Esclavage : devoir d’actualité
par Jean-Paul Busnel
jeudi 11 mai 2006
La commémoration, aujourd’hui, de l’abolition de l’esclavage n’est pas seulement un devoir de mémoire, c’est aussi un devoir d’actualité. Car ce qui fut jadis une honte pour la France l’est aujourd’hui pour le monde entier. Il n’y a plus, certes, de traite négrière ni de populations déportées d’Afrique en masse pour la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe, mais des femmes, des hommes et des enfants sont toujours asservis par milliers sans que cela ne trouble les consciences. En Thaïlande, à Pattaya, les femmes sont livrées au plaisir des occidentaux pour le prix d’une aumône. En Asie, des gamins fabriquent des ballons de foot et des maillots pour moins d’un euro. En Inde, le système des castes perdure et maintient des millions de gens dans la pauvreté. En France, à Paris, des « employés de maison » sont plus maltraités que du bétail, dorment par terre et mangent les restes que l’on veut bien leur donner.
L’esclavage n’est pas une question de couleur, quoique les « Blancs » n’en aient jamais soufferts, mais un problème de société. Et s’il existe depuis plus de trente ans, à l’ONU, un groupe de travail sur les formes contemporaines de l’esclavage, ce dernier n’a pas pour autant disparu.
La dictature de l’argent a démonétisé l’espèce humaine, gratifiant les hommes de considération à hauteur seulement de leur pouvoir d’achat. Hier, la traite était fondée sur l’ignorance, le préjugé de couleur et la religion. Elle est aujourd’hui excusée par « tradition » ou par nécessité économique. On en vient alors à parler de commerce équitable, d’une juste rétribution des cueilleurs de cafés. Comme si cela devrait être une exception.
En ce jour symbolique, il convient de se rappeler Victor Schoelcher qui, plus qu’un riche bourgeois blanc de peau, fut un véritable père pour l’humanité. Apôtre de l’égalité entre les hommes, il milita également pour la reconnaissance des droits civiques des femmes, pour l’application du suffrage universel, pour la suppression de la peine de mort et pour les droits de l’enfant. Cet Alsacien, ami de Victor Hugo, fut certes un piètre homme d’affaires, mais devint pour l’éternité un homme de qualité. Il sut se révolter et convaincre la société d’abolir cette pratique rétablie par Napoléon, qui fit 22 millions de victimes. Comme on aimerait aujourd’hui connaître d’aussi authentiques républicains !
Le 4 mars 1848, le gouvernement de la France déclarait solennellement : « Nulle terre française ne peut porter d’esclaves ». En sommes-nous si sûrs... aujourd’hui ?