Et si le modèle social français était frappé d’une maladie incurable ?
par Philippe Murcia
vendredi 31 mars 2006
La France, comme naguère les régimes communistes, a créé les conditions d’une soviétisation de la société. Cette soviétisation remonte pour une grande part à une fantasmagorie sociétale qui renvoie au début de l’industrialisation de notre pays....
Depuis des décennies, nous savons, tous, que tout système de production repose sur la combinaison de trois facteurs, le capital (finances et investissements), les matières premières, et le travail. Nous savons tous, également, que chacun de ces éléments entre, pour une part plus ou moins importante, dans cette combinaison, et que l’entrepreneur doit en permanence faire des choix sur la manière d’optimiser cette combinaison.
Chacun sait également que chaque facteur, pour être optimisé, a fait l’objet, de la part de ce même entrepreneur, d’études de marché et d’opportunité. Dans ces études, il y a la recherche des créneaux de positionnement des produits envisagés et des prix auxquels ils seront offerts.
Ces études recourent à des simulations de scénarios, scénarios dans lesquels les courbes d’offres et de demandes [ [1] ], sur chacun de ces trois facteurs, sont parmi les plus importantes ; or il semble qu’en France, comme en URSS naguère, on ne peut aujourd’hui utiliser cette analyse objective de l’offre et de la demande de travail.
La France, comme naguère les régimes communistes, a créé les conditions d’une soviétisation de la société. Cette soviétisation remonte pour une grande part à une fantasmagorie sociétale qui renvoie au début de l’industrialisation de notre pays, à la lutte des classes prônée par les cartels successifs des gauches, et enfin aux nationalisations de l’immédiat après-guerre et des cortèges qui en ont découlé.
Il n’y a pas, au monde, une seule étude économique sérieuse qui ait pu démontrer que les performances économiques d’une entreprise nationalisée aient été meilleures, pour l’entreprise, en tant que telles, pour leurs clients et enfin, pour la nation qui en était propriétaire. Or, la France, malgré ce que nous savions déjà dans les années 1960-70, non seulement a continué à supporter les entreprises nationalisées qui existaient déjà, mais en a accéléré le mouvement dans les années 1980, avec l’arrivée au pouvoir de la gauche. Tout le monde connaît la suite, et les dénationalisations auxquelles nous avons dû procéder et dont les coûts pèsent et pèseront, longtemps encore, sur les budgets à venir.
Dans ces entreprises, les analyses de l’offre et de la demande de matières premières étaient certainement les seules qui étaient faites (ce n’est même pas sûr). Celles relatives aux demandes et offres de capital et de travail n’avaient même pas à être mentionnées, tellement cela eût été incongru et mal venu.
Cela a entraîné la société française à ne pas avoir de réel capitalisme comme en Allemagne ou encore en Angleterre. A avoir une relation sociale fondée exclusivement sur les avantages acquis et le bien-être social des travailleurs qui, et c’est naturel, en demandent toujours plus.
Or, que voyons-nous aujourd’hui ?
D’une part :
- La plus grande partie des entreprises dénationalisées sont devenues compétitives, acquérant la taille de géants mondiaux sur les marchés extérieurs, et font leurs profits, en quasi-totalité, à l’étranger
- Ces mêmes entreprises délocalisent et font ou feront de l’outsourcing afin de rester compétitives
- Elles sont cotées sur les plus grands marchés boursiers du monde afin de trouver les fonds nécessaires à leur expansion
- Elles ont su, en vingt ans s’adapter à l’économie de marché en combinant, aux meilleurs coûts, capital, matières premières et travail.
Et d’autre part :
- Un taux de chômage stagnant à 10% de la population active, et ceci, malgré les multiples plans engagés par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, et les sommes faramineuses qui ont été englouties en pure perte
- Plus de 20% des moins de 25 ans avec des bacs plus 5 soit au chômage soit exerçant des emplois non qualifiés et sous payés
- Un accroissement du coût réel du travail qui a commencé sous Giscard d’Estaing pour atteindre aujourd’hui des sommets, rendant le coût du travail réel prohibitif
- Une Sécurité sociale incapable d’être rentabilisée, compte tenu du nombre de fonctionnaires qui y croupissent et du corps médical qui s’y taille des rentes de situation
- Des consommateurs confrontés à un dilemme permanent dès qu’ils se rendent dans leurs supermarchés où les produits importés sont moins chers et souvent en concurrence avec nos productions nationales
- Des agriculteurs qui, exaspérés devant la détérioration de leurs revenus, et au mépris des lois et traités internationaux, détruisent les propriétés d’autrui
- Toute une société qui se rend dans la rue pour rejeter le CPE ou les autres moutures de nouveaux contrats de travail passés aux forceps de l’article 49.3 sans concertation préalable
J’en arrête la liste là, elle serait trop longue, pour exprimer les blocages de cette société qui veut travailler moins tout en recevant plus. Ce n’est pas là que le bât blesse, c’est dans cette course effrénée à l’impôt, autres taxes et charges de toutes natures, que les gouvernements qui se succèdent n’arrêtent pas de mettre en œuvre, pour n’avoir pas le courage de déstratifier ce monstre qu’est devenue la France. Nous en devenons la risée mondiale, c’est une position de champion peut enviable. Nous biaisons le jeu du marché (Suez-GDF) sous prétexte d’un démagogique "patriotisme économique" de l’homme qui se veut être la providentielle rencontre d’un homme et d’un peuple. Nous voyons un Chirac n’ayant plus la sagacité politique d’antan, et qui va jusqu’à quitter, sous les rires goguenards de ses alter ego, le sommet des 25, le 23 mars, et ceci, en raison, nous dira-t-il ensuite, d’un discours en anglais, en défense de la Francophonie. Monsieur Chirac, vous qui laissez votre gouvernement utiliser cet article 49.3 pour faire passer, aux forceps, des textes qui vous reviennent toujours en boomerang, j’espère que la situation actuelle ne vous conduira pas, comme l’ont fait en leur temps vos dignes prédécesseurs, à l’utilisation de l’article 16 de cette même Constitution, faisant ainsi de la France le digne parangon des dictatures du bloc de l’Est. Monsieur Le Président, il ne s’agit nullement de diffamation ou de libelles, ce sont des faits répétés, maintes fois reproduits par des journaux, d’une portée bien plus grande que celle de ce média. Je ne vois pas en quoi le fait de vous dire que vous avez perdu le sens politique, qui vous a si bien servi par le passé, serait une diffamation. Votre alter ego, celui des USA, est, sur ce même média, l’objet permanent, non pas seulement de diffamation, mais d’insultes, allant des plus grossières aux plus vulgaires. Cela me rappelle, encore une fois dans le parallèle de cet article, le temps où, en URSS, personne ne pouvait dire quoi que ce soit à l’encontre des dirigeants, et comme le disait ce bon Gustave Lebon, dans ses Aphorismes du temps présent : « Un délit généralisé devient bientôt un droit ».
Nous sommes réellement devenus une société malade, non pas de notre modèle social seulement, mais de toutes nos contradictions sociétales [ [2] ], de notre modèle culturel, qui, sans exception, n’ont trouvé leur usage que chez nous et dans les pays que nous soutenons à bout de bras et de corruptions ; ils n’ont jamais trouvé d’autres cieux où s’appliquer.
Il est temps d’avoir le courage de proposer aux Français que nous sommes un programme de remise à plat de notre société, nous ne sommes pas plus idiots que les autres pays du monde, nous avons des avantages dans de très nombreux domaines et nous ne pouvons les faire prévaloir, non pas par bêtise, mais parce que notre société est passée de la monarchie à une forme de dictature politicienne où seule la surenchère démagogique est devenue le fonds de commerce de la France dite "d’en haut" au détriment de la France dite "d’en bas".