetée est bridée, celle des DVD est tout simplement interdite,
au nom du respect de la chronologie des médias (sortie en salle -
sortie DVD - passage à la télé). Le texte n’est pas aussi direct. La
copie privée n’est plus un droit mais une série d’exceptions, qui sera
déterminée par un collège de médiateurs. Celui-ci établira le nombre de
copies toléré. Le texte, lui, suggère le nombre 0 ! Renaud Donnedieu de Vabres
a défendu avec succès l’entérinement d’un amendement proposé par
Vivendi Universal qui voulait s’assurer la triple rentabilité d’un film
(salle/DVD/TV). Mais quand même. Que penser de cette sacro-sainte
chronologie pour des films de trente ans d’âge et largement amortis ?
Une copie du DVD La folie des grandeurs ne sera plus possible alors
qu’il est sorti en salle en 1971, proposé en VHS et en DVD depuis
plusieurs années, et diffusé chaque année à la télé ! Le gouvernement
entérine donc le gavage des majors sur le dos du consommateur. CQFD.
Le coup de grâce est arrivé hier soir. La création et la mise à
disposition de logiciels d’échanges de fichiers sont criminalisées. La
crétinerie et l’obscurantisme ont gagné. Comment peut-on confondre
l’outil et l’usage ? Pourquoi ne pas interdire la fabrication et la mise
à disposition des couteaux ? Tout le monde sait que ceux-ci n’ont d’une
utilité que criminelle. Ne serait-il pas plus opportun de criminaliser le
fait de pirater à outrance, plutôt que le logiciel qui le permet ? Car
cette disposition n’a qu’un seul effet : mettre en danger la création,
l’innovation et le développement du logiciel libre dans notre pays. Que
peuvent bien peser ces arguments universalistes face à ceux,
mercantiles, de l’industrie de la culture ? CQFD.
Du coup je suis en colère. Le citoyen consommateur et demandeur de diversité culturelle que je suis crie bien fort : Renaud Donnedieu de Vabres et la représentation nationale m’ont tué ! La résistance est plus que jamais d’actualité. Le téléchargement dans le cadre d’un usage privé ainsi que la copie privée ne sont plus des actes de piraterie mais des actes politiques. Ceux de la défense de nos droits de consommateurs et de la diversité culturelle. En aucun cas nous ne devons payer pour le manque de clairvoyance des majors qui n’ont pas vu venir la révolution numérique. Dans les jours qui suivent, la question de l’interopérabilité des DRM va être discutée. Le ministre a promis qu’il la garantirait par ce texte. Apple a fait savoir que si c’était le cas, il fermerait le portail I-tune Store France. Ce dernier refuse d’ouvrir son catalogue aux consommateurs ne disposant pas d’Ipod. Quelque chose me dit que là encore, la représentation nationale va baisser son pantalon devant ce mastodonte de la distribution musicale numérique.