Il faut plus que de l’argent
par Michel Monette
lundi 16 janvier 2006
Il y a de cela quelques années, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada a perçu que de modestes fonds supplémentaires de 2$ US par habitant ne seront pas tous dépensés par les districts de Morogoro et de Rufiji, situés en Tanzanie. Mais pourquoi donc, malgré les besoins criants, une partie de ces sommes demeure-t-elle en banque ?
Je vois d’ici votre air éberlué. Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’aide non utilisée ?
Sur le terrain, les équipes de gestion de la santé des districts en question ont été tout aussi déroutées lorsqu’elles ont compris qu’une partie de l’argent, pourtant si indispensable, roupillait tranquillement dans son coin, comme le célèbre Mexicain des westerns américains dormant à la porte du saloon.
Il est beaucoup question de l’augmentation de l’aide publique au développement. L’objectif est même chiffré : 0,7% du PIB de chaque pays donateur. Noble objectif, qui pourrait bien toutefois équivaloir à jeter de l’argent par la fenêtre.
Le problème est le manque criant de compétences en gestion. « Il aurait fallu que le personnel possède les compétences voulues pour rédiger des contrats, organiser des réunions en bonne et due forme, émettre des chèques, acheter des fournitures, faire affaire avec des comptables, etc. », concluait le CRDI dans son analyse du phénomène aberrant des sommes non dépensées.
Le manque de gestionnaires efficaces, publics comme privés, en mesure de transformer les ressources financières en dépenses permettant d’atteindre des objectifs, est parmi ce qui fait le plus cruellement défaut dans les pays pauvres.
Nous avons malheureusement trop souvent tendance à croire en la pensée magique en matière de développement. Donnons l’argent, et tout le reste va aller de soi. Pas étonnant, avec une telle attitude, qu’il y ait tant d’échecs.
Cessons de jouer à l’autruche :
La faiblesse des capacités est particulièrement vérifiée lorsque l’aide transite par des entités locales, dans le cadre de processus de décentralisation.
Haut-conseil de la coopération internationale. Aide publique au développement : le possible et le souhaitable, septembre 2002.
Trop souvent, nos idéologies sont à des années-lumière de la réalité du terrain. Ainsi, la noble idée d’impliquer directement les populations locales dans la lutte à la pauvreté ne tient pas compte de la capacité réelle d’absorption des fonds publics d’aide aux projets locaux, et se traduit même trop souvent par une baisse de productivité des dépenses publiques (en clair : du gaspillage de fonds publics).
Déjà que la « productivité » des administrations centrales des pays pauvres est légendairement faible...
Ne serions-nous pas tombés dans le panneau de l’angélisme ? Puisque la corruption empêche les administrations centrales de soulager la misère des populations des pays pauvres, donnons donc l’argent directement à ces populations, soutiennent les nouveaux évangélistes du développement.
Le pire, c’est que des administrations publiques centrales fortes et compétentes ont été, et demeurent plus que jamais, un atout majeur dans le développement des pays riches.